Darom Adom fêtant les anémones cherche à faire refleurir une enveloppe de Gaza fanée par la guerre
Le pèlerinage floral du mois de février - plus modeste que d'habitude - rendra hommage aux personnes tuées et kidnappées le 7 octobre, accueillant également les petites entreprises qui renaissent après la tragédie
Nous sommes maintenant au mois de février, à cette période où la région de l’enveloppe de Gaza fête habituellement Darom Adom, la saison des anémones rouges qui envahissent les champs et les forêts du secteur.
Un événement d’un mois qui avait été annulé l’année dernière, dans le sillage du pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023. Les hommes armés du groupe terroriste avaient massacré plus de 1 200 personnes et ils avaient kidnappé 251 personnes, qui avaient été prises en otage à Gaza. Les victimes appartenaient dans leur écrasante majorité aux communautés voisines.
Cette année, les anémones n’ont pas encore fleuri en raison du manque de pluie – mais l’événement aura bien lieu. Il portera le nom temporaire de Darom BaLev, « le Sud au cœur ».
Darom Adom se déroule habituellement sur quatre week-ends avec des visites, des promenades, des marchés en plein air, des courses à pied et à vélo, des spectacles, des événements culinaires et gastronomiques. Toutefois, selon les organisateurs, dans un contexte où 90 otages sont encore conservés en détention de l’autre côté de la frontière, tout à côté, et alors que les résidents qui ont été déplacés par la guerre ne sont toujours pas rentrés chez eux, les festivités qui caractérisent d’ordinaire cette fête n’auront pas lieu.
Ainsi, Darom BaLev ne couvrira que trois semaines au mois de février – avec une course organisée au nom des otages et une marche en hommage à tous ceux qui ont été tués.
Des randonnées seront organisées dans les forêts et dans les champs, ainsi que quelques ateliers, des repas et des dégustations, avec la mise à disposition d’hébergements.

« On nous a demandé de ne pas organiser l’événement l’année dernière », explique Doron Ashtan Nachmani, président-directeur-général de l’organisation Shikma-Bsor, spécialisée dans le tourisme et qui organise Darom BaLev en partenariat avec Keren Kayemeth LeIsrael – Fonds national juif (KKL-JNF), le partenaire principal de Darom Adom depuis des années. « Cette année, les familles des otages et des victimes qui ont perdu la vie nous ont donné leur bénédiction, car les petites entreprises ont besoin de gagner de l’argent et d’avancer vers l’avenir ».
Les communautés d’Otef Aza – l’enveloppe de Gaza – sont entourées de champs de fleurs au mois de février et au mois de mars, offrant une couleur rouge qui vient s’ajouter aux teintes habituelles brune et jaune qui caractérisent cette région désertique.
La région tente de retrouver un peu de ce qu’elle a été alors que les routes, les autoroutes et les entrées des communautés sont encore couvertes de bannières rappelant les victimes qui ont été massacrées le 7 octobre et les otages qui ne sont toujours pas rentrés chez eux.
Un ressourcement pour l’âme
Une visite ne serait que ce vingt-quatre heures dans le secteur – en prenant le temps de s’arrêter à certains des endroits les plus emblématiques de la fête de Darom BaLev – est un rappel des pertes considérables essuyées par le sud du pays, ainsi que les initiatives prises pour reconstruire la région traumatisée.

Cupsolla, un kiosque qui vend du café et qui s’est installé dans un coin tranquille, près des bureaux des autorités locales de Bnei Shimon, juste après l’aire de repos de la station-service de Beit Kama, a été récemment ouvert par le chef pâtissier Shahar Peleg et par son partenaire Yakir Cohen, un entrepreneur en énergie solaire originaire du kibboutz Nir Oz.
L’ancien pâtissier de Tel Aviv propose des sandwichs frais – betteraves rôties au fromage de chèvre sur du pain complet aux noix, ou des tranches d’avocat aux graines – ainsi que de délicieuses pâtisseries, dont certaines sont garnies de fraises fraîches ou de pistaches concassées, sans oublier d’imposants roulés à la cannelle.
Des affiches à l’effigie des otages qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas et un portrait d’Ohad Yahalomi, le meilleur ami de Yakir, originaire de Nir Oz, qui avait été blessé et emmené en captivité le 7 octobre, occupent le devant de la scène dans cet endroit calme et serein qui propose de nombreuses tables pour les clients désireux de savourer leur repas sur place.
« Nous avons ouvert à cause du 7 octobre », explique Peleg, qui a quitté Tel Aviv pour s’installer dans la région il y a quelques années. « Yakir voulait faire quelque chose susceptible de toucher les âmes. »
Chaque communauté et chaque entreprise de la région a son histoire à raconter, avec ces moments, ces situations de déchirement qui avaient illustré le 7 octobre, changeant la population et la région pour toujours.
Des champs de fraises éternels
À Ori Tutim, Ori et Galit Patkin, qui avaient fait carrière dans le secteur des hautes-technologies avant de quitter la vie qu’ils menaient il y a deux décennies, s’installant au moshav Yesha pour y cultiver des fraises, évoquent les 15 derniers mois – et leur récolte d’une demi-douzaine de variétés de fraises.

