Des milliers de personnes manifestent à Tel Aviv contre la réforme judiciaire
La manifestation a eu lieu avec une forte présence policière mais sans violences ; la police a stationné des camions rue Kaplan pour tenir les voitures à distance des manifestants

Des milliers de manifestants ont afflué rue Kaplan, à Tel Aviv, jeudi soir pour manifester en nombre contre la réforme judiciaire très controversée du gouvernement, dont la première partie a été adoptée lundi, grâce au vote de la loi sur le caractère raisonnable.
Les manifestations se sont déroulées sur fond de craintes de violences, suite aux manifestations de lundi, qui ont accompagné l’adoption de la loi limitant le contrôle judiciaire sur les décisions de l’exécutif, et ont donné lieu à une démonstration de force sans précédents de la part des policiers, accusés de brutalités et d’usage excessif de la force.
Mais la manifestation s’est terminée jeudi soir sans incident majeur, en dépit d’une forte présence policière.
Lors des grands rassemblements organisés à Tel Aviv et Jérusalem, lundi et mardi matin, les manifestants avaient bloqué routes et autoroutes pendant des heures, sous le contrôle de la police montée et des canons à eau. Plus de 30 manifestants auraient été blessés lors des affrontements, la police faisant pour sa part état de 14 policiers blessés. On estime à une quarantaine le nombre de personnes arrêtées dans le pays.
À Jérusalem, la police a déployé des agents de la police montée et de puissants canons à eau pour chasser les manifestants massés successivement devant la Knesset, puis sur l’autoroute Begin et devant la Cour suprême.
Jeudi, pour la première fois depuis le début des manifestations de grande ampleur en janvier dernier, des camions de la police ont été stationnés rue Kaplan, sans doute pour tenir les véhicules à distance des manifestants.
Lundi, un conducteur avait blessé des manifestants en fonçant sur eux à bord de son véhicule. Il a été arrêté par la police pour être interrogé.
Le chef de la police israélienne, Kobi Shabtai, a tenu une réunion jeudi matin pour préparer les prochaines manifestations et a rappelé l’importance de protéger les manifestations qui ne bloquent pas les routes, ne causent pas de violences et ne nuisent pas à l’ordre public.
« La police israélienne est apolitique et travaille pour l’ensemble de la population, dans le respect de ses valeurs », a déclaré Shabtai par voie de communiqué, ajoutant que la police « examinait avec beaucoup d’attention ses modes d’action et l’attitude de ses personnels pour en tirer des enseignements ».
Jeudi, les forces de police étaient nombreuses sur l’autoroute Ayalon à Tel Aviv, afin d’empêcher les manifestants d’y accéder en empruntant les remblais et de bloquer la circulation.
Les manifestants arrivaient du boulevard Rothschild au point de ralliement, rue Kaplan à Tel Aviv, lorsque deux fusées éclairantes roses ont été tirées en l’air, pour le plus grand plaisir de la foule, qui a applaudi avant de reprendre des chants devenus familiers en faveur de la démocratie.
Sur la route en contrebas, les automobilistes klaxonnaient bruyamment en signe d’encouragement pour les manifestants qui agitaient des drapeaux depuis le pont.
L’un d’eux, Ido, 47 ans, originaire de la ville voisine de Givatayim, a déclaré que les manifestations étaient utiles.
« Si je ne pensais pas que c’était utile, je ne serais pas là ». Il était également rue Kaplan, lundi soir, à la manifestation qui s’est terminée par des affrontements avec la police.
« J’ai l’impression que lundi les manifestants étaient beaucoup plus jeunes. Nombre d’entre eux revenaient de la manifestation devant la Knesset à Jérusalem ».
« C’est un peu comme s’il y avait eu un réveil ».
La manifestation s’est terminée vers minuit jeudi et toutes les routes ont été rouvertes.
En lieu et place des canons à eau et de la police montée déployés lundi et mardi, des véhicules de police et motos ont patrouillé pour demander aux manifestants de regagner les trottoirs et rouvrir ensuite la route à la circulation.
Lundi, les députés ont voté une loi privant les juges du pouvoir d’invalider les décisions du gouvernement au motif qu’elles sont « déraisonnables ». Les opposants au gouvernement affirment que la suppression de l’examen du caractère raisonnable est la porte ouverte à la corruption et au népotisme.
De nombreux membres de la coalition ont demandé au gouvernement de poursuivre comme prévu la réforme judiciaire, bien que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ait assuré vouloir obtenir un consensus sur les autres éléments de la réforme.

Jeudi toujours, à New York, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés devant le consulat israélien pour manifester contre la réforme judiciaire, au son de « Démocratie » et « C’est une honte » en hébreu, en agitant des drapeaux israéliens dans la chaleur étouffante de Midtown Manhattan.
Le rassemblement avait été organisé par l’organisation israélienne UnXeptable, avec le soutien d’un certain nombre d’organisations juives de New York.
UnXeptable a organisé un certain nombre de manifestations contre la réforme judiciaire à New York ces six derniers mois, le plus souvent sans le soutien officiel des organisations juives américaines. D’éminents élus juifs de New York, parmi lesquels le contrôleur municipal Brad Lander et le président de l’arrondissement de Manhattan, Mark Levine, y ont déjà pris part.
Les manifestations de New York et d’ailleurs dans le monde ont vocation à soutenir le mouvement de refus en Israël et à exprimer l’opposition au projet de réforme judiciaire du gouvernement.
UnXeptable travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec les leaders de la contestation en Israël.
La manifestation de jeudi a donné lieu à des prières, en cette journée de jeûne de Tisha BeAv, qui commémore la destruction des temples de Jérusalem du fait de luttes intestines entre Juifs. Les intervenants ont d’ailleurs établi un parallèle ce jour de deuil et les fractures de la société israélienne d’aujourd’hui.
« Nous ne pouvons pas nous permettre d’être divisés », a déclaré aux Israéliens et Américains présents le rabbin Joanna Samuels, Directrice du Marlene Meyerson JCC Manhattan. « Nous sommes l’avenir de l’Etat démocratique d’Israël. Les enjeux ne sauraient être plus importants. »