Emmanuel Macron devrait renforcer les liens avec Israël durant son second mandat
La France est l'une des "alliées les plus proches et les plus actives vis-à-vis d'Israël", a déclaré l'ambassadeur Eric Danon au lendemain des élections présidentielles
Dès sa victoire lors de l’élection du mois dernier, les dirigeants israéliens ont salué la réélection d’Emmanuel Macron, soulagés qu’il l’emporte face à Marine Le Pen.
Écrivant en hébreu, français et anglais, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid a qualifié le centriste Emmanuel Macron de « bon ami » et a partagé une photo des deux hommes se saluant.
« Sous votre direction, je ne doute pas que les liens entre Israël et la France continueront à se renforcer », a tweeté le Premier ministre Naftali Bennett.
Macron a prêté serment samedi à l’Elysée, à Paris, entamant son deuxième mandat à la tête du pays alors que l’Europe fait face à la guerre en Ukraine et à un avenir énergétique incertain.
S’adressant au Times of Israel lundi, l’ambassadeur de France à Tel Aviv a exprimé un sentiment similaire à celui des responsables israéliens, soulignant qu’une coopération étroite entre les deux pays se poursuivrait, notamment dans les domaines de la défense et de l’énergie.
« Malgré quelques nuances de perception, la France se targue d’être l’une des alliées les plus proches et les plus actives vis-à-vis d’Israël dans la lutte contre le terrorisme radical », a déclaré l’ambassadeur Eric Danon.
Il a évoqué la présence pour la première fois d’un escadron de Rafale français en Israël lors de l’exercice militaire « Blue Flag » en 2021, et les visites régulières de navires de guerre français à Haïfa. Danon a également rappelé les contributions de la France à la campagne contre l’État islamique.
Danon a souligné que Macron « avait clairement indiqué que l’engagement de la France pour la sécurité d’Israël était à toute épreuve ».
« Je ne vois aucune raison pour laquelle une telle dynamique devrait changer dans un avenir proche. »
« Bon pour Israël »
Le 24 avril, Emmanuel Macron a battu sa rivale d’extrême droite Marine Le Pen lors du second tour de l’élection présidentielle, recueillant plus de 58 % des voix. Sa victoire a été accueillie avec un immense soulagement en Europe comme en Israël, face aux craintes qu’une présidence Le Pen ne laisse le continent sans chef de bord à la suite du Brexit et du départ de la chancelière allemande de longue date Angela Merkel.
« A : C’est bon pour Israël. B : C’est bon pour le monde. Et entre A et B, c’est bon pour l’Europe », a déclaré Maya Sion-Tzidkiyahu, experte des relations Israël-Europe à l’Institut Mitvim.
Certains considèrent désormais Macron comme l’homme d’État le plus en vue d’Europe, et il a assumé un rôle de premier plan dans la réponse européenne au conflit en Ukraine. Il a fait pression pour des sanctions élargies contre Moscou, tout en s’adressant régulièrement à Poutine afin de tenter de trouver une issue diplomatique au conflit. Une victoire de Le Pen – considérée comme proche de Poutine – aurait été une onde de choc pour l’Europe, avec de profondes conséquences pour l’avenir de l’action conjointe de l’Union européenne et des États membres vis-à-vis de la Russie.
« Israël veut une Union européenne qui fonctionne, c’est donc bien que Macron ait été élu », a déclaré Sion-Tzidkiyahu.
Danon a déclaré que la France travaillait au renforcement des liens entre Israël et l’UE.
« Nous espérons approfondir les relations UE-Israël à travers le Conseil d’association », a déclaré Danon. « Nous travaillons actuellement dans cette perspective, conscients des conditions politiques et techniques relatives aux règles et au cadre de l’UE. »
Israël a signé un accord d’association définissant ses relations avec l’UE en 1995 et l’a ratifié en 2000. Il stipule que les deux parties se réunissent une fois par an en Conseil d’association pour discuter de questions d’intérêt commun. La dernière fois que les parties se sont rencontrées remonte néanmoins à 2012. Israël a annulé le Conseil prévu en 2013, quand l’UE a provoqué la colère d’Israël en publiant de nouvelles réglementations selon lesquelles aucun organisme israélien qui opère ou a des liens au-delà de la Ligne verte ne pouvait recevoir de financement de l’UE ou établir une quelconque coopération avec l’UE.