Le 7 octobre, Ori Patkin avait reçu un appel affolé de la part d’une voisine, Dana Silberman-Sitton.
L’ouvrier agricole de Silberman-Sitton, un ressortissant thaïlandais, travaillait seul dans un champ ce matin-là, à cinq kilomètres de Gaza – et elle n’était pas parvenue à le joindre au téléphone au moment même où les terroristes du Hamas s’approchaient de leur communauté.
Elle était terrifiée en pensant à ses parents et à sa sœur, Shiri Bibas, ainsi que pour la jeune famille de cette dernière, qui habitaient tous le kibboutz Nir Oz, et qui s’étaient cachés dans leurs pièces blindées alors que les terroristes rôdaient autour de leurs maisons.
Patkin était parti à la recherche de l’ouvrier – dont il devait s’avérer qu’il avait été pris en otage à Gaza. Il avait été libéré à la fin du mois de novembre 2023, lors d’une trêve qui avait duré une semaine. Les parents de Silberman-Sitton avaient été massacrés dans leur habitation tandis que sa sœur, son beau-frère et ses deux jeunes neveux avaient été pris en otage par les hommes armés. La jeune mère, Shiri, et ses deux petits enfants sont toujours captifs à Gaza. Leur sort reste totalement indéterminé. Le père Yarden a été relâché par le Hamas ce samedi.
Yesha avait été sauvé par son équipe de sécurité, explique Patkin – trois membres qui protégeaient le kibboutz et qui avaient été tués en défendant la communauté.
« Il y a eu ici, le 7 octobre, des actes de pur héroïsme de la part de l’équipe de sécurité », indique Patkin. « Trois membres de l’équipe nous ont défendus avec leur corps et ils l’ont payé de leur vie. C’est grâce à eux que nous sommes ici aujourd’hui ».
Après le 7 octobre, lorsque les ouvriers étrangers qu’ils employaient avaient quitté Israël, Ori et Galit Patkin étaient partis – tout comme le reste des habitants de la ville. Mais ils avaient finalement pris la décision de revenir. Ils avaient pu récolter leurs fraises grâce à la solidarité de bénévoles israéliens, qui leur avaient donné un coup de main pendant de nombreux mois.

« Nous avons dû réduire notre production », note Patkin en évoquant les variétés de fraises qu’il cultive en hydroponie et qui comprennent plusieurs variétés dont la fraise ananas ou la fraise Dorina, très populaire.
Le couple a relancé la vente de billets pour les journées de récolte des fraises, le week-end, et pendant la saison estivale, des baies sont proposées à la vente.
Un mémorial vivant
Le parking du kibboutz Reim – qui est désormais connu comme ayant été le site qui avait accueilli la rave-party Supernova, cette fête en plein air où 364 jeunes avaient été assassinés et mutilés par les hommes armés du Hamas et où 40 autres personnes avaient été prises en otage lors du pogrom du 7 octobre – est habituellement tapissé d’anémones aux couleurs vives.
L’endroit est devenu un lieu de commémoration familier des victimes du pogrom et des milliers de personnes s’y rendent chaque jour pour se recueillir en mémoire des disparus et pour lire les récits des policiers et des jeunes qui y avaient perdu la vie.

« J’ai des frissons en permanence lorsque je parle avec les parents qui font tout ce qu’ils peuvent pour commémorer leurs proches », dit Danny Ben David, directeur de la région du Néguev occidental pour le KKL-JNF.
Tous les résidents du Néguev n’apprécient pas de voir leur territoire transformé en site commémoratif, ajoute Ben David dont les équipes sont chargées de remettre en état l’endroit où avait été organisé le festival de musique électronique, aménageant les trottoirs, installant des sanitaires et nettoyant les lieux. « Mais c’est la tâche qui est la nôtre pour l’instant et c’est un honneur pour nous de le faire », continue-t-il.
Le rameau d’olivier tendu
Un profond sentiment de deuil et de tristesse règne dans encore toute la région, même dans les communautés qui n’avaient pas été directement attaquées le 7 octobre.
À Derech HaZayit, au moshav Zimrat, à proximité de Netivot, Tamir Cohen a agrandi la pépinière d’origine de ses parents pour y installer un vaste café casher, noyé au milieu des fleurs, à côté de son oliveraie où se trouve un arbre vieux de 3 000 ans, qui pèse 18 tonnes, et un autre qui a été touché par un missile Qassam, repoussant des années plus tard.

