Dan Ben-David: Profiter d’un « cessez-le-feu » avant une seconde vague de COVID-19
Vu sa population relativement petite et son manque de frontière ouverte avec ses voisins, Israël est dans une situation unique pour tester toute sa population, selon l'économiste

Alors que les officiels de la santé craignent une deuxième vague de propagation épidémique, un analyste spécialiste des politiques publiques a appelé Israël à être le premier pays au monde à tester l’ensemble de sa population.
Le professeur Dan Ben-David estime qu’étant donné sa population relativement petite et son manque de frontière ouverte avec ses voisins, Israël était dans une situation unique pour essayer de tester l’ensemble de sa population.
« Cette idée est moins pertinente pour d’autres pays, a-t-il dit au Times of Israël. Nous sommes une île dans notre région et cela nous coûte diplomatiquement et économiquement très cher. Mais pour une fois, c’est un avantage. Puisque nous avons un contrôle total sur nos frontières, nous pouvons débarrasser le pays des infections et tenir le virus hors de nos frontières ».
Chef de la Shoresh Institution pour la recherche socio-économique et économiste au Département de politique publique de l’Université de Tel Aviv, il a publié un article formulant cette proposition mercredi après-midi. Elle est destinée aux responsables politiques et aux décideurs politiques.
Les projets actuels d’Israël visant à assouplir les restrictions imposées pour limiter la propagation de l’épidémie « sont concrètement un mélange de rustines improvisées qui se basent sur les estimations d’une campagne de test partielle et des pressentiments, explique son article. Il n’y a pas la moindre préparation claire à des vagues supplémentaires, et potentiellement pires, qui pourraient submerger le monde dans l’année à venir ».

Quelques heures plus tôt, Sigal Sadetsky, la cheffe des services publics de santé du ministère de la Santé, avait soulevé des craintes d’apparition d’une deuxième vague en mai. Lundi, son chef Moshe Bar Siman-Tov, le directeur général du ministère de la Santé, s’est exprimé sur le risque d’apparition ultérieure de plusieurs vagues. Il pourrait y avoir une épidémie en hiver, dont il a dit qu’elle pourrait « être beaucoup plus compliquée à gérer » que celle actuelle.
Le ministère de la Santé a été pressé d’augmenter le nombre de tests. Certains experts estiment qu’il s’agit d’un élément clef pour lutter contre la crise, et plusieurs responsables politiques, dont le ministre de la Défense Naftali Bennett, font constamment pression en ce sens.
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Ailleurs dans le monde aussi la pression monte pour une augmentation des dépistages. L’une des plus importantes fondations du monde, la Rockefeller Foundation, a proposé un Plan d’action national de test du Covid-19 aux États-Unis, avec l’objectif d’en réaliser 30 millions par semaine.
Mais la proposition de Dan Ben-David est très inhabituelle par son ampleur.
Il a indiqué qu’il partageait les préoccupations des officiels israéliens sur les « terribles vagues prochaines ». L’économiste a expliqué que si l’actuelle épidémie se calmait, l’accalmie devrait être utilisée comme un « cessez-le-feu » au cours duquel on prépare la prochaine phase de la bataille.
Il a proposé qu’Israël mette en place de nombreux laboratoires, importe et produise de vastes quantités d’équipements de dépistage. Le pays devrait également recruter un grand nombre de personnes pour tester tous les citoyens en l’espace de quelques jours. Il a suggéré de répéter les tests quelques jours plus tard pour identifier les gens ayant été contaminés, mais trop tôt pour que l’infection n’apparaisse lors du premier test.
« Oui, ce sera difficile et cher à mettre en place, mais chaque jour de travail perdu à cause du coronavirus coûte plus de 3 milliards de shekels (782 millions d’euros), et en cas de deuxième vague cela pourrait éclipser le coût du test, estime Dan Ben-David. Et combien de vies pourraient être sauvées ».
Toute personne testée positive devrait être envoyée vers des installations spéciales de quarantaine, comme des hôtels que l’État utilise actuellement pour les gens contaminés, a-t-il indiqué. Selon lui, le risque d’une deuxième vague pourrait ainsi être réduit étant donné que tous les malades du Covid-19 auront été placés à l’isolement jusqu’à leur guérison. En outre, le haut niveau de contrôle des frontières d’Israël peut permettre de s’assurer qu’aucun autre cas n’arrive de l’étranger.
Dans le même temps, étant donné le très faible pourcentage de deuxième vague infectieuse dans le monde et la « catastrophe économique potentielle » qui pourrait frapper Israël, toute personne possédant des anticorps protégeant contre le virus devrait retourner au travail immédiatement, selon lui.
Il a ajouté : « Il n’y aura peut-être pas de deuxième vague et il se peut que nous voyions tout cet argent dépensé partir en fumée, mais c’est un peu comme une assurance ».
Le biologiste Eran Segal, un pionnier du modèle d’évaluation qui est utilisé pour aider Israël à gérer la crise du coronavirus, a indiqué au Times of Israël : « Si c’est ce que le pays a décidé, c’est faisable techniquement. On peut former beaucoup de gens à être des techniciens et obtenir les équipements ».
Alors qu’Eran Segal soutient l’idée de tester au hasard des personnes en bonne santé, il a déclaré qu’il n’était pas réaliste que le gouvernement s’engage dans le dépistage de l’ensemble de la population. Selon lui, ce n’est pas la meilleure façon d’utiliser les ressources de l’État. Il a expliqué que même si tous les citoyens étaient testés, certaines personnes passeraient à travers les mailles du filet en raison des faux négatifs.
Dan Ben-David affirme que l’on peut résoudre le problème des faux négatifs en demandant aux épidémiologistes de calculer combien de tests étaient nécessaires pour régler le problème, même si cela implique de tester plus de deux fois chaque personne. Et il a appelé les personnes qui pensent que tester l’ensemble de la population n’était pas réaliste à comprendre que le coût pourrait être « une goutte d’eau dans l’océan » en comparaison avec les pertes économiques qu’engendreront d’éventuelles nouvelles vagues.
« En cas de prochaines vagues, beaucoup de gens regretteront que nous n’ayons pas fait cela quand nous en avions l’occasion », prédit-il.