Certains États de l’UE ont empêché la tenue des réunions au cours des années suivantes.
Désormais, les deux parties cherchent à nouveau à organiser le Conseil. Afin que cela se produise, les 27 États membres doivent s’entendre sur une déclaration commune, et le chef des affaires étrangères de l’UE, Josep Borrell, doit inscrire la question à l’ordre du jour du Conseil des affaires étrangères.
La France a poussé les États membres à approuver une déclaration commune afin de permettre au Conseil d’association de se réunir, selon des experts.
« La France est un défenseur d’Israël au sein de l’UE », a déclaré Sion-Tzidkiyahu.
Cependant, tous les universitaires ne s’accordent pas sur l’idée que le pays soutiendra davantage Israël au sein des institutions internationales.
« En ce qui concerne l’UE et l’ONU, ou tout ce qui a à voir avec la diplomatie multilatérale, la France continue de voter contre Israël dans la plupart des institutions de l’ONU, et aussi l’UE », a fait valoir Emmanuel Navon, du Jerusalem Institute for Strategy and Security. « Je ne m’attendrais à rien de ces institutions quand il s’agit d’une décision européenne sur le Moyen-Orient. Dans ces forums multilatéraux, la France continue d’avoir une politique qui n’est pas favorable à Israël. »
Entre-temps, le Conseil d’association ne s’est pas encore réuni, et avec l’attention de l’Europe captée par la guerre en Ukraine, l’idée ne figure tout simplement pas sur la liste des préoccupations urgentes de l’UE.
Le facteur Turquie
Néanmoins, a déclaré Navon, la posture régionale de Macron a été bénéfique à Israël. « Sa politique au Moyen-Orient et dans l’est méditerranéen a été une aubaine pour Israël, en raison du renforcement de la présence de la marine française dans l’est méditerranéen il y a quelques années. »
La France et la Turquie sont en concurrence autour de la Méditerranée depuis quelques années. En Libye, Paris et Ankara ont soutenu des camps rivaux dans la guerre civile et, en 2020, des navires des deux marines ont failli échanger des tirs lorsqu’une frégate française a tenté d’arrêter un navire turc soupçonné de contrebande d’armes vers le pays d’Afrique du Nord. La France a envoyé des forces militaires pour soutenir la Grèce contre la Turquie face à l’impasse croissante sur l’exploration du gaz naturel en Méditerranée. Macron a également critiqué l’invasion du nord-est de la Syrie par Ankara en 2019, et a accusé le président turc Recep Tayyip Erdogan d’interférer dans les récentes élections en France.
La France a également rejoint le Forum du gaz de la Méditerranée orientale, ou EMFG, qui comprend Israël, l’Égypte, la Grèce, Chypre et l’Autorité palestinienne – un forum régional de facto anti-turc.
Macron « a totalement rejoint cet axe énergétique et anti-Erdogan au Moyen-Orient avec Israël », a déclaré Navon.
Qualifiant la Méditerranée orientale de « région clé » pour la France, Danon a déclaré que Paris s’était « absolument engagé ces dernières années à promouvoir la stabilité et le respect du droit international, dans cette région où plusieurs crises déstabilisatrices restent non résolues ».
« Nous avons en particulier été très clairs dans notre appel à tous les pays de la région pour qu’ils respectent la souveraineté et les droits souverains des États membres de l’UE sur leurs zones maritimes et recherchent des règlements pacifiques des différends », a-t-il poursuivi, faisant allusion à l’empiétement turc sur les eaux territoriales grecques et chypriotes.
Cependant, au cours des 18 derniers mois, Erdogan a montré une volonté claire d’améliorer les relations avec ses rivaux régionaux, dont la France et Israël.
« Nous constatons que Paris et Ankara s’accordent sur le fait que les deux parties souhaitent améliorer leurs relations à l’avenir », a déclaré Yusuf Erim, analyste turc chez TRT World. « Nous constatons une fatigue de la part de la Turquie et de la France face à leur animosité, et une meilleure compréhension que leur relation serait beaucoup plus rentable si elle cédait la place à une coopération. »
La tendance à une relation France-Turquie plus constructive pourrait également entraîner une amélioration des relations entre Jérusalem et Ankara.
