Ce que David Grossman a dit à la manifestation de Tel Aviv
Devant la foule réunie rue Kaplan, l'auteur israélien a dit refuser d'être "un exilé" dans son propre pays
« De plus en plus, je rencontre des gens – des jeunes en majorité – qui ne veulent plus continuer à vivre ici. Qui ont le sentiment que ce qui se passe ici leur est étranger et que ce qui se passe ici les force à avoir le sentiment d’être des étrangers dans leur propre pays », a dit David Grossman, l’un des auteurs israéliens les plus salués et militant de gauche vétéran, pendant un rassemblement à Tel Aviv qui, selon les estimations de la police, a réuni 110 000 personnes.
Quelques dizaines de milliers d’Israéliens ont manifesté samedi soir à Tel Aviv pour clamer leur refus de la politique de la coalition au pouvoir, dont ils craignent une dérive antidémocratique.
« Israël aujourd’hui n’est plus leur foyer et pour éviter d’avoir trop fort le sentiment de leur propre éloignement, ils entrent dans une sorte d’exil intérieur », a ajouté celui qui a perdu un fils, Uri, aux dernières heures de la deuxième guerre du Liban en août 2006. « Je comprends ce sentiment mais il me fait souffrir aussi. Après tout, l’État d’Israël a été établi de manière à ce qu’il y ait un État, dans le monde, où le Juif, où les Juifs se sentent chez eux. Mais si un si grand nombre d’Israéliens ont le sentiment d’être des étrangers dans ce pays qui est le leur alors, il y a quelque chose qui ne va manifestement pas ».
« Dans sa 75e année, Israël mène un combat fatidique pour son caractère, pour la destinée qui sera réservée à sa démocratie, pour le statut de l’état de droit, pour les droits de l’Homme », a continué Grossman.
« Notre combat, ici, est un combat contre des lois qui visent à institutionnaliser le racisme et les discriminations, à humilier les minorités. Un combat contre des politiciens cyniques, dont certains sont corrompus et qui sont déterminés à redéfinir la justice dans le cadre d’une confiscation unilatérale et anti-démocratique du pouvoir ».
« Dans cette foule immense et diverse, il y a ceux qui se consacrent avec ferveur aux droits LGBTQ, à l’état de l’éducation, à l’état de l’occupation », a indiqué l’homme qui réclame depuis longtemps la fin du contrôle militaire israélien en Cisjordanie, qui dure depuis des décennies.
« Il y a aussi ici des représentants de nombreuses instances et organisations qui ne s’impliquent habituellement pas du tout dans des manifestations. Mais elles sont là. Il y a aussi, comme dans les manifestations précédentes, des Israéliens qui sont ardemment de droite. Et tous… ont souhaité mettre de côté ce qu’ils devaient faire aujourd’hui pour se rassembler ensemble sur cette question importante, cruciale, urgente ».
Grossman a ajouté que que « notre foyer est en train de brûler », notant que « si le statut de l’État de droit est grièvement endommagé, tous les autres combats importants s’effondreront petit à petit ». « Je refuse d’être un exilé dans mon propre pays. Aujourd’hui, l’obscurité est tombée. Aujourd’hui, c’est le moment où nous devons nous dresser et le crier : Cette terre est dans nos âmes. Ce qui arrive sur cette terre aujourd’hui déterminera ce qu’elle sera demain, et ce que nous et nos enfants seront appelés à devenir. Parce que si Israël doit devenir différent, loin de l’espoir et de la vision qui étaient ceux de sa création, Dieu nous en préserve, Israël, dans un certain sens, cessera de tout simplement être ».
Le rassemblement de masse de samedi intervient après des manifestations étudiantes à travers le pays et une manifestation de centaines d’avocats devant un tribunal de Tel-Aviv.