Eli Rosenbaum : la loi américaine est insuffisante contre les criminels de guerre
La loi ne s'applique pas à la "majorité" des criminels qui arrivent sur le sol américain, a déploré le chasseur de nazis chargé d'enquêter sur les crimes de guerre russes en Ukraine
La législation fédérale actuelle est insuffisante pour poursuivre les criminels de guerre aux Etats-Unis a fustigé mercredi un célèbre chasseur de nazis américain, chargé par le ministère de la Justice d’enquêter sur les crimes de guerre russes en Ukraine.
Celle-ci ne s’applique pas à la « vaste majorité » des criminels de guerre qui arrivent sur le territoire américain, à moins que leurs victimes ou les responsables de ces abus ne soient américains, a critiqué Eli Rosenbaum, qui travaille depuis 36 ans au ministère de la Justice, lors d’une audition au Congrès sur ce sujet.
« Etant donné les crimes abjects qui sont perpétrés par la Russie lors de sa guerre injustifiée en Ukraine, cette audition se tient au moment le plus approprié, urgent, et terrifiant qui soit », a souligné l’expert de 67 ans qui a passé une grande partie de sa carrière à poursuivre en justice les criminels de guerre nazis.
Les lois fédérales ne permettent pas d’aider les Américains victimes de torture à l’étranger à moins que le responsable de ces tortures ne soit américain lui-même ou ne vive aux Etats-Unis, a poursuivi M. Rosenbaum.
Aucune loi ne porte par ailleurs sur les « crimes contre l’humanité », souvent commis en dehors d’un contexte de guerre, comme l’esclavage ou les meurtres de masse, a-t-il ajouté.
Eli Rosenbaum a travaillé sur une centaine de cas qui ont abouti à l’expulsion d’anciens nazis.
Parmi eux, un ancien garde de camp de concentration qui vivait dans le Tennessee et a été expulsé des Etats-Unis l’année dernière, 75 ans après ses crimes.
M. Rosenbaum a aussi poursuivi en justice des criminels de guerre ayant commis des abus en Bosnie, au Guatemala, et au Rwanda.
« Ayant poursuivi en justice des nazis de la Seconde Guerre mondiale pendant quatre décennies, je peux témoigner de notre grande frustration face aux limites de la loi qui ont rendu impossible la poursuite pénale de beaucoup des criminels nazis débusqués » aux Etats-Unis, a-t-il noté.
« Nous n’avons pu les poursuivre qu’au civil. Les Russes et les autres criminels de guerre qui viennent ici ne devraient pas pouvoir échapper à la justice pénale de la même manière et trouver un havre de paix ici », a martelé M. Rosenbaum, tout en précisant que le Pentagone, le département d’Etat, les ministères de la Justice et de la Sécurité intérieure s’étaient mis d’accord sur des « solutions techniques » pour pallier ces lacunes juridiques.
Des enquêteurs des Nations unies ont accusé la semaine dernière Moscou d’avoir commis un « nombre considérable » de crimes de guerre dans quatre régions ukrainiennes lors des premières semaines suivant l’invasion russe.
Ils ont en revanche jugé qu’il était trop tôt pour parler de crimes contre l’humanité, contrairement à ce qu’affirment des ONG et l’Ukraine.