Des activistes anti-refonte judiciaire rencontrent les leaders high-tech de New York
Le groupe de réservistes Frères d'armes, en quête de fonds, a dit à 40 fondateurs et dirigeants de firmes que la lutte contre le projet de réforme "ne se terminera pas demain"
NEW YORK — Dans les bureaux new-yorkais de JVP – le fonds de capital-risque de l’ancien député israélien Erel Margalit – des cadres du secteur des hautes technologies et des membres du groupe Frères et soeurs d’armes, organisation qui rassemble les réservistes de l’armée opposés au plan de refonte du système judiciaire du gouvernement, se sont rencontrés jeudi. Au menu des discussions : la lutte continue contre le projet de réforme hautement controversé de la coalition, les manifestations et le blocage des projets de loi entrant dans le cadre de la refonte du système israélien de la justice.
Alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu avance, aux côtés du président américain Joe Biden et du prince héritier Mohammed Ben Salmane, vers la finalisation d’un accord qui normaliserait les liens entre Jérusalem et Ryad, et avec le reste du monde musulman, les manifestants israéliens sont déterminés, pour leur part, à ne pas relâcher la pression.
Tant que Netanyahu ne renoncera pas totalement à son intention d’adopter de nouvelles lois dans le cadre du projet de refonte radicale du système de la justice israélien et tant que la législation interdisant aux juges d’utiliser la notion juridique de la « raisonnabilité » pour examiner les décisions et les nominations gouvernementales restera en vigueur, les groupes de protestation continueront à se préparer pour un hiver qui promet d’être long et pour un combat épuisant.
Le mouvement d’opposition ne consiste dorénavant plus en rassemblements spontanés : il s’est transformé en force examinant l’avenir. Pour ses leaders, les liens que Netanyahu entretient avec les membres extrémistes de sa coalition nécessitent de continuer ce travail de protestation massif, dans le but de préserver les valeurs démocratiques de l’État d’Israël.
Margalit, le propriétaire de Jerusalem Venture Partners, prend régulièrement la parole lors des manifestations à Jérusalem et il a été l’un des principaux intervenants, la semaine dernière, lors d’un large rassemblement qui avait eu lieu à Times Square à la veille de la rencontre entre Netanyahu et Biden.
Margalit a offert jeudi aux groupes qui ont pris la tête de l’opposition au projet de refonte du système judiciaire l’occasion de s’installer dans une grande salle au siège new-yorkais de son entreprise, à SoHo, leur disant que « lorsque vous êtes à New York et que vous cherchez un endroit pour travailler ou pour vous rencontrer, n’oubliez pas que nos locaux sont mis à votre entière disposition ».
A la principale entrée des bureaux trône d’ailleurs une grande photo montrant Margalit et un groupe de manifestants sur le pont de Brooklyn, alors que tous se rendaient à un rassemblement organisé pour défendre la démocratie israélienne, en juillet dernier.
La marche avait été organisée par le groupe UnXeptable, une organisation fondée par des Israéliens qui vivent aux États-Unis et qui est devenue le moteur du mouvement de protestation anti-gouvernemental dans des dizaines de villes de tout le pays.
C’est Offir Gutelzon, entrepreneure dans le secteur high-tech à Palo Alto et activiste, qui avait fondé UnXeptable. Au début de la semaine, le groupe avait projeté une image de Netanyahu dans un uniforme orange de prisonnier sur les murs du bâtiment du célèbre centre de détention d’Alcatraz.
Après une série de manifestations contre Netanyahu qui se trouvait sur la côte Ouest au début de son séjour américain, Gutelzon est partie à New York pour rejoindre les rassemblements dénonçant le Premier ministre qui ont été organisés à Manhattan.
Gutelzon était présente aux bureaux de JVP jeudi quand trois leaders du groupe Frères et soeurs d’armes, venus spécialement d’Israël pour la visite du chef du gouvernement, ont présenté le combat actuellement mené en Israël à une quarantaine de leaders du secteur high-tech.
Parmi les participants à cette réunion, le directeur-général d’Outbrain Yaron Galai; Liran Tancman, directeur-général et fondateur de la firme de cybersécurité CyActive, dont le siège est à Beer Sheva, et directeur-général de la compagnie Rezilion, spécialisée dans les logiciels ; Oded Hareven, directeur-général d’Akeyless; Tsiki Naftaly, directeur-général de Copilot; April Crichlow, directrice de marketing au sein de l’entreprise Centrical et Amir Eilat, en charge des produits chez Nanit.
Certaines de ces compagnies font partie du portefeuille d’investissements de JVP. Des partenaires de JVP étaient aussi présents lors de cette rencontre, et notamment Keren Kay, Tom Davie et Lidice Mendoza.
