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Analyse

Enfin en route pour Washington, Netanyahu traverse de fortes turbulences politiques

Alors que Biden renonce à la réélection et que Trump est au plus haut après avoir été victime d'une tentative d'assassinat, le Premier ministre devra se livrer à un numéro d'équilibriste dans un contexte de menaces de l'axe iranien qui se renforcent

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Un manifestant anti-Israël (en haut à gauche) accrochant un drapeau au sommet du Brooklyn Museum alors qu'il occupe le bâtiment pour protester contre la guerre d'Israël contre le Hamas à Gaza, à New York, le 31 mai 2024. (Crédit : Andres Kudacki/AP)
Un manifestant anti-Israël (en haut à gauche) accrochant un drapeau au sommet du Brooklyn Museum alors qu'il occupe le bâtiment pour protester contre la guerre d'Israël contre le Hamas à Gaza, à New York, le 31 mai 2024. (Crédit : Andres Kudacki/AP)

Il y a quelques semaines et pendant un bref moment, il avait semblé que le Premier ministre Benjamin Netanyahu était finalement parvenu à franchir tous les obstacles majeurs qui se dressaient jusque-là devant un possible déplacement – très espéré – à Washington.

Une invitation à prononcer un discours durant une session conjointe du Congrès, qui avait été initialement proposée par Mike Johnson, le président Républicain de la Chambre, était retardée depuis des semaines et le leader de la majorité au sénat, le Démocrate Chuck Schumer, avait enfin cédé. Les responsables des deux camps avaient envoyé à Netanyahu la précieuse invitation, une démonstration cruciale de soutien dans le contexte de la guerre opposant Israël au Hamas à Gaza.

Netanyahu avait aussi réussi à obtenir un accord de principe s’agissant d’un entretien à la Maison Blanche avec le maître des lieux, une rencontre que le président Joe Biden n’avait guère été désireux d’organiser depuis le retour du Premier ministre au pouvoir, un retour où il était accompagné de sa coalition de la ligne dure, à la fin de l’année 2022.

Et pourtant, d’autres défis à relever ont depuis fait leur apparition – certains mineurs, d’autres moins.

Le Bureau du Premier ministre a ainsi découvert que le nouvel avion « Aile de Sion », qui devait faire son vol inaugural lors du départ de Netanyahu à Washington, ne pouvait accueillir que 60 passagers. « L’Air Force One » israélien devait effectuer un tout premier vol vers Washington avant ce voyage en direction des États-Unis, avec à son bord des personnels et des équipements, de manière à s’assurer que Netanyahu, ses conseillers, ses gardes du corps, les journalistes et les otages libérés pourraient tous embarquer (une petite fissure a également été découverte sur le pare-brise de l’appareil quand il était sur le tarmac de Washington, même si elle a été facilement réparée).

Puis un virus qui était plus ou moins tombé dans l’oubli a fait son retour en Une des médias. Biden a contracté la COVID-19 et si ses symptômes ne seraient que légers, le déplacement de Netanyahu et la rencontre à la Maison Blanche ont été décalés de vingt-quatre heures.

L’avion « Aile de Sion » sur le tarmac de l’aéroport Ben Gurion, le 20 octobre 2020. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Et pourtant, tous ces défis matériels et logistiques restent marginaux par rapport aux turbulences politiques que devra traverser Netanyahu, enfin en partance pour DC en cette journée de lundi.

Chaos et opportunité

Cela faisait des semaines que l’incertitude régnait : Biden serait-il le candidat du parti Démocrate quand les États-Unis seraient appelés à se rendre aux urnes, pour l’élection à la Maison Blanche ?… Le président sortant avait déjà parcouru les états américains les plus importants avant le débat qui l’opposait à Trump, le 27 juin, et les pressions se renforçaient graduellement, au sein du parti, pour le convaincre de se retirer de la course, compte-tenu des inquiétudes liées à son âge avancé.

Avec plus de 30 Démocrates, au Congrès, qui l’avaient appelé à se retirer du scrutin et avec de grands noms du parti — Schumer, Nancy Pelosi, Hakeem Jeffries et Barack Obama — qui avaient, semble-t-il, tenté de le pousser vers la sortie, Biden aura finalement cédé. Isolé dans son habitation, sur la côte, à plus de 150 kilomètres de Washington dans la journée de dimanche, le président s’est incliné et il a apporté son soutien à sa vice-présidente, Kamala Harris.

