Edelstein, qui vise de hautes fonctions, risque gros sur l’immunité de Netanyahu
Obligé de décider de la suite à donner à la demande d'immunité du Premier ministre, le président de la Knesset peut aussi viser le poste de Premier ministre ou la présidence
Depuis plus de quatre ans qu’il est président de la Knesset, Yuli Edelstein n’a pas hésité à frapper le marteau de façon décisive pour maintenir l’ordre dans son assemblée indisciplinée. Mais récemment, le pilier du Likud a eu du mal à être aussi déterminé en ce qui concerne un membre du Parlement sous sa responsabilité : le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
De tous les hauts responsables du Likud qui se sont exprimés et ont soutenu Netanyahu après l’annonce des accusations criminelles par le procureur général Avichai Mandelblit, Yuli Edelstein a été le dernier à le faire.
Il a eu du mal à dire qui il allait soutenir lors des primaires pour la direction du Likud qui ont vu s’affronter entre le challenger Gideon Saar et Netanyahu, devenant ainsi le seul parlementaire du parti à ne soutenir aucun des deux candidats.
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Et maintenant, il semble qu’il ait du mal à décider s’il doit aider Netanyahu à reporter ses poursuites en utilisant ses pouvoirs de président pour recourir à des tactiques dilatoires dans le processus de demande d’immunité du Premier ministre auprès de la Knesset.
Tellement difficile à décider en fait, qu’il a effectivement passé la balle au conseiller juridique en chef de la Knesset, lui demandant la semaine dernière de décider s’il avait le pouvoir de bloquer la formation de la commission de la Chambre – la seule commission autorisée à traiter la demande d’immunité de Netanyahu.
Après un va-et-vient théâtral entre le Likud et la Cour suprême, le parti au pouvoir cherchant à empêcher le conseiller juridique de publier son avis juridique sur la question, Eyal Yinon a décidé dimanche soir que le Parlement ne pouvait pas bloquer le processus parce qu’Edelstein n’a pas le droit d’empêcher le plénum de la Knesset de former la commission.
La décision permet effectivement au Parlement d’examiner – et, avec l’équilibre actuel des pouvoirs, de rejeter presque certainement – la demande de Netanyahu de bénéficier de l’immunité contre les accusations dont il fait l’objet dans les trois affaires pénales qui le concernent.
Mais, malgré tous ses efforts pour éviter une action décisive, Edelstein détient toujours le pouvoir d’entraver les procédures en route vers le vote final d’immunité. Des sources du Likud ont fait savoir qu’elles essaieront de retarder la procédure en la bloquant devant les tribunaux et par d’autres moyens de contestation, dans l’espoir de la faire traîner au-delà du 2 mars, date à laquelle une nouvelle Knesset sera élue.
Et la décision que le président doit prendre maintenant pourrait être encore plus importante que de simplement soutenir Netanyahu ou non. La conduite d’Edelstein à l’avenir pourrait déterminer non seulement l’avenir du Premier ministre, mais aussi le sien.
Président ou Premier ministre
Edelstein est perçu comme un candidat clef pour remplacer le président Reuven Rivlin lorsque son mandat de sept ans prendra fin en juillet 2021. Ancien prisonnier de Sion dans les camps soviétiques où il a été soumis au travail forcé en représailles d’une activité sioniste clandestine, député pendant 24 ans après avoir émigré en Israël et ayant déjà servi comme président de la Knesset pendant sept ans, il correspond certainement au profil d’une personnalité publique bien connue avec un solide passé qui pourrait facilement remplir le rôle que Rivlin doit quitter en 2021.
Mais ces mêmes antécédents et ce statut public pourraient également le mettre en position de reprendre un autre rôle qui pourrait également être libéré dans un avenir proche : la fonction de Premier ministre.
Edelstein a longtemps été considéré comme l’une des voix principales du Likud et est actuellement classé deuxième sur la liste du parti à la Knesset derrière Netanyahu, qui a remporté la dernière primaire ayant établi la liste électorale de la formation. Bien qu’il soit finalement resté hors de la course, il aurait initialement envisagé de briguer la présidence du parti lors de la récente primaire, au cours de laquelle Gideon Saar a défié Netanyahu.
