Baharav-Miara demande le renvoi de Deri après le jugement de la Haute Cour
La procureure-générale a demandé au Premier ministre Benjamin Netanyahu de se conformer à la décision des juges qui ont estimé que Deri ne pouvait pas être ministre
La procureure-générale a demandé au Premier ministre Benjamin Netanyahu de renvoyer du cabinet le ministre de l’Intérieur et de la Santé Aryeh Deri, conformément à la décision rendue mercredi par la Haute cour qui a interdit au chef du Shas d’occuper un poste ministériel en raison de ses condamnations criminelles.
Baharav-Miara a expliqué que « le député Deri ne peut pas continuer à servir à un poste de ministre au sein du gouvernement d’Israël », écrivant à Netanyahu que « vous devez agir conformément au jugement qui a été rendu et priver Deri de ses rôles au sein du gouvernement » dans un courrier daté de mercredi mais qui n’a été diffusé par son bureau que dans la journée de jeudi.
Ces derniers jours, les députés et les ministres de la coalition comme Yisrael Eichler, de Yahadout HaTorah ou Amichai Eliyahu, d’Otzma Yehudit, ont appelé à ignorer la décision prise par le tribunal ou ont laissé entendre que la Cour n’avait pas l’autorité nécessaire pour invalider la nomination de Deri.
« La Haute cour n’a pas le droit de demander d’être obéie – c’est une dictature comme Poutine », a dit Eichler au micro de la radio militaire, jeudi matin. Mercredi, Eliyahu avait déclaré : « j’appelle mes partenaires au sein du gouvernement à ne pas se conformer au jugement de la Haute cour dans la mesure où cette décision est illégale ».
Les députés israéliens avaient voté fin décembre à la va-vite un texte, baptisé « loi Deri » par la presse, autorisant une personne reconnue coupable d’un crime, mais pas condamnée à la prison ferme, à obtenir un portefeuille ministériel.
L’objectif de ce texte était de permettre à Deri, chef du parti ultra-orthodoxe sépharade Shas, deuxième formation de la coalition gouvernementale, de siéger au sein de l’exécutif.
La Cour suprême a annoncé dans un communiqué avoir décidé à une majorité de 10 juges sur onze « que la nomination du député Aryeh Deri au poste de ministre de l’Intérieur et de la Santé ne peut pas être validée ».
« Le Premier ministre doit le limoger », poursuit la plus haute juridiction du pays, rappelant que Deri avait annoncé début 2022 qu’il se retirait de la vie politique après sa condamnation pour fraude fiscale. Cette mise en retrait était même une condition fixée par la justice pour lui éviter la prison.
Mais il a été réélu aux législatives de novembre et nommé au gouvernement mis sur pied fin décembre par Netanyahu, avec ses alliés ultra-orthodoxes et d’extrême droite.
En Israël, où les Lois fondamentales font office de Constitution, le pouvoir judiciaire est le seul en mesure de contrôler le gouvernement.
La « loi Deri » est en fait un amendement à l’une des lois fondamentales disposant qu’un citoyen inculpé – et a fortiori condamné – ne peut occuper un poste de ministre (mais être inculpé n’empêche pas d’être Premier ministre).
Dans leurs attendus, les juges ont critiqué la « loi Deri », sans pour autant l’invalider, et ont estimé que la nomination de Deri au gouvernement était « en grave contradiction avec les principes fondamentaux de l’Etat de droit ».
« Nous ferons en sorte de réparer cette injustice par tous les moyens légaux », ont annoncé les chefs des partis de la coalition, dans un communiqué conjoint qualifiant la décision « d’atteinte grave à la démocratie ».
Selon son porte-parole, Netanyahu s’est rendu au domicile de Deri après celle-ci et lui a dit : « Quand mon frère est en détresse, je viens le voir ».
De son côté, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a affirmé dans un communiqué que si « Deri n’est pas limogé, le gouvernement sera hors-la-loi et un gouvernement qui ne respecte pas la loi est un gouvernement illégal ».
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a qualifié d’ « absurde » la décision de la Cour et déploré que celle-ci « ait choisi de ne pas respecter le choix du peuple ».
Levin avait annoncé début janvier un programme controversé de réformes du système judiciaire qui comprend l’introduction d’une clause « dérogatoire » permettant au Parlement d’annuler à la majorité simple une décision de la Cour suprême.
Cette réforme, qui doit être soumise au Parlement à une date encore inconnue, a été conspuée samedi soir par une foule de quelque 80 000 personnes à Tel-Aviv.
Elle vise à accroître le pouvoir des élus sur celui des magistrats et met en péril selon ses détracteurs le caractère démocratique de l’Etat d’Israël.
Et si elle était adoptée, elle pourrait être utilisée pour annuler la décision de la Cour concernant Deri, voire pour casser une éventuelle condamnation de Netanyahu actuellement jugé pour corruption dans une série d’affaires.
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En 1993, la Cour suprême avait déjà exigé qu’il soit limogé alors qu’il était ministre de l’Intérieur, après avoir été mis en examen pour corruption.
En 2000, il avait été condamné à trois ans de prison et libéré après avoir purgé les deux tiers de sa peine.
Interrogé par l’AFP, Claude Klein, professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université hébraïque de Jérusalem, estime que la décision de la Cour suprême ne devrait pas avoir d’impact sur la coalition « car Shass a trop d’intérêts à y rester ».
Mais elle pourrait selon lui « accélérer » la volonté du gouvernement de passer sa réforme de la justice.