Cette élection américaine – qui, un fait sans précédent, devait opposer les deux mêmes candidats que lors du précédent vote présidentiel – s’était déjà aventurée en terrain inconnu lorsque Donald Trump, l’adversaire républicain, avait survécu à une tentative d’assassinat survenue lors d’un rassemblement de campagne qui avait lieu en Pennsylvanie.

Le candidat républicain à la présidence, l’ancien Président Donald Trump, est entouré d’agents des services secrets américains après une tentative d’assassinat, lors d’un rassemblement de campagne, à Butler, en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024. (Crédit : Evan Vucci/AP)

D’une certains façon, le chaos politique qui règne à Washington pourrait s’avérer être, au final, une bénédiction pour Netanyahu.

Pour commencer, cela pourrait rendre moins probable un boycott, de la part des députés Démocrates, du discours qu’il prononcera mercredi devant le Congrès. Alors que le parti est en effervescence après le retrait largement attendu de Biden – qui a toutefois fait l’effet d’un choc – et qu’il est extrêmement inquiet à l’idée de ne pas perdre non seulement la Maison Blanche mais aussi le sénat, les leaders Démocrates voudront éviter de donner aux Républicains une nouvelle raison de les attaquer alors qu’ils se sentent déjà en situation de vulnérabilité. De plus, les Démocrates n’ont rien à gagner d’une querelle interne, au sein de la formation, au moment où ils tentent de s’unir derrière Harris et de décourager d’éventuels rivaux qui seraient désireux de se présenter pour la mettre en difficulté. Ils disposent de moyens plus ou moins contraignants pour garantir qu’un maximum de membres du parti assisteront bien au discours et il est probable qu’ils n’hésiteront pas à les utiliser.

Dans son apparition publique avec Netanyahu – à l’heure de l’écriture de cet article, elle était encore au programme – il est aussi probable que Biden se focalisera moins sur les points de désaccord. Ce dernier a dorénavant six mois pour inscrire son héritage et il veut, bien sûr, être le président qui aura permis la conclusion d’un accord qui aura garanti la remise en liberté des otages détenus par le Hamas. Il veut également pouvoir affirmer avec certitude qu’il a contribué de manière significative à la sécurité à long-terme d’Israël.

Kamala Harris, à gauche, alors sénatrice, accueillie par le Premier ministre israélien Netanyahu dans son bureau de Jérusalem, en novembre 2017. (Amos Ben Gershom / GPO)

La rencontre prévue entre Netanyahu et Harris, pour sa part, va retenir toute l’attention. Elle donnera la chance à la vice-présidente actuelle de montrer l’orientation qu’elle souhaite donner aux relations avec Israël. Elle lui offrira aussi l’opportunité d’améliorer son image présidentielle dans l’esprit du public, par le biais d’un entretien avec l’un des leaders du monde les plus connus. « C’est une très bonne opportunité pour elle », a commenté Michael Oren, l’ancien ambassadeur israélien à Washington.

Pendant toute la guerre à Gaza – une guerre qui avait été déclenchée par le pogrom commis, le 7 octobre, par les terroristes du Hamas dans le sud d’Israël – Harris avait été chargée de présenter des points de vue plus proches de ceux des progressistes sur la question israélienne. Il y a néanmoins de nombreuses choses, dans son passé, qui semblent indiquer que Harris – qui avait eu une rencontre positive avec Netanyahu en Israël alors qu’elle était sénatrice en 2017, selon les personnes qui y avaient assisté – n’est pas une critique viscérale d’Israël.

Si elle devient la candidate du parti Démocrate, Harris pourrait choisir un partenaire de course chez les gouverneurs Démocrates américains – et elle choisira peut-être Josh Shapiro, élu de Pennsylvanie, qui avait fait ses études dans une école juive.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu prend la parole lors d’une réunion conjointe du Congrès des États-Unis à la Chambre des représentants au Capitole, à Washington, le 3 mars 2015. (Crédit : Alex Wong/Getty Images/AFP)

L’intervention du Premier ministre, bien entendu, sera observée avec beaucoup d’attention.

Si Netanyahu veut que les gros titres se focalisent sur le fond de son allocution à un moment excessivement difficile pour Israël, il devra s’assurer qu’aucune critique de l’administration Biden ne pourra être perçue par les journalistes. « Il doit dire merci à Biden et éviter les critiques », a conseillé Oren. « Il doit présenter la réalité d’Israël au monde ».

