Columbia a versé 395 000 $ à un étudiant juif suspendu pour avoir utilisé un spray malodorant lors d’une manifestation
Un rapport de la Chambre des représentants sur l'antisémitisme sur les campus note que que l'établissement a laissé des activistes anti-israéliens répandre une rumeur laissant entendre que ce vaporisateur de farce et attrape était une arme chimique
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
New York Jewish Week – L’université de Columbia a versé près de 400 000 dollars à un étudiant juif dans le cadre d’un accord conclu à l’amiable – le jeune homme avait été suspendu après avoir utilisé un « fart spray », un vaporisateur laissant échapper une odeur similaire à celle des flatulences, lors d’un rassemblement anti-israélien, l’année dernière.
Un règlement à l’amiable qui a été révélé dans le cadre d’un rapport qui a été établi sur la question de l’antisémitisme sur les campus des États-Unis. Il a été diffusé jeudi par la Commission de chargée de l’éducation au sein de la Chambre des représentants. Ce rapport très fouillé, qui fait plus de 300 pages, s’est basé sur les correspondances et autres documents transmis à la Commission par plusieurs établissements d’enseignement supérieur – avec parmi eux un grand nombre d’universités d’élite, comme Columbia. Il entre dans le détail des difficultés rencontrées par les administrations dans leurs différentes réponses au pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – mais aussi aux difficultés rencontrées dans leurs réactions aux manifestations pro-palestiniennes massives et aux accusations d’antisémitisme qui avaient été lancées dans ce contexte tendu.
À Columbia, des militants anti-israéliens avaient ainsi affirmé que des étudiants israéliens s’étaient livrés à « une attaque chimique » lors d’une manifestation non-autorisée qui avait été organisée le 19 janvier et qu’ils avaient pris pour cible les protestataires pro-palestiniens à l’aide de « skunk spray », un produit chimique qui est utilisé par la police des frontières israélienne pour disperser les manifestations. Les activistes anti-israéliens avaient ajouté que les agresseurs présumés étaient des vétérans de l’armée israélienne. L’université avait fait savoir que la police de New York menait une enquête.
L’incident – et les affirmations faites par les étudiants qui avaient déclaré que le spray avait eu des conséquences néfastes sur leur santé – avait aussi attiré l’attention des médias, Al Jazeera diffusant un reportage de 15 minutes sur l’affaire.
Le rapport de la Chambre des représentants indique que les administrateurs de Columbia n’avaient pas dénoncé publiquement et en temps voulu cette accusation mensongère « d’attaque chimique ». Il ajoute que l’école avait suspendu les étudiants incriminés pendant un an et demi même après avoir été informés du fait que l’incident impliquait un produit de farce et attrape lors d’une audience disciplinaire – la facture du vaporisateur, acheté sur Amazon, avait de surcroît été soumise aux administrateurs à cette occasion.
« Si ce comportement avait été, en effet, inapproprié et qu’il constituait une violation des règles de l’université, ce qui nécessitait une sanction disciplinaire, il s’agissait clairement d’un incident beaucoup moins grave que ce que les activistes anti-israéliens ou le public avaient pu décrire », est-il écrit dans le rapport.
Un incident qui figure parmi de nombreux autres qui sont également présentés dans le rapport – illustrant la manière dont les administrations des universités avaient abordé les réactions au 7 octobre sur les campus et les agitations qui avaient suivi dans les établissements d’enseignement supérieur, aux États-Unis. À l’université de Harvard, selon des échanges de courrier mentionnés dans le rapport, le doyen de l’école de médecine avait fait pression – avec succès – en faveur du retrait du retrait du mot « violent » du communiqué qui avait été émis par l’université suite au massacre du 7 octobre afin d’éviter « d’attribuer de quelconques responsabilités ». Une déclaration qui avait omis de se désolidariser d’un communiqué qui avait été précédemment diffusé par des groupes d’étudiants qui avaient estimé qu’Israël était le seul et unique responsable du massacre commis dans le sud d’Israël par l’organisation terroriste au pouvoir à Gaza.
Le rapport révèle qu’à Columbia, les administrateurs avaient proposé d’envisager un désinvestissement des entreprises « qui se rendent complices de violations du droit international ou de traités internationaux reconnus par le gouvernement américain » ou « qui fabriquent certains types d’armements ». Une offre qui avait été faite dans le cadre de négociations consacrées au démantèlement du campement qui avait été dressé par les activistes pro-palestiniens sur le campus – donnant le coup d’envoi à la multiplication des camps de tentes qui avaient par la suite été dressés dans les universités de tout le territoire américain. A cette occasion, certains étudiants et les organisations juives avaient déploré qu’un environnement hostile et antisémite s’était créé sur les campus. Les responsables du campement de Columbia avaient finalement rejeté la proposition de désinvestissement et la police avait fini par évacuer le campement et par arrêter des dizaines de personnes après la prise d’assaut, par les manifestants, d’un bâtiment du campus.