« Si Paris et Ankara améliorent leurs relations, et qu’une partie de ce changement implique un théâtre méditerranéen plus pragmatique et plus compréhensif, cela peut certainement supprimer un obstacle entre la Turquie et Israël », a déclaré Erim.
Au revoir de Gaulle
Un certain nombre de signes indiquent aujourd’hui que, les élections étant derrière lui, Macron a l’intention d’améliorer les liens avec Israël.
Danon a déclaré aux parlementaires français en visite dans le pays en juillet dernier que Macron avait l’intention de réinitialiser les relations avec Israël s’il était réélu en 2022, selon une source diplomatique.
La nomination de Danon par Macron était en soi une indication importante de l’orientation qu’il souhaitait donner à la relation. Danon, un proche confident de Macron, n’est pas un diplomate français typique, a déclaré Navon, et est « très bien disposé envers Israël ».
Cette disposition était pleinement visible en juillet, lorsque Danon a prononcé un discours étonnamment musclé lors des célébrations du 14 juillet, soulignant la position de la France selon laquelle « le régime des mollahs [en Iran] ne devrait jamais posséder la bombe nucléaire ».
Le discours du Premier ministre Jean Castex devant le Conseil représentatif des Juifs de France le 25 février était peut-être la preuve la plus convaincante que Macron avait l’intention d’améliorer de manière significative les relations franco-israéliennes. Son texte avait été écrit par Macron, mais il avait demandé au Premier ministre de le lire à sa place alors que le président faisait face à l’invasion russe de l’Ukraine qui avait commencé la veille.
« Vous connaissez mon attachement à Jérusalem », indiquait le discours de Macron. « Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif. Je n’ai jamais cessé de le dire. »
En lisant le texte de Macron, Castex a rejeté avec colère l’idée qu’Israël est un État d’apartheid, une accusation portée par Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits de l’homme : « Comment osons-nous parler d’apartheid dans un État où les citoyens arabes sont représentés au gouvernement, au parlement, détiennent des postes de direction et des postes de responsabilité, où tous les citoyens, quelle que soit leur religion, ont compris que leur seul espoir est la paix commune ? »
La présence de Lapid au sein de la coalition au pouvoir – si elle survit – pourrait rendre ce processus plus fluide. Lui et Macron entretiennent une relation personnelle chaleureuse, qui remonte à avant même que les deux responsables n’occupent leur poste actuel. Lapid a pris la décision inhabituelle de soutenir Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, et Macron a semblé lui rendre la pareille en l’accueillant à l’Elysée à Paris quatre jours seulement avant les élections d’avril 2019 en Israël.
Fin novembre, Lapid s’est rendu à Paris et a rencontré Macron à la fin d’un voyage de trois jours en Europe, considéré en grande partie comme axé sur les pourparlers sur le nucléaire iranien à Vienne.
« Macron s’est détourné de la tradition gaulliste et pro-arabe de la politique étrangère française », a déclaré Navon.
Malgré les signes encourageants, certains points d’interrogation demeurent. Les électeurs français retourneront aux urnes en juin pour élire la prochaine Assemblée nationale. Le parti Renaissance de Macron (anciennement « En Marche ! ») détient actuellement la majorité au parlement, mais se retrouvera pour cette élection sous la pression de la coalition d’extrême-gauche et de l’extrême-droite. Perdre sa majorité entravera principalement son programme national, mais pourrait également nuire à sa capacité à se concentrer sur ses priorités de politique étrangère et à les faire avancer.
On ne sait pas non plus si Macron remplacera le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui a parfois été un critique virulent d’Israël et qui a déclaré l’année dernière que le pays risquait de connaître un « apartheid de longue durée » si les Palestiniens n’obtenaient pas leur propre État.
En tout état de cause, Macron devrait chercher à positionner la France comme la leader d’une Europe plus unie, comme une puissance militaire régionale et comme une partenaire proche d’Israël.
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