Et comme Netanyahu n’a pas nommé de vice-Premier ministre permanent depuis son arrivée au pouvoir en 2009 et n’a pas permis à de nombreux membres du Likud d’occuper des postes de haut niveau au sein du gouvernement, Edelstein, avec son statut de président de la Knesset, est apparu comme l’un des rares candidats potentiels à remplacer Netanyahu ou à lui succéder.
Mais si les postes de président et celui de Premier ministre font figure de possibilités pour le moment, bien que lointaines, il semble que la façon dont Edelstein se conduira dans les prochaines étapes de la demande d’immunité de Netanyahu puisse déterminer la viabilité de chacune de ces options.
Risquer de perdre les deux
Pour devenir chef de l’État dans un an et demi, il faudrait qu’il remporte un scrutin à bulletin secret impliquant les 120 membres de la Knesset élus en mars (en supposant qu’un gouvernement durable soit formé). Selon les sondages actuels concernant ce vote, Edelstein aurait presque certainement besoin du soutien des membres d’un certain nombre de partis de centre-gauche, ainsi que de la plupart sinon de tous ceux de droite.
Jusqu’à présent, Edelstein, bien qu’il soit connu pour ses opinions de droite en faveur des implantations, a été considéré comme une figure de consensus jouissant d’un large respect de la part de tout l’éventail politique. Il a généralement réussi à rester au-dessus des bassesses politiques et de l’électoralisme populiste qui définissent souvent la politique israélienne, et il est bien placé pour bénéficier d’un large soutien dans sa candidature à la présidence.
Cependant, des démarches visant à bloquer, retarder ou ralentir la demande d’immunité pourraient mettre en péril cette réputation et sa chance de devenir chef de l’État.
Le parti centriste Kakhol lavan, principal rival du Likud, a déjà mis en garde contre les « conséquences » si Edelstein s’oppose à ce que la demande d’immunité soit débattue – une menace qui vise principalement sa position de président de la Knesset, mais qui laisse également entrevoir un soutien futur à la direction du pays.
D’autre part, si Edelstein donne carte blanche à Kakhol lavan pour former la commission de la Chambre et tenir à sa guise les délibérations sur l’immunité de Netanyahu, il sera probablement perçu au sein de son propre Likud comme un traître, et il pourrait même être étiqueté comme tel par le Premier ministre.
Dans la mesure où beaucoup de membres du parti parlementaire du Likud et de ses partisans soutiennent farouchement Netanyahu, on ne peut pas envisager qu’Edelstein participe à la destitution du Premier ministre s’il veut conserver une chance de se présenter à un poste de haut niveau comme chef du Likud.
Encore indécis
Il y a des risques à continuer d’essayer de rester au-dessus de la mêlée dans l’arène politique divisée d’Israël, chaque camp souhaitant qu’il soit pleinement de son côté. En restant au milieu, Edelstein pourrait perdre la confiance des deux bords, et pourrait perdre sa chance à la fois à la présidence et au poste de Premier ministre – et même au bureau du président de la Knesset.
Pourtant, les propos tenus par Edelstein dimanche lorsqu’il a fait savoir qu’il n’était pas d’accord avec la décision d’Yinon, mais qu’il s’y conformerait, semblent être le signe qu’il essaie toujours de faire preuve de prudence tout en refusant de choisir son camp.
« Convoquer maintenant une commission de la Knesset serait une terrible erreur », a-t-il ainsi déclaré lors d’une conférence de presse. « Nous ne pouvons pas laisser un processus aussi important, une sorte de processus judiciaire, être entrepris comme cela. Nous ne pouvons pas laisser la commission de la Chambre se transformer en une jungle qui fait honte au Parlement. Je ne peux pas promettre un processus équitable [dans les circonstances actuelles]. Quelle que soit l’identité de la personne qui demande l’immunité, elle mérite un processus équitable. La Knesset mérite une procédure équitable. Nous, les citoyens, méritons un processus équitable ».
Il a ajouté : « Je ne suis pas d’accord avec la décision [de Yinon] », tout en indiquant qu’il n’avait pas l’intention de s’y opposer. « En ce qui me concerne, je n’ai pas l’intention de soutenir le processus biaisé qui commence aujourd’hui. »
En tentant de faire l’équilibriste entre une décision claire et une autre qui pourrait déterminer ses futurs choix, Edelstein prend apparemment la voie du milieu : il n’aidera pas, mais ne se mettra pas en travers du chemin.
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