CNN : Tsahal n’a pas empêché le saccage de Huwara par des résidents d’implantations
Selon le témoignage d'un soldat relayé par Breaking the Silence, l'armée "laissait passer les habitants des implantations" sans assurer le libre passage des véhicules d'urgence
Un reportage approfondi diffusé jeudi par CNN affirme que les soldats des Tsahal n’ont rien fait pour empêcher le déchaînement de violence des habitants des implantations dans la ville de Huwara, en Cisjordanie, lors d’un incident qui a choqué la nation à la fin du mois de février.
Dans un témoignage fourni à CNN par l’ONG israélienne de gauche Breaking the Silence, un soldat anonyme, qui dit avoir été sur les lieux ce soir-là, a affirmé que Tsahal n’avait absolument rien fait pour empêcher le groupe de résidents d’implantations d’entrer dans Huwara.
« Nous les avons juste laissés passer », aurait déclaré le soldat.
Selon le soldat, l’armée aurait dû utiliser des moyens de dispersion d’émeutes pour empêcher les habitants des implantations de saccager la ville, de mettre le feu aux maisons et aux commerces et de terroriser les résidents.
« Vous avez là un groupe de plusieurs dizaines de personnes qui sont excitées et qui se dirigent vers Huwara, ces personnes portent des masques et certaines d’entre elles ont peut-être des couteaux. Que croyez-vous qu’ils viennent faire ? », a-t-il déclaré. « À ce stade, [l’armée] aurait dû commencer à tirer des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes et commencer à les repousser. »
L’incident du 26 février, au cours duquel des dizaines d’habitants des implantations extrémistes masqués ont ravagé la ville et un Palestinien a été abattu dans des circonstances peu claires, a été condamné par le Premier ministre Benjamin Netanyahu ainsi que par une frange des principaux alliés d’Israël dans le monde.
Pendant plusieurs heures, les habitants des implantations ont brûlé des maisons, des voitures et des devantures de magasins, ils ont aussi agressé des Palestiniens, blessant un grand nombre d’entre eux. Un général haut gradé des Tsahal a appelé cet incident un « pogrom » et le président Isaac Herzog a condamné « ce déchaînement de cruauté et de violence ».
L’administration Biden a déclaré que l’incident était « totalement inacceptable » et a appelé Israël à poursuivre toutes les personnes impliquées dans les violences. Deux suspects ont été placés en détention administrative pendant plusieurs mois sans inculpation. Plusieurs autres personnes ont été arrêtées mais elles ont été relâchées depuis.
Le groupe de résidents d’implantations était allé à Huwara par esprit de vengeance quelques heures seulement après que deux frères israéliens, Hallel Yaniv, 21 ans, et Yagel Yaniv, 19 ans, ont été abattus alors qu’ils circulaient en voiture dans cette ville de Cisjordanie.
Plusieurs jours après le carnage de Huwara, le chef de l’armée israélienne, Herzi Halevi, s’est engagé à « mener une enquête approfondie… sur les graves événements de non-droit ». À ce jour, aucun soldat des Tsahal n’a eu à subir la moindre retombée pour les événements du 26 février.
Le soldat de Tsahal qui a transmis son témoignage par l’intermédiaire de Breaking the Silence a déclaré que le « plus grand échec » de l’armée israélienne était de ne pas avoir assuré un libre passage aux camions de pompiers et aux ambulances palestiniens.
Une vidéo publiée par CNN semble montrer des véhicules d’urgence arrêtés près de l’entrée de Huwara. Le soldat a affirmé que Tsahal n’avait rien fait pour empêcher les résidents d’implantations d’attaquer ces véhicules.
« Le camion de pompiers roulait seul et il a été attaqué », aurait-il déclaré. « Le village a continué à brûler. »
Dans son reportage, CNN affirme que des séquences vidéo de Palestine TV montrent des soldats de Tsahal passant à côté de résidents d’implantations alors que ces derniers mettent le feu à des caisses en bois et les empilent devant l’entrée de l’immeuble de Nawal Dumeidi, une habitante de Huwara. Toutefois, aucun soldat des Tsahal ne semble être visible sur les images de vidéosurveillance diffusées par CNN, et la chaîne de télévision n’a pas fourni les images de Palestine TV.
Dumeidi a expliqué à CNN qu’elle était restée coincée dans son immeuble pendant trois jours, jusqu’à ce que son fils vienne de Dubaï pour l’aider, elle et ses filles, à sortir de l’immeuble. CNN n’a pas expliqué pourquoi elle avait attendu si longtemps ni pourquoi elle n’avait demandé l’aide de personne d’autre pour sortir.
Sur une photo datée du 28 février qui a été publiée deux jours après les violences sur le site Web d’activistes palestiniens Electronic Intifada, on aperçoit Dumeidi devant sa porte d’entrée, en train d’examiner les restes carbonisés des caisses en bois.
Les premières enquêtes menées par les Tsahal sur l’incident de Huwara ont révélé que, pendant des heures, les forces de sécurité n’ont pas réussi à contenir la violence malgré les avertissements précoces annonçant une manifestation violente prévue à Huwara. L’armée était très occupée, entre sa chasse à l’homme pour retrouver l’auteur de l’attentat qui a tué les deux frères israéliens et la confrontation avec les habitants des implantations qui étaient revenus dans l’avant-poste évacué d’Evyatar.
Halevi a ajouté peu après l’incident que « Tsahal prévient de nombreuses attaques terroristes chaque semaine. Malheureusement, nous n’avons pas été en mesure d’empêcher les derniers attentats. Nous aurions également dû empêcher ce qui s’est passé après l’attaque de Huwara ».
Emanuel Fabian a contribué à cet article.