Baharav-Miara et la police, muettes face à l’essor de réseaux aidant les réfractaires haredim
« Les forces de l’ordre cautionnent de facto une infraction passible de 15 ans de prison », dénonce le Mouvement pour un gouvernement de qualité, appelant à des poursuites

La police israélienne et la procureure générale semblent incapables d’endiguer la prolifération d’organisations ultra-orthodoxes incitant les étudiants de yeshivot à esquiver la conscription, leur permettant d’agir en toute impunité malgré de multiples demandes d’enquête émanant d’organisations de défense.
Depuis la décision de la Haute Cour de justice en juin dernier imposant l’enrôlement des étudiants haredim, de nombreuses initiatives affiliées aux diverses factions ultra-orthodoxes ont vu le jour, les conseillant sur leur nouvelle réalité post-exemption, et les encourageant à ignorer les convocations militaires de Tsahal.
Parmi elles figure une hotline associée au ministre des Affaires de Jérusalem, Meir Porush. Une enquête récente du Times of Israel a révélé que les appelants y recevaient pour consigne de « simplement ignorer » les convocations des bureaux de recrutement. Un autre centre d’appel, géré par le Vaad HaYeshivot (Comité des Yeshivot), exhorte les étudiants « à ne sous aucun prétexte se présenter » devant l’armée.
Selon la loi israélienne, toute personne incitant autrui à esquiver le service militaire en temps de guerre encourt une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison.
En plus de conseiller aux étudiants des yeshivot d’échapper à la conscription, Ynet a révélé le mois dernier qu’Agoudat Yisrael, une faction du parti Yahadout HaTorah, conseillait également ses partisans sur la manière de contourner un arrêt de la Haute Cour limitant les subventions aux garderies pour les enfants des étudiants non enrôlés.
En réponse, le député Vladimir Beliak (Yesh Atid) et le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël ont saisi la procureure générale Gali Baharav-Miara et la police israélienne, demandant l’ouverture d’une enquête criminelle contre Agoudat Yisrael, au motif que les activités de la faction étaient contraires à la loi.

Une troisième plainte a été déposée par Israel Hofshit (Israel Libre), une organisation de défense des libertés religieuses.
Malgré l’appel public de la procureure générale à sanctionner les réfractaires, aucune des organisations plaignantes n’a reçu confirmation de l’ouverture d’une enquête sur Agoudat Yisrael.
Interrogé par le Times of Israel jeudi, le député Beliak a déclaré avoir reçu
« une réponse générique » de la procureure générale, indiquant que sa lettre avait été reçue et que le bureau de la procureure générale
« examinait les allégations ».
« Il est difficile de savoir [si cette affaire est réellement prise au sérieux] et il y a de fortes chances qu’elle n’aboutira à rien », a-t-il confié.
Selon des hauts responsables de ces organisations, ils ont reçu davantage de réponses que le Mouvement pour un gouvernement de qualité et Israel Hofshit, qui eux, n’ont même pas eu d’accusé de réception.
« Malheureusement, il semble qu’en dépit des appels lancés par diverses parties, dont des membres de la Knesset, des organisations de la société civile et d’autres, refusent toujours d’ouvrir une enquête criminelle, en dépit des preuves solides », a déploré Tomer Naor, avocat et directeur adjoint du Mouvement pour un gouvernement de qualité.
« Nous regrettons que les forces de l’ordre négligent leur devoir et cautionnent de facto cette illégalité sur une question aussi cruciale », a-t-il ajouté, affirmant que son organisation « poursuivra ses démarches auprès des autorités et, si nécessaire, portera l’affaire devant les tribunaux ».

