Réactions après la violence des résidents d’implantations à Huwara
Le chef de l'AP et les membres de l'opposition israélienne estiment que le gouvernement Netanyahu favorise de telles violences
Le déchaînement meurtrier de résidents d’implantations dans une ville palestinienne dimanche soir en réponse à une fusillade terroriste a suscité de rapides et sévères critiques dans le pays et à l’étranger, ainsi que des appels à Israël pour qu’il prenne des mesures plus sévères contre la violence des résidents d’implantations.
Le dirigeant de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a condamné ce qu’il a appelé « les actes terroristes perpétrés par des colons sous la protection des forces d’occupation » dimanche soir.
« Nous tenons le gouvernement israélien pleinement responsable », a-t-il ajouté, affirmant que les résidents d’implantations s’étaient inspirés « des positions de certains ministres de ce gouvernement israélien d’extrême-droite ».
Des secouristes palestiniens ont déclaré qu’un homme avait été tué et quatre autres grièvement blessés lors des violences dans la ville palestinienne de Huwara et dans d’autres villages voisins de Naplouse. Des groupes de résidents d’implantations avaient appelé à des manifestations pour se venger de la fusillade palestinienne à Huwara plus tôt dans la journée, au cours de laquelle deux frères israéliens d’une vingtaine d’années ont été tués.
Selon les médias palestiniens, une trentaine de maisons et de voitures ont été incendiées. Des photos et des vidéos sur les réseaux sociaux montrent de grands incendies brûlant dans tout Huwara et illuminant le ciel.
Ghassan Douglas, un responsable palestinien qui surveille les implantations dans la région de Naplouse, a déclaré que les résidents d’implantations ont brûlé au moins six maisons et des dizaines de voitures à Huwara, et a signalé des attaques contre d’autres villages palestiniens voisins. Il a estimé qu’environ 400 résidents d’implantations ont pris part aux émeutes.
« Je n’ai jamais vu une telle attaque », a-t-il déclaré.
Le porte-parole du département d’État, Ned Price, a déclaré que les États-Unis « condamnent la violence d’aujourd’hui en Cisjordanie, y compris l’attaque terroriste qui a tué deux Israéliens et la violence des résidents d’implantations, qui a entraîné le meurtre d’un Palestinien, des blessures à plus de 100 autres, et la destruction de nombreux biens ».
« Ces développements soulignent l’impératif d’appaiser immédiatement les tensions en paroles et en actes », a-t-il écrit sur Twitter. « Les États-Unis continueront à travailler avec les Israéliens et les Palestiniens ainsi qu’avec nos partenaires régionaux pour rétablir le calme. »
L’Union européenne s’est dite « alarmée par la violence d’aujourd’hui » à Huwara, et a déclaré que « les autorités de toutes les parties doivent intervenir maintenant pour mettre fin à ce cycle de violence sans fin ».
« La France condamne fermement l’attaque qui a coûté la vie à deux Israéliens le 26 février. Les violences contre les civils palestiniens sont inacceptables », a indiqué le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué. Paris « suit avec la plus grande préoccupation les violences en cours en Cisjordanie, en particulier à Huwara, qui menacent de dégénérer hors de contrôle », insiste le Quai d’Orsay. « La France en appelle à toutes les parties pour qu’elles évitent d’attiser ces violences et contribuent à la désescalade » et « appelle le gouvernement israélien, au titre de sa responsabilité de puissance occupante, à protéger les civils palestiniens et poursuivre les auteurs des violences ».
L’ambassadeur du Royaume-Uni en Israël, Neil Wigan, a appelé Israël à « s’attaquer à la violence des résidents d’implantations et à traduire les responsables en justice ».
« Il est urgent que les accords pour éviter une escalade soient respectés et que tout le monde s’engage maintenant à ne pas attiser une situation déjà très tendue », a déclaré Christofer Burger, porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, lors d’un point-presse régulier. Condamnant « avec la plus grande fermeté l’attentat contre deux jeunes Israéliens dans les territoires occupés de Cisjordanie », ce porte-parole a également jugé « totalement inacceptables » les opérations de représailles des résidents dans la ville palestinienne de Huwara, en Cisjordanie. « Le Premier ministre (Benjamin) Netanyahu et le ministre de la Défense (Yoav) Galant ont condamné les règlements de compte des colons, nous le saluons, il est du devoir des autorités israéliennes de protéger la population civile dans les territoires occupés », a ajouté le porte-parole.