Le café avait ouvert ses portes pendant la pandémie de coronavirus, alors que les habitants étaient en manque de distractions, et il est depuis devenu une attraction pour tous les habitants de la région.
« C’était la maison de tous les habitants de l’enveloppe de Gaza », explique Cohen. « Tous les kibboutznikim de Beeri et des autres communautés venaient ici une fois par semaine. Tous ces otages dont nous connaissons les noms… Ils étaient tous très bien connus ici ».
Les terroristes du Hamas n’avaient pas envahi le moshav Zimrat le 7 octobre, et les habitants avaient été évacués, rejoignant Eilat. Les réservistes s’étaient installés dans la pépinière de Cohen jusqu’au retour de ce dernier et de sa famille, il y a quelques mois. La fréquentation de son café a beaucoup baissé depuis le 7 octobre.
Et pourtant, assure-t-il, « nous ne regardons pas en arrière, seulement vers l’avant. Quelqu’un m’a demandé si ce n’était pas effrayant d’être ici, et c’est absurde – parce que vous, à Tel Aviv, vous avez eu plus de sirènes l’année dernière que cela n’a été le cas pour nous ».
La viande à l’honneur
Autre option pour la restauration, le Patagonia, qui se trouve au kibboutz Or Haner. Ce restaurant argentin est spécialisé dans les viandes grillées au barbecue, les salades fraîches et les empanadas, des poches de pâte frite de la taille de la paume de la main, remplies de champignons ou de viande hachée.
Son propriétaire, Ariel Segerman, rappelle que c’est Ofir Libstein, résident du kibboutz Kfar Aza et chef du conseil local, qui est à l’origine du concept initial de Darom Adom. Libstein avait été tué en défendant son kibboutz le 7 octobre.

« Tout le monde connaît tout le monde ici », indique Segerman qui a été l’employeur, dans le passé, d’Emily Damari et Doron Steinbrecher, deux otages récemment libérées. « Tous les Israéliens ont le devoir de venir dans cette région cette année, tout comme nous nous rendrons dans le nord pour soutenir le secteur ».
Porter un toast en l’honneur de ceux qui ont perdu la vie
Plusieurs vignobles sont actuellement en train de s’implanter dans cette zone du Néguev, et le vignoble Oren, au moshav Netiv Haasara – nommé en hommage à Oren Stern, tué le 7 octobre alors qu’il défendait sa ville – accueillera les visiteurs à Darom BaLev.
Oren et son frère Eyal Stern venaient d’achever la construction de leur petite cave, deux semaines avant le 7 octobre, et ils prévoyaient initialement de lui donner leur nom : le vignoble Stern.

La cave a dorénavant lancé ses activités et elle veut être également un mémorial pour Oren, qui vivait à côté d’Eyal et de sa famille et qui était comme un deuxième père pour leurs quatre enfants, selon la belle-sœur d’Eyal, Mali Stern, qui a grandi à Netiv Haasara.
Le 7 octobre, alors qu’Oren rejoignait l’équipe d’urgence pour combattre les terroristes du Hamas, le fils aîné des Stern avait été mobilisé, appelé à aller combattre le Hamas à Gaza. La famille avait été évacuée avec le reste des habitants à Tel Aviv, et elle n’est revenue chez elle qu’au mois d’octobre dernier.
Le vélo, les planches de surf et le kayak qu’utilisait Oren décorent l’extérieur de la cave, ainsi que sa Jeep et sa décapotable d’époque.
Eyal fabrique également une bière en mémoire de son frère – une bière qu’il a appelé Mookis, le surnom de son frère et qui est stockée dans des fûts, côtoyant les cuves de Shiraz, de Merlot ou de Malbec, tous fabriqués à partir de raisins achetés auprès de plusieurs vignobles israéliens.

« Il y a tellement de tristesse dans la famille », déplore Mali en regardant ses enfants et la petite amie de son fils, dont le père et la seule sœur avaient été tués chez eux, au kibboutz Nirim, le 7 octobre. Ses parents, fondateurs de Netiv Haasara, n’ont pas réintégré leur habitation – ils se sentent encore trop éprouvés.
« Elle est comme mon cinquième enfant maintenant », dit Mali, en parlant de la petite amie de son fils.
« Et nous avons ceci », ajoute-t-elle, en pointant du doigt l’espace de dégustation situé dans leur jardin, où les visiteurs peuvent goûter le vin, avec un terrain de volley-ball dans la cour en contrebas.
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