« Malheureusement, il semble que les autorités en charge de l’application de la loi ne prennent pas les mesures nécessaires pour empêcher les réfractaires de bénéficier d’un statut illégal », a déploré Uri Keidar, directeur exécutif d’Israel Hofshit. Il a affirmé que son organisation poursuivrait ses efforts « pour s’assurer que les avantages soient supprimés et les privilèges révoqués ».
Ni le bureau de la procureure générale ni la police israélienne n’ont répondu aux questions du Times of Israel concernant l’éventuelle ouverture d’une enquête sur les différentes lignes téléphoniques facilitant l’évasion militaire.
En réponse à une précédente demande de commentaire après la publication de l’enquête du Times of Israel sur le ministre Meir Porush, un porte-parole avait déclaré le mois dernier que « la police est responsable des enquêtes et de l’application du droit pénal conformément aux directives légales ». Il avait ajouté que « les questions relatives au statut juridique de telles pratiques doivent être adressées aux autorités compétentes ».
À la poubelle !
Les activités d’Agoudat Yisrael et du Vaad HaYeshivot s’inscrivent dans un écosystème plus vaste d’initiatives visant à encourager la fuite devant l’enrôlement, dont l’un des éléments clés est la ligne d’assistance téléphonique « Am Kadosh » (Nation Sainte), gérée par l’ultra-conservatrice faction de Jérusalem.
Ce groupe extrémiste ultra-orthodoxe, qui rassemble environ 60 000 membres, est l’une des factions les plus radicales du courant haredi et organise régulièrement des manifestations houleuses contre la conscription des étudiants de yeshivot.
Dans un enregistrement obtenu par le Times of Israel, un opérateur de la hotline conseille à un jeune Haredi ayant reçu une convocation militaire de « la froisser comme une boule de falafel et la jeter à la poubelle ».

S’exprimant auprès du Times of Israel, Yehuda Bloy, directeur de la hotline, a affirmé collaborer avec d’autres organisations impliquées sur cette question, dont l’une affiliée à Degel HaTorah, l’autre faction de Yahadout HaTorah.
Bloy a toutefois refusé de donner davantage de précisions, insistant sur le fait qu’il « ne souhaitait pas que ces informations soient publiées ».
Parmi les initiatives liées à Degel HaTorah figure la ligne d’urgence « Lema’ancha » (Pour ton bien), créée à la demande du rabbin Dov Lando, dirigeant spirituel du mouvement, et gérée par Shlomo Brilant, adjoint au maire de Beit Shemesh.
Cette semaine, un tract circulant dans les groupes WhatsApp haredim exhortait les étudiants de yeshivot à « ne pas se présenter aux bureaux de recrutement sous aucun prétexte » et à « ignorer les appels téléphoniques de l’armée ».
L’organisation a affirmé être disponible 24 heures sur 24 pour fournir une assistance juridique aux jeunes Haredim.
Cependant, plusieurs personnes ayant contacté le Times of Israel ont rapporté qu’elles n’avaient reçu aucune réponse de la hotline, suggérant que son objectif principal serait plutôt d’envoyer un signal à la communauté haredi en montrant que leur leader spirituel prenait des mesures contre la conscription.
Interrogé par le Times of Israel, Shlomo Brilant a refusé de dire si son initiative était officiellement liée à Degel HaTorah ou si elle collaborait avec la faction de Jérusalem. Il a également éludé toute question sur la légalité des conseils dispensés par son organisation, se contentant d’affirmer qu’il « ne parle pas à la presse ».

Le maire de Beit Shemesh, Shmuel Greenberg, a nié avoir connaissance des activités de Brilant, tandis qu’un porte-parole du député Moshe Gafni, président de Degel HaTorah, n’a pas répondu aux nombreuses sollicitations du Times of Israel.
« En plein jour, et sans vergogne, l’argent public finance l’incitation à désertion du service militaire en temps de guerre — un crime passible de lourdes peines de prison », a dénoncé Tomer Naor, du Mouvement pour un gouvernement de qualité.
« Les autorités chargées de l’application de la loi doivent immédiatement agir contre ce phénomène et poursuivre ceux qui sapent Tsahal et la résilience nationale d’Israël », a-t-il conclu.