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Opinion

Élections israéliennes de 2019 : La bataille des deux Benjamin

Nous aurions pu économiser 480 millions de dollars, éviter 100 jours de chamailleries et déclarer Netanyahu vainqueur dès maintenant - sans la séduisante candidature de Benny Gantz

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le chef d'état-major de Tsahal Benny Gantz observent un exercice militaire de la Brigade Golani de l'armée sur le plateau du Golan, le 11 septembre 2012. (Crédit : Avi Ohayon/GPO/Flash90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le chef d'état-major de Tsahal Benny Gantz observent un exercice militaire de la Brigade Golani de l'armée sur le plateau du Golan, le 11 septembre 2012. (Crédit : Avi Ohayon/GPO/Flash90)

Il est plus qu’improbable qu’Avi Gabbay, le chef de l’Union sioniste de l’opposition, remporte les élections du mois d’avril. Tzipi Livni, la dirigeante officielle de l’opposition à la Knesset qui vient d’être dissoute, ne va certainement pas gagner non plus. Yair Lapid, à la tête du centriste Yesh Atid, n’a que peu de chances. Naftali Bennett, chef du parti sioniste religieux HaBayit HaYehudi, sait que ses ambitions devront attendre encore un peu. Moshe Yaalon, l’ancien chef d’état-major qui fonde son propre parti, pourrait même avoir du mal à franchir le seuil de la Knesset s’il se présente seul, sans parler de devenir Premier ministre.

Bref, nous aurions pu économiser 1,8 milliard de shekels (418 millions d’euros) que nous coûteront les élections, selon les estimations d’un fonctionnaire du Trésor, nous éviter 100 jours de chamailleries et de démagogie et déclarer une fois encore Benjamin Netanyahu vainqueur dès à présent. Si ce n’était la candidature d’un autre Benjamin.

Le Parti travailliste, quel que soit le nom sous lequel il se présente, est inéligible tant qu’Israël ne voit aucune perspective pour les Palestiniens d’accepter des conditions viables de coexistence. Yesh Atid semble incapable d’obtenir suffisamment de soutien du centre-droit et du centre-gauche pour défier le Likud de Netanyahu. Et personne à droite ne peut rivaliser avec la popularité et la maîtrise politique de Netanyahu.

Seul Benny Gantz, l’avant-dernier chef d’état-major de Tsahal, menace l’emprise extraordinaire de Netanyahu, qui obtient des résultats assez élevés dans les sondages d’opinion plutôt peu fiables d’Israël. Et c’est peut-être simplement parce que la plupart des Israéliens ne savent pas exactement ce qu’il représente.

Nous aimons nos chefs d’état-major tant qu’ils portent l’uniforme. Bien sûr que si. C’est aux chefs d’état-major que nous rendons grâce pour avoir assuré la sécurité de la plupart de nos enfants pendant leurs années de service militaire obligatoire.

Hail the chiefs. (From left) Current IDF chief of staff Gantz and predecessors-turned-politicians Dan Halutz, Ehud Barak, Amnon Lipkin-Shahak and Shaul Mofaz, pictured last year. (photo credit: Meir Partush/Flash90)
Les anciens chefs d’état-major de l’armée israélienne (de gauche à droite) Benny Gantz, Dan Halutz, Ehud Barak, Amnon Lipkin-Shahak et Shaul Mofaz à Tel Aviv, en octobre 2011 (Crédit : Meir Partush/Flash90)

Mais cette reconnaissance universelle et cette aura d’autorité peuvent se dissiper rapidement lorsque les chefs militaires entrent en politique. Chaque fois qu’un chef d’état-major devient politicien, chaque fois qu’il prend clairement position, il déçoit, ennuie et s’aliène inévitablement une partie de l’électorat.

Yitzhak Rabin et Ehud Barak ont montré qu’il est possible de passer de chef de l’armée à chef du gouvernement, mais la montée et la chute d’Amnon Lipkin-Shahak souligne combien une étoile militaire peut facilement tomber. Retraité de l’armée en 1998, Lipkin-Shahahak, jusqu’alors bien-aimé, est rapidement entré en politique, a fondé son propre parti et s’est hissé au sommet des sondages d’opinion. Cependant, l’année suivante, au moment des élections, il avait été si malmené sur la voie de la campagne électorale que, loin de gagner la direction de l’État d’Israël, il avait réussi à perdre la direction de son propre parti.

Grand, calme et à la voix douce, Gantz ressemble davantage à Lipkin-Shahak qu’à Rabin, un Rabin émoussé et charismatique ou à Barak, un Barak spectaculairement sûr de lui. Mais ce n’est que maintenant, au cours des quelque trois mois à venir, que nous allons vraiment apprendre à le connaître et à savoir ce qu’il prône.

Le refus de l’hystérie

Benny Gantz est devenu chef d’état-major en 2011 presque par accident ; il avait déjà pris sa retraite de l’armée israélienne au terme d’une brillante carrière militaire de 30 ans, quand il fut rappelé, car celui initialement nommé, Yoav Gallant (actuel ministre du Logement – Koulanou), était mêlé dans un petit scandale concernant un chantier non autorisé dans son logement. Nommé par le Premier ministre Netanyahu et le ministre de la Défense, M. Barak, M. Gantz est généralement considéré comme ayant connu un succès modéré dans cette fonction, ayant présidé aux mini-guerres peu concluantes de 2012 et 2014 contre le Hamas à Gaza.

Dans une interview accordée en 2016, quelques mois après sa retraite, Gantz déclarait au sujet de la menace nucléaire iranienne : « Je refuse d’être hystérique sur cette question », et cette remarque donne plutôt le ton au sujet de Benny Gantz que l’on connaît jusqu’à présent : Pas tellement doux mais plutôt modéré. Pas arrogant, mais rassurant. « Je connais la force d’Israël. Je connais les capacités défensives d’Israël. Je connais les capacités offensives d’Israël », a-t-il poursuivi dans cet entretien, « et j’ai absolument confiance en notre sécurité ».

« Nous sommes une armée qui utilise la force et non la violence », a-t-il déclaré avec élégance dans une autre interview, avec Haaretz en 2012, au début de son mandat de chef d’état-major.

Il a paru sobre sur la question palestinienne, critiquant l’incitation à la violence de l’Autorité palestinienne contre Israël et soulignant que l’intérêt personnel de l’AP est au cœur de la coordination sécuritaire de Ramallah avec Israël.

Et sobre aussi sur la place d’Israël dans la région : La guerre de Kippour de 1973 avait enseigné à Israël, a-t-il dit un jour, « que nous devons toujours être prêts pour la guerre » et que « si nous ne devons jamais cesser d’espérer et d’agir pour un avenir meilleur, nous devons être très réalistes sur ce à quoi nous sommes confrontés. Nous devons rester forts et unis et ne jamais flirter avec l’histoire. »

L’ancien chef d’état-major de Tsahal Benny Gantz prend la parole lors de la Conférence sioniste mondiale annuelle, à Jérusalem, le 2 novembre 2017. (Miriam Alster/FLASH90)

Il a également parlé, avec une certaine élégance, des responsabilités d’Israël envers la nation juive dans le monde et de ses impératifs intérieurs. Naomi Shemer a dit dans sa belle chanson, Hair Beafor [La ville en gris], « Je te ferai revenir sur les ailes des aigles, ou sur des nuages », a-t-il fait remarquer en 2016. « Or, à travers l’histoire du peuple juif, le peuple est venu en Israël par choix – ce qui signifie les ailes des aigles. Ils ont décidé de venir. Parfois, ils sont venus sur des nuages, comme mes parents. Les nuages de la Seconde Guerre mondiale les ont amenés ici. Dans les deux cas, Israël était là pour eux – bien qu’à l’époque ce ne fût pas encore vraiment Israël. Mais heureusement, nous disposons aujourd’hui d’un endroit sûr pour le peuple juif.

