Des Lituaniens qui ont sauvé des artefacts juifs depuis la Shoah mis à l’honneur
Le président lituanien, présent lors de cette cérémonie, a dit que les écrits sauvés sont "les exemples uniques des principes humains universels de lutte contre le mal"
New York Jewish Week via JTA — L’institut juif de recherche YIVO a accueilli le président de la Lituanie à son siège de Manhattan lundi, pour honorer les Juifs qui avaient sauvé de rares livres et documents du ghetto de Vilnius et le bibliothécaire lituanien non-juif qui, lui aussi, avait sauvé des écrits et des ouvrages promis à la destruction sous le régime soviétique.
Le président Gitanas Nausėda a été l’invité d’honneur de cette petite cérémonie qui a été l’occasion de dévoiler deux plaques dans la Salle Strashun des livres rares du YIVO.
La première rend hommage aux travailleurs forcés juifs, avec à leur tête Avrom Sutzkever et Shmerke Kaczerginski qui, en 1942 et en 1943, avaient défié les ordres des nazis, protégeant des documents et des artéfacts que les Allemands voulaient exposer dans un musée consacré « à la race exterminée ».
La seconde honore Antanas Ulpis, directeur de la Bibliothèque nationale lituanienne qui, en 1948, avait caché des archives aux Soviétiques qui avaient également l’intention de s’en saisir – probablement pour les détruire.
Tous ces ouvrages et écrits qui ont été sauvés par « la brigade des papiers » juive et par Ulpis sont au cœur de la collection du YIVO, une collection constituée de 25 millions de livres rares, de journaux intimes, de cartes, de photographies et de films qui témoignent de l’ampleur de la civilisation yiddish avant et pendant la Shoah.
« Ces actes sont, sans aucun doute, des exemples uniques des principes humains universels de lutte contre le mal, de lutte contre l’obscurité à l’aide de chaque rayon de lumière », a déclaré Nauséda lors d’un discours. « Nous disons que nous devrons toujours nous souvenir, nous ne devrons jamais oublier ».
La cérémonie de lundi a aussi été l’occasion de marquer une décennie ou plus de coopération entre le YIVO et la Lituanie qui, au demain de la guerre, s’était insurgée face au sort réservé aux documents juifs restés entre les mains des Lituaniens après le départ à New York de l’YIVO. Depuis, le directeur-exécutif et directeur-général actuel de l’institution, Jonathan Brent, a aidé à conclure un accord, en 2021, qui a permis de rétablir la présence du YIVO à Vilnius. Et en 2015, le YIVO et les archives d’État lituaniennes ont lancé un projet conjoint de numérisation des documents entreposés de l’autre côté de l’océan dans le cadre de collections sur internet, les Edward Blank YIVO Vilna Online Collections – Une initiative titanesque qui s’est achevée en 2022.
Blank, pionnier dans le secteur du télémarketing et philanthrope, était présent à la cérémonie aux côtés de la présidente du conseil d’administration du YIVO, Ruth Levine, d’autres employés de l’institution, d’officiels lituaniens et d’invités triés sur le volet.
Le YIVO a aussi annoncé qu’un prix en hommage à Ulpis serait remis à un Lituanien qui a œuvré à protéger la culture juive et que l’institution travaille actuellement avec la Bibliothèque nationale de Lituanie et d’autres institutions en vue du centième anniversaire de l’institut de recherche, qui sera célébré en 2025.
« C’est un partenariat authentique », a commenté Brent auprès de la JTA à l’issue de la cérémonie. « Ce n’est pas déséquilibré. Ils comprennent vraiment, comme l’a indiqué le président Nauséda, que nos histoires ne font pas que s’entremêler – mais qu’elles font partie d’une seule et unique histoire. »
Ce mois de septembre marque les 80 ans de la liquidation du ghetto de Vilnius. Peu avant que les troupes soviétiques ne réoccupent la Lituanie, pendant l’été 1944, les Allemands et leurs collaborateurs avaient assassiné près de 90 % des Juifs lituaniens.