Un groupe de veille veut une enquête contre le parti haredi à l’origine d’une hotline controversée
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité affirme qu'Agudat Yisrael a encouragé la désertion en aidant les Haredim à contourner les sanctions économiques contre les réfractaires

Le Mouvement pour un gouvernement de qualité, groupe de surveillance citoyen en Israël, a demandé dimanche à la procureure générale Gali Baharav-Miara et à la police israélienne d’ouvrir une enquête criminelle contre le parti hassidique Agudat Yisrael. L’organisation a cité des informations qui ont laissé entendre que la faction a encouragé la désertion des ultra-orthodoxes et donné des instructions à ses électeurs sur la façon de contourner une décision de la Haute Cour restreignant les subventions de garderie pour les enfants des étudiants de yeshiva qui ne s’enrôlent pas au sein de Tsahal.
La conduite des responsables d’Agudat Yisrael « soulève de sérieux soupçons de fraude et d’abus de confiance », a déclaré dans un communiqué l’organisation, qui plaide depuis longtemps en faveur de l’enrôlement des ultra-orthodoxes dans l’armée.
L’appel du Mouvement pour un gouvernement de qualité a cité des informations transmises par le Times of Israel et par le site d’information Ynet, qui ont tous deux publié jeudi dernier des enquêtes sur une hotline mise en place par le ministre des Affaires de Jérusalem, Meir Porush.
Le Times of Israel a découvert que des étudiants en yeshiva, comme des parents inquiets, ont appelé la hotline et qu’il leur a été conseillé à plusieurs reprises d’ignorer les ordres d’incorporation et de mentir à l’armée israélienne.
Zalman, un membre de la communauté ultra-orthodoxe qui a parlé sous couvert d’anonymat et qui a demandé à être identifié par un pseudonyme, a indiqué qu’on lui avait dit de ne pas tenir compte des ordres d’incorporation envoyés à son fils.
« Ce qu’ils suggèrent à ce stade, c’est de les ignorer, de ne pas en tenir compte », a-t-il dit, affirmant qu’il lui avait été expliqué que « si vous avez reçu un ordre d’appel initial, vous êtes comme des milliers d’autres. Vous n’avez rien à faire, ignorez-les ».

La faction Agudat Yisrael représente les intérêts de la communauté hassidique au sein du parti Yahadout HaTorah de la coalition (l’autre faction de Yahadout HaTorah est la faction non hassidique Degel Hatorah).
« Rappelons que le code pénal prévoit de lourdes peines de prison pour quiconque incite ou sollicite une personne astreinte au service militaire à ne pas le faire, et que les faits décrits… peuvent constituer une infraction pénale, en particulier au moment où l’État d’Israël est en guerre », a déclaré Tomer Naor, avocat du Mouvement pour un gouvernement de qualité, au Times of Israel la semaine dernière.
De son côté, Ynet a rapporté que la hotline avait donné aux appelants des conseils sur la manière de contourner une décision de la Haute Cour de justice qui prive les familles ultra-orthodoxes d’allocations pour la garde des enfants, des allocations qui constituent une part importante de leurs revenus.
L’été dernier, la Cour a statué que les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivas étaient obligés d’effectuer leur service militaire après l’expiration de la loi prévoyant des exemptions générales pour la communauté. Dans le même arrêt, la Cour a déterminé que l’État ne pouvait pas financer ces étudiants s’ils ne s’enrôlaient pas.
La semaine dernière, le cabinet de la procureure générale a informé le ministère du Travail et de la Protection sociale qu’il devait cesser ces paiements d’ici la fin du mois, conformément à une décision ultérieure sur la question.
Ynet a publié un enregistrement dans lequel on peut entendre un intervenant de la hotline conseiller un appelant sur la manière d’enregistrer une entreprise pour « réciter des psaumes à la mémoire des âmes des soldats tombés au combat ». L’appelant a ensuite été informé que même si l’entreprise n’est pas rentable, il serait toujours éligible à des allocations pour les garderies pendant les six premiers mois.
« L’utilisation des ressources et du pouvoir politique pour contourner la loi et enseigner aux citoyens comment tromper les autorités de l’État constitue une grave violation de l’intérêt public, de la pureté morale et de l’État de droit », a écrit le Mouvement pour un gouvernement de qualité à Baharav-Miara, lui demandant « d’ouvrir une enquête criminelle » contre Porush et « toutes les personnes impliquées dans l’affaire ».
« Il ne s’agit pas d’un comportement spontané, mais d’un système bien planifié destiné à contourner l’état de droit et à nuire aux finances publiques », a déclaré dimanche Naor, du Mouvement pour un gouvernement de qualité.

Dans une lettre séparée, le député de Yesh Atid Vladimir Beliak a également demandé à la procureure générale d’ouvrir une enquête contre Agudat Yisrael, dont la hotline, a-t-il dit, encourage les appelants à ouvrir « une entreprise fictive, sans aucune intention de mener une quelconque activité commerciale ».
« Il s’agit d’une tentative flagrante et illégale du parti Agudat Yisrael […] qui vise à tromper les ministères et les forces de l’ordre, ainsi qu’à dénigrer la décision de la Cour suprême, et ce afin de continuer à subventionner illégalement les jeunes hommes qui échappent à la conscription dans l’armée israélienne », a-t-il tweeté.
Le président d’Agudat Yisrael et ministre du Logement Yitzhak Goldknopf a nié tout lien avec la hotline de Porush. Un porte-parole du ministre a déclaré au Times of Israel la semaine dernière que cette affaire « est liée à Porush, les institutions d’Agudat Yisrael Jérusalem lui appartiennent ».
Depuis l’arrêt de la Haute Cour de justice de l’été dernier, selon lequel le gouvernement doit enrôler les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivas, Tsahal a envoyé des milliers d’ordres d’enrôlement et émis par la suite 1 212 mandats d’arrêt. La semaine dernière, un étudiant de yeshiva ultra-orthodoxe a été arrêté à l’aéroport Ben Gurion pour avoir tenté de se soustraire à un ordre d’incorporation de Tsahal en quittant le pays.
Les porte-parole de Porush et de Goldknopf n’ont pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires sur les appels à enquêter sur leur parti.