Nous avons beaucoup à apporter au monde. Mais l’essentiel, c’est que nous sommes ici, d’abord et avant tout, pour notre peuple

« Je ne pense pas qu’il faille se contenter d’examiner la question du point de vue de la sécurité », a-t-il poursuivi au cours de cette interview. « Il doit s’agir d’une société juste et morale. Il faut que ce soit une société très juste. D’une part, une puissance high-tech, et d’autre part, un gardien pour son peuple, non seulement en termes de sécurité, mais aussi en termes de bien-être et d’égalité sociale. Je pense que nous devrions faire partie du monde autant que possible ; nous avons beaucoup à apporter au monde. Mais l’essentiel, c’est que nous sommes ici, d’abord et avant tout, pour notre peuple. Nous sommes ici pour ceux qui choisissent de venir et pour ceux qui choisissent de rester dans la diaspora. J’espère que personne ne sera dans une situation difficile et ne devra prendre une décision qu’il ne veut pas prendre. Mais nous sommes ici pour ces gens aussi ».

« Donc, si vous me posez la question, conclut-il, le Premier ministre d’Israël a le plus grand défi du monde juif, et le chef d’état-major de Tsahal partage en partie cette responsabilité. »

De quel côté est-il ?

Gantz a enregistré jeudi un parti baptisé Hozen le Yisraël. Le malheureux Gabbay a été contraint à trois reprises lors d’une interview télévisée mercredi soir de nier avoir offert à Gantz une place de premier plan à l’Union sioniste et avoir essuyé un refus.

Plus plausibles sont les informations selon lesquelles Gantz envisage de se présenter à la Knesset aux côtés de Yaalon (qui a annoncé la création d’un parti « sans entourloupes). Une telle démarche serait également plus judicieuse d’un point de vue politique. Le centre-gauche s’accrochera à n’importe quel candidat en affirmant de manière crédible qu’il peut assurer la sécurité du pays, encadrer une diplomatie efficace, promouvoir l’égalité, et respecter la primauté du droit. C’est du centre-droit qu’il aurait besoin d’être soutenu s’il voulait vraiment constituer une menace pour Netanyahu, et le Yaalon faucon devient un atout dans cet effort où un lien avec le Parti travailliste est un handicap.

Le chef d’état-major, le lieutenant-général Benny Gantz (à gauche), avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’une cérémonie, le 11 septembre 2013 (Crédit : AP Photo/Dan Balilty)

Faisant l’éloge de la nomination de Gantz comme chef d’état-major, Netanyahu l’a qualifié d’excellent officier avec « tous les attributs nécessaires » pour diriger l’armée. Si Gantz s’avère capable de relever un défi, il y a fort à parier que Netanyahu, qui a été si efficace au fil des ans pour discréditer et miner ceux qui pourraient le remplacer, va chercher à affirmer que Gantz ne possède pas les qualités requises pour diriger ce pays. Il peut faire valoir leurs divergences sur l’Iran.

Lorsqu’on demande aux personnes interrogées qui elles veulent comme Premier ministre, les sondages montrent systématiquement que Netanyahu est loin devant tous ses rivaux, indépendamment du fait qu’il soit accusé dans trois affaires de corruption. En 2015, l’Union sioniste, alors dirigée par Isaac Herzog, un homme dont l’attrait politique était limité, a assez bien ébranlé Netanyahu, mais pas suffisamment pour lui causer de graves problèmes.

Si Gantz parvient à conserver au moins une partie de l’aura d’un chef de Tsahal, s’il forge des alliances politiques astucieuses, s’il peut s’affirmer comme une alternative moins conflictuelle aux attaques de la gauche, des médias, des représentants de la loi, et des pressions judiciaires de Netanyahu, alors la campagne électorale de 2019 pourrait devenir intéressante. Si Gantz s’avère être une source d’inspiration, ça pourrait devenir très intéressant.

Mais cela fait beaucoup de si.

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