En ce sombre Shabbat, des Juifs inquiets se rassemblent à Manhattan en soutien à Israël
La réunion informelle a offert aux membres de la communauté un espace où se retrouver en temps de crise et d'incertitudes
New York Jewish Week via la JTA – Alors que les nouvelles en provenance d’Israël et de Gaza font état d’une région plongée dans le chaos, des dizaines de personnes se sont réunies à l’autre bout du monde pour en parler, partager des informations ou offrir de l’aide et un peu de réconfort à ceux qui pourraient en avoir besoin.
Dans le hall du Marlene Meyerson JCC Manhattan, ce rassemblement improvisé en soutien aux Israéliens et Juifs de New York ou d’ailleurs a coïncidé avec les célébrations de Shabbat et de Shemini Atzeret, samedi, et s’est substitué aux manifestations pro-démocratie contre le gouvernement israélien, qui ont été annulées.
Dans la salle, les réactions des participants – qui ont demandé à rester anonymes – évoquent toutes le même sentiment. Plusieurs se disent « choqués », un homme parle de quelque chose de « terrible ». « Je me sens morte », a confié une autre femme. « On dirait un film », a déclaré un autre. Tous sont venus là pour des raisons diverses : être entouré en cette période anxiogène, en savoir plus sur ce qui se passe ou encore se renseigner sur ce qu’ils peuvent faire pour apporter leur aide et témoigner de leur soutien à Israël.
Samedi matin en Israël, alors que de nombreux civils se préparaient pour une journée de Shabbat et de fêtes, les terroristes du Hamas ont lancé une attaque surprise depuis Gaza, tirant des milliers de roquettes sur Israël, prenant le contrôle de kibboutzim et enlevant des Israéliens. Les informations officielles font état de plus de 700 morts côté israélien et de plus de 2 000 blessés, mais le bilan devrait s’alourdir. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réagi aux attaques en annonçant : « Nous sommes en guerre. »
Il n’est pas rare que le JCC se transforme en « lieu de rencontre quand quelque chose se passe », a déclaré au New York Jewish Week la rabbin Joanna Samuels, directrice de l’organisation. « C’est un immense privilège et une grande responsabilité pour cet espace d’ouvrir les portes de la communauté lorsque quelque chose se produit et que nous devons nous rassembler. »
La réunion ne comportait pas d’ordre du jour officiel. L’idée était d’offrir un espace pour que les membres de la communauté puissent simplement être ensemble en ces temps difficiles, lourds d’incertitudes. Des messages annonçant la réunion ont circulé sur WhatsApp, en plus des textos, tout au long de la matinée. Au fur et à mesure que l’après-midi avançait, la foule a grossi, vêtue de vêtements de pluie, accompagnée d’enfants.
Autour d’un café et de beignets, les participants parlaient tranquillement ; certains pleuraient et se prenaient dans les bras, d’autres communiquaient avec leurs amis et proches via WhatsApp, d’autres, plus nombreux encore, suivaient sur leur téléphone les informations israéliennes et américaines.
« Nous voulions offrir un espace capable de nous accueillir, pour que nous puissions nous soutenir les uns les autres, nous donner de la force, ne pas rester seuls à la maison devant la télévision », a expliqué au public Sivan Aloni, directeur régional du Conseil israélo-américain à New York. « Vraiment, merci à tous d’être venus. Parce que vous ne faites pas que vous aider, vous aidez tout le monde en étant là avec les autres. »
Pour Aryeh Aloni, 86 ans, qui a combattu lors de la campagne du Sinaï en 1956, la guerre est le pire scénario pour ceux qui, comme lui, ont manifesté contre l’actuel gouvernement d’Israël ces derniers mois et ont vécu les 75 dernières années de l’histoire israélienne et palestinienne. « Mes parents doivent se retourner dans leur tombe », dit-il. « Je me sens très mal. »
« C’est extrêmement choquant. D’une grande cruauté. Que va-t-il se passer maintenant ? Qui va payer le prix de tout ça si ce n’est les milliers et milliers de Palestiniens et Israéliens innocents », a-t-il ajouté. Bien qu’il vive aux États-Unis depuis le début des années 1960, Aloni a 21 cousins germains en Israël et beaucoup de leurs descendants ont été appelés par l’armée de réserve.
Le rabbin Amichai Lau-Lavie, Israélo-Américain qui a fondé et dirige la communauté Lab/Shul, rappelle que l’attaque a été perpétrée le jour de Simhat Torah en Israël (qui a commencé dans la diaspora samedi soir).
« J’ai 54 ans », dit-il. « Le 6 octobre 1973, en plein Yom Kippour, la guerre a éclaté. J’étais trop jeune pour m’en rendre compte. Mon père et beaucoup d’autres hommes comme lui sont allés directement de la synagogue à l’armée. Mes souvenirs remontent au lendemain, dans notre jardin, avec la souccah à moitié construite et la sirène qui a retenti. Ma mère m’a tiré par le bras pour m’emmener avec elle dans le refuge d’à côté. »
« Je n’arrive pas à croire que, 50 ans plus tard, je dois expliquer à mes enfants ce qui se passe et que Simhat Torah, le jour où nous célébrons notre histoire sacrée et notre résilience, est aujourd’hui, tout comme Yom Kippour, à jamais marqué par cette suite ininterrompue de traumatismes. »
Lau-Lavie a invité les personnes présentes dans la salle à partager leurs émotions, à ne pas « garder les choses en eux » pas plus qu’à « s’asseoir devant leur téléphone en faisant défiler ces images dignes d’une fin du monde ».
« Ce sont des rassemblements comme celui-ci, et les suivants, qui vont nous aider », a-t-il dit. « S’il vous plaît, aidez-vous les uns les autres. Nous ne sommes pas seuls. »
Tsach Saar, consul général adjoint d’Israël à New York – actuellement consul général par intérim –, était également présent à la réunion. « C’est une journée très difficile pour nous tous. Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire, si ce n’est que nous sommes tous là pour être ensemble. Je suis très heureux de voir la communauté israélienne et la communauté juive ensemble, ici, pour se soutenir », a déclaré Saar. Il a beaucoup écouté et apporté autant de réponses qu’il le pouvait pour l’heure.
Certaines personnes ont posé des questions sur les vols à destination et en provenance d’Israël qui ont été annulés. D’autres voulaient savoir ce qu’ils pouvaient faire pour aider. « Où était Tsahal ? », a demandé Aloni, l’ancien combattant de l’armée israélienne, se demandant – comme beaucoup d’observateurs – pourquoi l’armée n’avait pas anticipé l’assaut du Hamas. Saar a répondu que la situation faisait toujours l’objet d’une enquête.
Un code QR a été communiqué aux participants désireux de prendre une part active aux opérations de soutien, que ce soit l’accueil d’Israéliens en voyage dont les vols retour ont été retardés ou annulés en raison de la guerre.
Dans toute la ville, les communautés se sont mobilisées. À Anshe Chesed, congrégation conservatrice de l’Upper West Side, un courriel a été envoyé aux membres de la communauté indiquant que la célébration de Simhat Torah prévue samedi soir serait annulée.
« La ville de New York a la plus grande population juive au monde en dehors d’Israël, et nous sommes aux côtes d’Israël tous les jours. Aujourd’hui, nous le sommes avec encore plus de détermination suite aux attaques terroristes non provoquées perpétrées par le Hamas contre le pays et sa population », a déclaré le maire Eric Adams par voie de communiqué de presse samedi matin. « L’attaque d’aujourd’hui, qui survient à la fin de ce qui est censé être une période de célébration à la fin des grands jours de fête juifs, n’est rien de plus qu’une action lâche menée par une organisation terroriste qui cherche à défaire les chances de paix et à nous diviser. Elle n’y arrivera pas. »
Le communiqué ajoute qu’il n’existe pour l’heure « aucune menace crédible » sur la ville et que l’administration Adams est en contact avec les dirigeants juifs new yorkais. La police de la ville a déployé des renforts pour protéger les organisations communautaires juives et les synagogues de la ville.
Eric Goldstein, directeur de l’UJA-Federation of New York, se trouvait en Israël lorsque les hostilités ont éclaté.
« Nous travaillons avec nos partenaires pour apporter une aide d’urgence. New York – la plus grande communauté juive en dehors d’Israël – est à jamais solidaire d’Israël dans cette guerre », a-t-il déclaré par voie de communiqué. « Dans le monde entier, la communauté juive est solidaire de la population israélienne dont elle partage le chagrin et la colère face à cette attaque cruelle et lâche contre les Israéliens. »
Le rassemblement au JCC s’est terminé par l’hymne national israélien – « L’Hatikvah », qui signifie « L’espoir » – repris par la centaine de personnes, toutes debout. « Nous n’avons pas perdu espoir, il a 2 000 ans d’histoire », ont-ils chanté en hébreu. « Celui d’être un peuple libre sur notre terre, la terre de Sion et Jérusalem. »