Belgique : deux écoles avaient refusé de participer à la pose de pavés de la mémoire
Faisant un lien entre la commémoration de la mémoire de la Shoah et la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, les écoles avaient décliné l'invitation avant de faire volte-face face à la polémique que leur décision a suscité

Deux écoles de la commune belge d’Anderlecht ont suscité une vive polémique après avoir initialement refusé de participer à la pose de Stolpersteine, qui commémore la mémoire de victimes juives de la Shoah, vendredi 10 janvier dernier, comme le rapporte la chaîne d’information bruxelloise BX1.
Les pavés de la mémoire, aussi appelés Stolpersteine (« pierres d’achoppement », en allemand), sont des pavés de laiton placés dans le sol, devant le dernier domicile des victimes de la Shoah.
Ils sont la création de l’artiste berlinois Gunter Demnig qui les place depuis 1995 dans les grandes villes d’Europe. Plus de 100 000 de ces pavés ont été installés depuis lors, dont près de 170 en Belgique.
Chaque plaque de laiton porte le nom d’une victime de la Shoah, sa date de naissance, celle de sa déportation, et si elle est connue, la date de son décès.
Habituellement, l’association en charge des pavés de la mémoire invite des écoles des villes dans lesquelles elle projette d’inaugurer de nouvelles Stolpersteine dans le cadre d’un projet pédagogique qui s’inscrit dans le devoir de mémoire.
Ainsi, l’école primaire Carrefour et l’institut communal Marius Renard ont été conviées à la cérémonie de vendredi à Anderlecht, mais leurs directions ont toutes deux décliné l’invitation. « Les écoles ne souhaitaient pas qu’on vienne parler de la Shoah avec les élèves étant donné les conditions actuelles au Proche-Orient. Les directions ne souhaitent pas imposer cela aux élèves », a expliqué à BX1 Bella Swiatlowski, trésorière au Pavés de la Mémoire.

Une décision que l’association peine à comprendre : « On n’aborde pas le conflit actuel lorsque nous nous rendons avec des rescapés de la Shoah dans les écoles. Nous sommes là pour diffuser un devoir de mémoire. Il s’agit de deux éléments distincts », a précisé Bella Swiatlowski.
La ministre de l’Education et de l’Enseignement de Promotion sociale de la Fédération de Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny (Mouvement réformateur), a réagi sur ses réseaux sociaux, déplorant que « deux écoles d’Anderlecht refusent de participer à une commémoration de la Shoah ».
« Un courrier a été adressé aux deux directions. Il leur rappelle que la transmission de la mémoire fait partie des missions de l’école. Nous sommes à leurs côtés et aux côtés des enseignants pour lutter contre toute pression pouvant les conduire à s’auto-censurer », a-t-elle indiqué.
La ministre, qui était elle-même présente lors de la pose des pavés de la mémoire, a obtenu des deux écoles concernées qu’elles prennent part à la cérémonie.
Ce vendredi, des nouveaux pavés de la mémoire ont été posés à Anderlecht. Pour rappel, ceux-ci honorent la mémoire des victimes de la #Shoah. La transmission de cette mémoire est essentielle pour l'éducation de nos enfants et fait partie intégrante des missions de l'école. pic.twitter.com/fL0SZqsFRV
— Valérie Glatigny (@valerieglatigny) January 10, 2025
De son côté, l’ancienne Première ministre et désormais Vice-présidente du Parlement européen, Sophie Wilmès, avait elle aussi réagi, estimant que « pour construire la société de demain, on doit connaître et comprendre notre passé. Le devoir de mémoire et la transmission sont indispensables ».
Elle avait ajouté que « importer et instrumentaliser les conflits, générer la confusion… On en voit ici les terribles conséquences ».
Merci @valerieglatigny.
Pour construire la société de demain, on doit connaître et comprendre notre passé. Le #DevoirdeMémoire et la transmission sont indispensables.
Importer et instrumentaliser les conflits, générer la confusion… On en voit ici les terribles conséquences. https://t.co/mMU3vS6r30
— Sophie Wilmès (@Sophie_Wilmes) January 9, 2025
Vendredi, devant le 199 de la rue Brogniez, se trouvaient donc bien des élèves des deux écoles, venus écouter le récit de Paulette Barzilai-Grunberg, dont les oncles Salomon et Joel Trancman ont été arrêtés et déportés lors d’une rafle en 1942, et dont les nouveaux pavés en laiton honorent la mémoire.
Des Stolpersteine avaient déjà été les victimes du fort regain de l’antisémitisme que connaît l’Europe depuis le début de la guerre en cours entre Israël et le Hamas à Gaza. En juin 2024, des pavés de la mémoire avaient en effet été vandalisés dans la ville allemande de Weimar et portaient des messages antisémites : « Les Juifs sont des criminels ».
Plus récemment, en octobre dernier, des pavés avaient carrément été retirés et volés dans la ville de Zeitz, dans l’est de l’Allemagne. La ville de Zeitz et l’initiative « Stolpersteine for Zeitz » avaient alors organisé une campagne de collecte de fonds pour remplacer les pierres d’achoppement.