Bravant la guerre, un baryton de Roumanie continue à chanter en Israël
Ionut Pascu, qui incarne Iago dans Otello, explique vouloir créer une « bulle » d’opéra pour son public tout en restant conscient de la réalité israélienne depuis le 7 octobre

Ionut Pascu, baryton roumain incarnant actuellement le redoutable Iago dans la dernière production d’Otello à l’Opéra d’Israël, se sent tellement à l’aise à Tel Aviv qu’il n’a pas hésité à intervenir pour débloquer un embouteillage causé par une manifestation de rue.
« Tout était à l’arrêt depuis deux heures, et nous étions tous coincés là », raconte Pascu. « Je suis allé voir les organisateurs de la manifestation, je leur ai parlé et je leur ai dit : ‘Nous sommes tous des êtres humains, nous ne sommes pas des ennemis, mais les gens ne peuvent pas rester bloqués ainsi pendant deux heures’. Ils ont alors cherché une solution pour réorienter la circulation et permettre aux voitures de passer. »
Il n’est pas surprenant que Pascu, 48 ans, se sente chez lui en Israël.
Il s’y produit régulièrement depuis 2011 — 35 fois à ce jour — et y a passé 260 jours depuis le 7 octobre, interprétant cinq opéras rien qu’en 2024.
« On dit que je suis le soliste étranger le plus prolifique ici », s’amuse Pascu. « Je n’ai pas toujours été le premier choix pour certains rôles, mais d’autres ont eu peur de venir en Israël, ce qui n’est pas mon cas. Ils savent qu’ils peuvent toujours compter sur leur vieux copain. »
Pascu n’hésite pas à se rendre dans un pays en guerre. Pour lui, Israël est une « zone de turbulences », mais « les mauvaises choses peuvent arriver partout ».

Sa participation à Otello, mis en scène par Adrian Noble et dirigé par Dan Ettinger, était prévue de longue date.
Cette adaptation de l’opéra de Giuseppe Verdi met en vedette le ténor Kristian Benedikt dans le rôle d’Otello, Ionut Pascu dans celui de l’infâme Iago et la soprano Iulia Maria Dan dans celui de Desdemona.
Le metteur en scène Adrian Noble a transposé l’action de cette production d’Otello au début du 20ᵉ siècle, une période où Chypre était sous domination britannique, après des siècles de contrôle ottoman. Ce choix, en ancrant l’intrigue dans un contexte plus proche de l’histoire moderne, vise à rendre l’œuvre plus accessible au public israélien.

Pour Pascu, les thèmes abordés dans Otello – racisme, manipulation et trahison – offrent une matière à réflexion universelle.
« C’est une sorte de Black mirror [miroir dystopique] de notre société », explique-t-il au sujet de cette adaptation de Shakespeare. « L’opéra joue souvent ce rôle, et la morale en est parfois : ‘Ne faites pas cela chez vous, car voici ce qui peut arriver si vous le faites’. »
Depuis le 7 octobre 2023, date du pogrom perpétré par l’organisation terroriste palestinienne du Hamas, qui a déclenché la guerre, Pascu s’est produit à plusieurs reprises à l’Opéra d’Israël, situé juste en face de la place des otages à Tel Aviv. Selon lui, la vie a l’opéra n’a pas beaucoup changé au cours des 16 derniers mois.
« Nous avons peut-être tendance à être plus sérieux et à tout analyser davantage, mais l’opéra est une mécanique bien rodée », observe-t-il. « Nous évoluons dans une bulle, une autre histoire, et c’est précisément l’idée : emmener le public dans notre bulle. »

Dans chaque production, de petits détails rappellent constamment la situation en Israël, comme les rubans jaunes portés par certains spectateurs en hommage aux otages.
Pascu suit de près l’actualité locale et ces dernières semaines, il se réjouit des nouvelles plus encourageantes.
« Je veux comprendre ce que pense le public », explique-t-il. « Pendant un spectacle, je reste toujours conscient de l’état d’esprit des spectateurs. Si je peux les aider à s’évader, à entrer dans notre bulle, alors j’essaie de communiquer un peu plus avec eux. »
Cette connexion avec le public passe parfois par une touche personnelle, comme lorsqu’en novembre, Pascu a glissé quelques mots en hébreu dans une représentation de L’elisir d’amore de Donizetti. Déjà ancrée dans la culture locale, cette production, jouée dans un kibboutz, était naturellement liée à la vie israélienne.

« J’ai inséré habibi et hamudi », raconte-t-il en riant, faisant référence aux termes affectueux en arabe et en hébreu. « C’était juste pour établir un lien avec le public, et bien sûr, cela les a fait rire. C’était inattendu, même pour mes collègues, car je ne leur avais rien dit. Mais j’avais pris soin de vérifier à l’avance que ma prononciation était correcte. »
Pascu est retourné en Israël dès décembre 2023, deux mois après les attaques du 7 octobre, pour répéter Lucia di Lammermoor.
En mars 2024, il était sur scène pour 10 représentations de Rusalka, l’histoire d’amour entre une nymphe et un humain, composée par Antonín Dvořák. Cette production fut la première grande œuvre montée par l’Opéra d’Israël après le 7 octobre.
Une fois cette production d’Otello terminée et son départ acté, Pascu sait déjà qu’il reviendra en mars pour répéter Ariadne auf Naxos de Richard Strauss.
« Après tant d’années, mes amis israéliens sont devenus une famille pour moi », confie-t-il. « Quand je suis ici, je participe à leur vie, quoi qu’il se passe ici. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel