En visite à Nazareth, Lapid demande aux Arabes israéliens d’aller voter
Le Premier ministre s'est aussi réjoui de la baisse enregistrée dans les crimes violents cette année après un nombre-record d'homicides, l'année dernière, dans la communauté arabe

Le Premier ministre Yair Lapid s’est rendu mardi à Nazareth, dans le nord du pays, où il a rencontré le maire Ali Salem et d’autres responsables municipaux arabes. Il a appelé les Arabes israéliens à aller voter lors des élections de la semaine prochaine.
Dans son discours, Lapid s’est réjoui de la baisse enregistrée dans les crimes violents cette année après un record d’homicides, l’année dernière, dans la communauté arabe israélienne.
« La responsabilité assumée par la société arabe dans sa propre destinée s’exprime finalement par le biais de son appartenance à cette démocratie », a-t-il déclaré.
Il a affirmé que si les Arabes israéliens devaient délaisser les bureaux de vote, « ils devront comprendre que ce qui leur a été accordé l’année dernière leur sera repris ».
« Vous votez pour vos vies, vous votez pour le partenariat », a-t-il ajouté.
« L’enjeu central ici est de savoir comment convaincre les Arabes israéliens de se rendre aux bureaux de vote (…) C’est un vrai dilemme », admet Fayez Abou Souhaiban, maire de Rahat, localité bédouine plantée dans le désert du Néguev (sud), loin des arcanes du pouvoir israélien.
Sur le marché central, plusieurs électeurs interrogés par l’AFP n’arrivent pas à nommer un candidat ou parti en lice pour les cinquièmes législatives en trois ans et demi, un scrutin qui ne passionne pas les foules.

L’an dernier, le chef de la petite formation arabe Raam, qui concentre ses appuis parmi les bédouins du Néguev, avait confondu sondeurs et analystes en obtenant 3,8 % des voix, juste au-dessus du seuil de 3,25 % pour faire élire des députés à la Knesset (Parlement). Avec ses quatre députés, Raam avait ouvert un nouveau chapitre de l’histoire d’Israël en devenant le premier parti arabe à soutenir un gouvernement, la coalition aujourd’hui menée par le centriste Lapid.
Malgré des engagements à long terme du gouvernement en faveur du développement des localités arabes, Rami Abou Sharem, enseignant et propriétaire d’un café dans le village de Hura, dit n’avoir constaté « aucun investissement » sur place. « Nous étions habitués à aller voter, mais cette fois nous allons nous abstenir », dit-il à propos de sa famille. « Que vous votiez ou pas, cela revient au même : il n’y a pas de changement », souffle l’homme de 29 ans, derrière sa machine à expresso.
Aux dernières élections de mars 2021, les partis arabes ont remporté 10 des 120 sièges (8%) du Parlement bien que cette minorité, composée des descendants de Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël en 1948, représente près de 20 % de la population du pays.
En cause ? Un sentiment de désaffection et un taux de participation en règle générale très en deçà de la moyenne nationale, soulignent les analystes.
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« Le taux peut atteindre 45 % contre en moyenne 67 % en Israël », souligne Tamar Hermann, analyste à l’Institut démocratique d’Israël, un centre d’analyse à Jérusalem. « Si les Arabes ne votent pas, alors les chances de la droite de rallier une majorité de 61 députés pour former le gouvernement sont plus élevées », ajoute-t-elle.
En 2019, l’ensemble des partis arabes israéliens s’étaient ligués sous une même bannière, la « Liste unie », leur permettant de galvaniser le vote et de s’imposer comme la troisième force politique d’Israël, une première. Mais cette fois, les partis arabes, divisés, se présentent sous trois listes.
Selon les derniers sondages, le parti Raam de Mansour Abbas devrait atteindre le seuil d’éligibilité, mais cela est moins sûr pour les deux autres listes, Hadash/Taal des députés Ayman Odeh et Ahmed Tibi, et celle du parti nationaliste arabe Balad de Sami Abou Shehadeh qui refuse de rejoindre une coalition gouvernementale.
Dans un café de Haïfa, ville du nord d’Israël comptant une importante communauté arabe, Mtanes Shehadeh, un membre et ex-élu de Balad, demeure confiant sur la capacité du parti à convaincre les électeurs d’aller voter, grâce aux équipes sur le terrain.
« Elles travaillent avec les gens, font des visites à domicile, mènent des discussions dans des groupes privés, organisent des meetings et distribuent des tracts dans les rues », dit-il à l’ombre d’un olivier. « Nous pensons que ce sera suffisant » pour atteindre le seuil.
Mais Aida Touma-Suleiman, une députée Hadash qui a rendu hommage aux Palestiniens armés du groupe de la Fosse aux Lions tués lors d’un raid à Naplouse, craint « que des milliers et peut-être des dizaines de milliers de votes (…) soient gaspillés » si Balad ne parvient pas à atteindre le seuil électoral.
« Cette élection n’est pas faite de meetings et de grands panneaux électoraux (…) Il faut plutôt développer un dialogue calme et sincère avec les électeurs afin de les convaincre de voter », pense-t-elle.
Parmi les arguments qui commencent à faire mouche chez les électeurs arabes, la probabilité d’un retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu allié à l’extrémiste de droite Itamar Ben Gvir qui multiplie les déclarations hostiles aux leaders arabes israéliens.
Faisant ses courses dans le centre de Haïfa, Rosa Balloutine, 70 ans, qualifie tous les politiciens de « menteurs » mais ira néanmoins voter : « Au bout du compte je dois aller voter car sinon cela favorisera Netanyahu ».