Ce qui est déjà le message qui est transmis par Israël. Maintenant qu’il est avéré que Biden est en train de passer ses derniers mois à ses fonctions, il est facile de se concentrer sur des années de soutien et sur ses revendications fières de « sionisme » à un moment où une partie des Démocrates utilisent ce mot comme une injure.

En plus de remercier Biden, Netanyahu a une chance de présenter avec force les éléments déterminants qu’il souligne dans ses déclarations officielles depuis le début de la guerre – et en particulier que la lutte menée par l’État juif contre le Hamas est finalement la ligne de front de la guerre en cours qui oppose l’Occident libéral et l’axe irano-russe. Il pourra répéter que c’est l’Iran qui est derrière les violences qui ont été commises depuis Bucha jusqu’à Beeri et que l’Occident doit mettre en place une menace militaire crédible contre le programme nucléaire iranien qui ne cesse de s’accélérer.

Le sénateur américain de l’Ohio JD Vance, qui est le colistier du candidat républicain à la présidence Donald Trump, n’assistera pas au discours du Premier ministre Benjamin Netanyahu devant une session conjointe du Congrès jeudi, a déclaré un conseiller de campagne de Trump à la chaîne publique Kan.

Jason Miller a rappelé le soutien de Vance à Israël tout en expliquant qu’il n’assistera pas au discours en raison d’engagements liés à la campagne. Une source républicaine anonyme insiste également sur le fait que son absence ne représente rien de significatif.

« Il ne s’agit pas d’un signal ou d’un message. JD est un véritable ami d’Israël », affirme la source.

Pendant tout son déplacement, le Premier ministre israélien pourra s’attendre à des manifestations. Les Juifs et les Israéliens qui s’opposent à Netanyahu ont mis en place des actions, comme c’est le cas également des critiques de sa prise en charge des négociations portant sur les otages.

Sa visite sera aussi l’occasion, pour les groupes pro-israéliens, de se rassembler une nouvelle fois avant de se rendre, le 19 août, à la Convention nationale démocrate.

Un manifestant anti-Israël (en haut à gauche) accrochant un drapeau au sommet du Brooklyn Museum alors qu’il occupe le bâtiment pour protester contre la guerre d’Israël contre le Hamas à Gaza, à New York, le 31 mai 2024. (Crédit : Andres Kudacki/AP)

Rien de tout cela ne devrait trop inquiéter Netanyahu. Le voir se dresser face aux manifestants plaira à sa base électorale, en Israël et le voir défendre l’État juif dans un contexte de rassemblements et de mouvements de protestation anti-israéliens sera quelque chose qui le montrera sous une lumière positive pour les Israéliens en général.

Le facteur Trump

Il y a aussi Trump. Netanyahu et le 45e président des États-Unis entretenaient une relation étroite et productive quand Trump était à la Maison Blanche – des liens qui avaient éclaté en mille morceaux après la défaite du Républicain en 2020, en partie parce que Netanyahu avait eu l’outrecuidance de féliciter Biden pour sa victoire dans les urnes.

Avec un Trump qui se livre actuellement à des attaques tous azimuts, Netanyahu devra s’assurer qu’il n’offusquera pas l’ancien président – qui pourrait aussi être le prochain – en se montrant trop chaleureux dans ses éloges de Biden et de Harris.

D’un autre côté, la Premier ministre doit aussi faire attention à ne pas donner l’impression aux Démocrates qu’il apporte son soutien à Trump. Tous les deux devraient s’entretenir à un moment donné dans le cadre de ce déplacement, et Netanyahu doit donner à Trump suffisamment pour que leurs relations entrent dans une nouvelle phase, sans pour autant éloigner Harris et les membres du Congrès Démocrates.

Enfin, il y a le fond de ce voyage. Les réunions avec Biden, avec Harris et avec d’autres personnalités de premier plan de l’administration sont la meilleure chance, pour toutes les parties, de définir le moyen qui permettra de convaincre le Hamas de conclure un accord sur les otages, d’obtenir du Hezbollah qu’il cesse ses attaques dans le nord et d’élaborer un plan à long-terme visant à affaiblir la république islamique et ses proxies.

Toutes ces questions sont complexes et urgentes. La politique, dans les pays démocratiques, est compliquée et ce voyage aura son lot de drames politiques. Mais l’Amérique et Israël ne pourront que mieux se porter si Netanyahu et Biden savent mettre de côté leurs inquiétudes étroites pour se focaliser sur les défis extérieurs que les deux pays, profondément alliés, doivent relever.

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