Les membres du groupe Frères et soeurs d’armes, de leur côté, portaient les tee-shirts militaires verts qui sont leur marque de fabrique pendant la rencontre. Parmi les personnes venues d’Israël, Omer Granit, partenaire d’EnPar Capita, fondateur de West 4 Capital Management et ex-directeur-général de Mixer.
Roy Gordon, architecte, avait aussi fait le déplacement – il y a quelques mois, le président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice à la Knesset Simcha Rothman, l’un des artisans du plan de refonte du système judiciaire et député d’extrême-droite, s’était emparé du mégaphone que tenait la conjointe de Gordon pendant une manifestation.
Le major réserviste Valentine Blaish, diplômée de l’école navale de Tsahal, a expliqué aux participants que sans la Haute Cour de justice, elle n’aurait jamais pu suivre son cursus et devenir une pionnière dans son domaine.
« Je ne me contente pas de ça », a-t-elle déclaré. « J’ai été la première femme à occuper de nombreux postes et je veux aujourd’hui m’assurer que je ne serais pas la dernière, que nos filles pourront, elles aussi, atteindre ces objectifs. Et cela ne sera pas possible si la Cour est réduite à l’impuissance ».
L’un des participants non-israéliens à la réunion a alors demandé : « Mais quel est le calendrier ? Quand la démocratie israélienne, selon vous, cessera-t-elle d’être démocratique ? »
Blaish a répondu que le processus pourrait se faire pas à pas, par étapes successives, et qu’elle craint que Netanyahu ne continue à faire adopter des amendements qui seront intégrés dans différentes lois, très exactement comme il a annoncé vouloir le faire pendant des entretiens aux États-Unis, ces derniers jours.
Ainsi, lors de ses échanges avec le directeur-général high-tech Elon Musk et lors de son entretien avec le président Biden, le Premier ministre a qualifié de « changements mineurs » les modifications qu’il souhaite faire dans le système judiciaire israélien.
L’un des sujets mis sur la table par le groupe Frères et soeurs d’armes a été son besoin de fonds pour continuer la lutte.
« Nous sommes face à une campagne interminable. Elle ne se terminera pas demain », a commenté l’un des activistes.
Un participant a révélé, pendant la réunion, que la branche américaine de Frères et soeurs d’armes avait déjà été approuvée en tant qu’association enregistrée, notamment par les autorités fiscales – ce qui signifie qu’elle pourra demander des dons et que ses donateurs pourront déduire légalement ces derniers de leurs impôts.
Aux États-Unis, les lois fiscales autorisent les entités à enregistrer jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires comme « dépense reconnue » si l’argent est donné à des groupes engagés dans des activités publiques – sous réserve de l’approbation nécessaire de l’organisation concernée.
Ces régulations impliquent que les dons octroyés par d’importants organismes ou par des fondations familiales peuvent être élevés. En pratique, le système américain encourage les gros dons et certaines fondations familiales ou publiques recherchent, chaque année, des associations et des organisations auxquelles elles pourront verser de l’argent.
Margalit a parlé aux participants de l’importance des activités de JVP dans l’industrie technologique alimentaire de Kiryat Shmona et de ses investissements déterminants dans le secteur de la cyber-industrie à Beer Sheva.
Il a dit que dans l’industrie militaire et technologique, les secteurs variés de la société israélienne – Arabes, ultra-orthodoxes, laïcs et religieux – coopéraient les uns avec les autres mais que le gouvernement actuel était en train de détruire le tissu social délicat de l’État juif.
Margalit a expliqué en détail le mouvement de protestation énorme qui est apparu en Israël et aux États-Unis, puis il a déclaré : « Aujourd’hui, nous accueillons ici un groupe de leaders qui se trouvent sur le front des manifestations. L’objectif de cette réunion est de réfléchir aux étapes suivantes, que ce soit en Israël ou aux États-Unis ».
Le groupe Frères et soeurs d’armes et d’autres groupes de protestation ont continué à se rassembler à New York en gardant bien conscience des avancées politiques significatives que Netanyahu a apparemment réalisé avec Ryad pendant son séjour en Amérique.
Toutefois, l’accord qui se profile avec l’Arabie saoudite n’a pas changé leur point de vue : ainsi, s’il est important de faire la paix avec Ryad, ce n’est assurément pas le moment de relâcher la pression.
Ryad et Washington ne préserveront pas la démocratie israélienne – c’est là la mission du mouvement de protestation.
Cet article a été traduit et adapté d’un article original paru sur Zman Yisrael, le site hébréophone du Times of Israel.