Colère des Juifs queer après qu’une ONG LGBTQ internationale suspend une ONG israélienne
En raison des critiques faites à Israël, ILGA World a renoncé à organiser sa prochaine conférence à Tel Aviv et gelé l'adhésion d'une organisation LGBTQ israélienne

JTA – Une importante ONG internationale spécialisée dans la défense des droits LGBTQ a suspendu une des ses organisations membres – israélienne – dans le cadre du mouvement de boycott d’Israël, au grand dam des Juifs queer et de leurs soutiens partout dans le monde.
L’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes, connue sous le nom d’ILGA World, a annoncé mercredi sa décision de ne pas organiser une prochaine conférence, en 2026 ou 2027, à Tel Aviv.
Active depuis 46 ans, cette ONG, présente dans plus de 150 pays, a ajouté suspendre The Aguda, organisation faîtière de la communauté LGBTQ d’Israël et à l’origine de la proposition d’organiser la conférence d’ILGA à Tel Aviv.
C’est par voie de communiqué que l’ONG a invoqué le « respect de notre Constitution » et déclaré que The Aguda avait enfreint les règles en proposant Tel Aviv.
ILGA World a par ailleurs présenté des excuses à ses membres en raison de la candidature de Tel Aviv, en disant : « Nous savons que la prise en compte de la candidature de Tel Aviv a causé de la colère et du tort à nos communautés. »
L’ONG explique l’avoir fait suite à un déferlement de critiques de la part de militants anti-Israël.
« Ces derniers jours, nous avons entendu et compris le grand et légitime désarroi né de la proposition d’une organisation membre d’organiser notre Conférence mondiale à Tel Aviv, en Israël », a-t-elle souligné.
Cette décision témoigne du fait que les Israéliens et Juifs LGBTQ – et ceux qui les soutiennent – cumulent deux identités catalysatrices de fortes tensions depuis le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël et la guerre qui s’en est suivie à Gaza.
Ces dernières années, des personnalités d’extrême droite du gouvernement israélien s’en sont pris aux personnes LGBTQ avec une véhémence redoublée et les violences anti-LGBTQ en Israël ont augmenté.
Par ailleurs, la communauté LGBTQ internationale a eu tendance à prendre fait et cause pour les Palestiniens au détriment d’Israël, particulièrement depuis le 7 octobre.
Nombre de Juifs LGBTQ qui ne s’opposent pas à Israël disent se sentir ostracisés ou mal vus au sein de leur communauté queer. Certains d’entre eux se plaignent d’avoir été exclus des événements publics de la Gay Pride cet été.
Véritable moteur de la promotion des droits LGBTQ sur la scène internationale, ILGA revêt une très grande importance pour la communauté queer en terme de plaidoyer international.
L’ONG se bat contre les politiques gouvernementales anti-LGBTQ et surveille l’évolution du regard porté sur les personnes LGBTQ, partout dans le monde. (Elle a déjà suscité la polémique par le passé en acceptant un temps dans ses rangs l’organisation pro-pédophilie North American Man-Boy Love Association avant de s’en séparer en 1994 sous le pression des Nations Unies.)

Au sein de Wider Bridge, ONG LGBTQ pro-Israël qui met en avant les mesures prises par Israël en faveur de l’égalité et a été le fer de lance de l’initiative « Queers Against Antisemitism » en début d’année, on dénonce ce qui est qualifié d’« actions anti-Israël de la part de l’ILGA » concernant The Aguda, actions « scandaleuses et inacceptables ».
« L’ILGA a le droit de contester les décisions du gouvernement israélien ou de tout autre, d’ailleurs, mais elle ferait mieux d’en parler au gouvernement plutôt que d’ostraciser ou excommunier la communauté queer de ce pays », a écrit le groupe dans un communiqué.
Dans une déclaration en hébreu, The Aguda a indiqué qu’elle était « profondément déçue que l’ILGA ait choisi de boycotter ceux qui travaillent pour les droits LGBTQ+ et luttent pour une société plus juste ».
Elle a par ailleurs rappelé le travail accompli par elle en Israël et souligné que l’organisation, fondée en 1975, travaillait avec des citoyens arabes et des populations de réfugiés palestiniens.
Elle n’a jamais épargné ses critiques envers le gouvernement ou les institutions israéliennes, s’en prenant aux chaînes de télévision lorsqu’elles diffusaient un discours anti-LGBTQ et dénonçant la recrudescence des attaques contre la communauté en Israël.
« En tant que communauté, nous ne devrions pas porter la responsabilité des décisions du gouvernement : nous attendons de la communauté internationale qu’elle soutienne les voix libérales au lieu de les boycotter », poursuit le communiqué.
« Nous sommes fiers d’être LGBTQ+ et israéliens, et nous continuerons à nous battre pour une société plus égalitaire et plus sûre. »
The Aguda rend notamment hommage aux soldats homosexuels qui défendent le pays et milite en faveur de l’égalité de traitement pour les soldats morts au combat.

La rabbin juive américaine Jill Jacobs, directrice de l’ONG internationale spécialisée dans la défense des droits de l’homme Truah et éminente critique du gouvernement israélien, a dénoncé la décision d’ILGA sur le réseau social X.
« Cette décision ne va pas arrêter la guerre ou protéger les droits des personnes LGBTQ, y compris des Palestiniens », a-t-elle écrit. « Cela ne fait que punir les personnes qui se battent pour la sécurité et l’égalité. L’ILGA a des membres dans d’autres pays qui enfreignent les droits de l’homme. Israël ne devrait pas être traité différemment. »
Aux Etats-Unis, des politiciens non juifs ont eux aussi critiqué cette décision.
« Empêcher une organisation LGBTQ israélienne d’être membre d’une organisation mondiale dont le but est de faire progresser les droits LGBTQ ne fait rien pour la paix, la justice ou la cause palestinienne », a tweeté le Représentant démocrate de Californie Ro Khanna. « Au contraire, cela ne fait que marginaliser davantage les voix progressistes en Israël. »
ILGA World a annoncé sa décision en amont de sa prochaine conférence en Afrique du Sud, là où, a expliqué l’ONG dans son communiqué, « nous repensons à l’apartheid et au colonialisme qu’a connus l’Afrique du Sud : l’idée-même de voter sur le principe d’une telle candidature dans ce pays aurait été en contradiction avec la solidarité sans équivoque envers le peuple palestinien ».
L’Afrique du Sud est l’un des pays les plus critiques d’Israël au niveau international. Il a porté plainte pour génocide – accusation que Jérusalem rejette – contre Israël devant la Cour internationale de justice et menacé de poursuivre en justice les ressortissants sud-africains qui servent au sein de Tsahal, ce que font nombre de jeunes adultes juifs d’Afrique du Sud.
Le gouvernement sud-africain a par ailleurs accueilli un dirigeant du Hamas en visite officielle après le 7 octobre.