Hussein al-Cheikh, le ministre des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne (AP), a écrit sur Twitter que l’attaque des résidents d’implantations était une « escalade sans précédent » et que « toutes les options » étaient sur la table de l’AP « pour faire face à ce nouveau fascisme ».
« Nous appelons une fois de plus la communauté internationale à protéger notre peuple de cette brutalité et de ce crime », a-t-il ajouté.
En Israël, de nombreuses personnes se sont également exprimées contre la violence. La cheffe du parti Avoda, Merav Michaeli, a accusé les membres du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de légitimer « les terroristes qui parcourent actuellement Huwara en mettant le feu et en détruisant tout sur leur passage ».
« Cette tumeur cancéreuse qui menace le pays doit être excisée dès que possible, avant qu’elle ne nous mène à la ruine », a-t-elle ajouté.
Netanyahu a publié une déclaration appelant ceux qui cherchent à se venger de la précédente fusillade terroriste à ne pas recourir à la violence.
« Je vous demande, alors que le sang bouillonne et que les vents sont forts – de ne pas tenter de vous faire justice vous-même », a-t-il ajouté. « Je vous demande de laisser Tsahal et les forces de sécurité faire leur travail. »
Le président Isaac Herzog a émis des remarques similaires. « Prendre la loi dans ses propres mains, faire des émeutes et commettre des violences contre des innocents – ce n’est pas notre façon de faire, et je condamne tout cela très fermement », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le chef du parti Taal, Ahmed Tibi, a partagé une photo d’un incendie, la qualifiant de « Nuit de cristal à Huwara », et d’autres ont également qualifié l’émeute sanglante de « pogrom ».
ליל בדולח בחיווארה
Kristallnacht in Huwara
ليل البلور في حوارة pic.twitter.com/Bb9Np1jsv9— Ahmad Tibi (@Ahmad_tibi) February 26, 2023
Le député Ofer Cassif (Hadash), a écrit que la violence était le fait de « milices terroristes de résidents d’implantations » travaillant sous la protection du « régime d’occupation » pour commettre des « crimes de guerre ».
Les frères Hallel et Yagel Yaniv ont été tués dimanche alors qu’ils traversaient en voiture Huwara, une ville palestinienne régulièrement traversée par des automobilistes israéliens et souvent le théâtre de vives tensions.
Tsahal a déclaré que le tireur palestinien a ouvert le feu à bout portant sur la voiture des Yaniv sur l’autoroute Route 60, puis a fui la scène, apparemment à pied.
Plusieurs automobilistes israéliens ont été la cible de tirs sur la route 60 à Huwara. Il est prévu de construire une route de contournement pour que les résidents d’implantations n’aient pas à traverser la ville palestinienne, mais les travaux de construction sont au point mort.
Ces derniers mois, des hommes armés palestiniens ont visé à plusieurs reprises des postes militaires, des troupes opérant le long de la barrière de sécurité en Cisjordanie, des implantations israéliennes et des civils sur les routes.
Les tensions entre Israël et les Palestiniens sont élevées depuis un an, les forces de défense israéliennes menant des opérations quasi quotidiennes en Cisjordanie dans le cadre d’une offensive antiterroriste suite à une série d’attentats terroristes palestiniens meurtriers.
Ces dernières semaines, une succession d’attaques terroristes palestiniennes à Jérusalem a fait 11 morts et plusieurs blessés graves.
Plus de 60 Palestiniens ont été tués depuis le début de l’année, la plupart lors d’attaques ou d’affrontements avec les forces de sécurité, mais certains étaient des civils non impliqués et d’autres ont été tués dans des circonstances qui font l’objet d’une enquête.
On a également constaté une augmentation des attaques d’Israéliens contre des Palestiniens en réponse aux récentes attaques terroristes. Samedi, des Israéliens ont incendié un certain nombre de voitures appartenant à des Palestiniens dans le village de Burin, près de Naplouse.
L’attaque de dimanche a eu lieu alors que des responsables israéliens et palestiniens, dont al-Cheikh, se sont réunis en Jordanie, sous l’égide des États-Unis, pour tenter de rétablir le calme en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
Les parties ont publié un communiqué commun dans lequel Israël s’engage à ne pas prendre de « mesures unilatérales » au cours des trois à six prochains mois.
Jacob Magid, Emanuel Fabian et l’AFP ont contribué à cet article.