Dans un autre cas, le rapport indique que Minouche Shafik, alors présidente de Columbia, avait déclaré que le sénateur new-yorkais Chuck Schumer, chef de la majorité juive, fermement pro-israélien, lui avait confié que « les problèmes politiques des universités ne concernent, en fait, que les républicains ».
Shafik est l’une des nombreuses présidentes d’université – avec Claudine Gay de Harvard, Liz Magill de l’université de Pennsylvanie et d’autres – à avoir démissionné dans le sillage de la controverse suscitée par les manifestations entraînées par la guerre opposant Israël au Hamas.
Selon le rapport, il y avait eu un malheureux décalage entre les déclarations publiques et privées de Columbia concernant l’incident survenu au mois de janvier. Dans un message public, Columbia avait laissé entendre que l’incident portait « sur des crimes graves, peut-être des crimes de haine ». Or, selon le rapport, au moins quatre administrateurs de Columbia se trouvaient sur les lieux de la manifestation et ils avaient écrit dans une correspondance privée, quelques jours auparavant, qu’ils n’avaient vu aucun signe témoignant de l’attaque présumée. De plus, peu de temps après l’incident et avant la réaction publique à ce dernier qui avait été celle de Columbia, l’université avait envoyé au FBI un compte-rendu mettant en doute les affirmations faites par les manifestants pro-palestiniens, note le rapport.
More about skunk water. It is sold as “field tested” because it is used on Palestinians. Several US police departments have purchased it. https://t.co/puza9RHM9H
— Columbia Students for Justice in Palestine (@ColumbiaSJP) January 20, 2024
« J’étais au beau milieu du rassemblement avec mon personnel et, à ma connaissance, tout cela est mensonger », avait écrit l’un des administrateurs, Gerald Lewis, vice-président de la Sécurité publique, dans une correspondance adressée à d’autres dirigeants de Columbia. « Nous n’avons pas non plus reçu d’informations portant sur de telles actions de la part du personnel ».
Sur la base des propos tenus au sujet de l’utilisation du « Fart spray » – et des correspondances échangées – les militants anti-israéliens de Columbia s’étaient saisis de l’incident. Un tract avait notamment été affiché sur le campus, représentant une mouffette avec l’étoile de David sur le côté – une référence au « skunk spray », qui est utilisé par la police israélienne pour disperser les manifestants.
Selon le rapport, un étudiant juif de Columbia et le directeur de Columbia/Barnard Hillel avaient exercé des pressions sur l’université pour qu’elle rétablisse les faits tels qu’ils s’étaient déroulés – mais l’établissement d’enseignement supérieur n’avait pas donné de détail sur la nature réelle de l’incident pendant des mois. Interrogé à ce sujet lors d’une audition au Congrès, Shafik s’était contentée de dire qu’une « substance malodorante » avait été pulvérisée sur les protestataires et que les personnes à l’origine de l’incident avaient été suspendues.
Columbia n’avait pas établi clairement ce qui s’était passé avant le 30 août – date à laquelle l’université a conclu un accord à hauteur de 395 000 dollars avec l’un des étudiants suspendus à la suite de l’incident. L’étudiant avait poursuivi Columbia en justice au mois d’avril, affirmant qu’il avait fait l’objet de mesures disciplinaires « excessives et disproportionnées », selon les termes du rapport.
L’accord prévoyait que Columbia publie une déclaration indiquant que la substance était « un article de farce et attrape non toxique, légal, qui peut être acheté en ligne et dans les magasins », et non une « arme biochimique » ou une « substance illicite ». L’université a finalement diffusé ce communiqué le vendredi soir précédant le week-end de la Journée du travail.
La suspension de l’étudiant a également été ramenée à une mise à l’épreuve disciplinaire. Le rapport ne précise pas ce qu’il est advenu du second étudiant.
Interrogé jeudi sur les détails de l’incident, un porte-parole de Columbia a rappelé les mesures prises par l’école pour assurer la sécurité sur le campus, avec notamment une clarification des politiques mises en œuvre, la création d’un guichet unique pour les plaintes en matière de discrimination et de harcèlement et la nomination d’un nouvel administrateur, chargé de faire respecter le code de conduite.
« Columbia condamne fermement l’antisémitisme et toutes les formes de discrimination, et nous sommes déterminés à ce que les appels à la violence n’aient pas leur place dans notre université », lit-on dans un communiqué. « Nous nous engageons à faire appliquer les règles de manière équitable, cohérente et efficace ».