Etat palestinien : moult conditions à réunir pour que la reconnaissance française soit « utile »
Emmanuel Macron a déploré les "raccourcis" et "fausses informations" sur la possible reconnaissance d'un État palestinien par la France

Une reconnaissance d’un Etat palestinien par la France ne contribuera à mettre la solution à deux Etats avec Israël sur les rails que si elle réunit une myriade de conditions qui semblent pour le moment inatteignables.
Emmanuel Macron a répété vendredi dans un message posté sur X en français, anglais, arabe et en hébreu que la seule solution au conflit israélo-palestinien était « politique ».
Les obstacles sont de taille.
Le projet du président français
« Je défends le droit légitime des Palestiniens à un État et à la paix, comme celui des Israéliens à vivre en paix et sécurité, l’un et l’autre reconnus par leurs voisins », a résumé le président français.
L’an passé, il avait déclaré que la reconnaissance d’un Etat palestinien n’était pas un tabou à condition que ce geste symbolique soit « utile ».
Mercredi, il a dévoilé le projet d’une reconnaissance d’un Etat palestinien par Paris dans une « dynamique collective », impliquant la reconnaissance de l’Etat d’Israël par les pays avoisinants.
La conférence pour les deux États, en juin à New York, sous l’égide de la France et l’Arabie saoudite, doit être « un tournant », a-t-il dit.
Macron a déploré vendredi les « raccourcis » et « fausses informations » sur la possible reconnaissance d’un État palestinien par la France et appelé à « ne relâcher aucun effort » pour arriver à la paix dans la région. « Je lis ici tout et n’importe quoi sur nos intentions pour Gaza », s’est emporté le président sur le réseau X. « Ne cédons à aucun raccourci, à aucune provocation. Ne laissons pas prospérer les fausses informations et manipulations. Par-dessus tout, restons unis », a-t-il martelé.
Des frontières à définir
« Les attributs juridico-politiques de l’État palestinien en question n’existent pas aujourd’hui. C’est une pure fiction diplomatique », souligne néanmoins David Khalfa, de la Fondation Jean-Jaurès à Paris.
« Pour qu’un Etat palestinien soit viable, il faut une continuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie », note Karim Bitar, enseignant à Sciences Po Paris. Or, « on ne voit pas aujourd’hui le gouvernement israélien accepter d’entamer un processus de décolonisation, mettre un terme à l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et demander aux 700 ou 800 000 colons israéliens de quitter ces territoires occupés », dit-il.
Démilitarisation du Hamas et exfiltration
Une autre question épineuse est celle du désarmement du Hamas qui a fomenté les attentats sanglants du 7 octobre 2023 en Israël et conduit aux représailles meurtrières de l’armée israélienne à Gaza.
Israël a fait de son éradication un objectif de guerre.
« Aujourd’hui, le Hamas dit être prêt à discuter du sujet, mais je doute fort qu’il aille au bout de cette logique dans la mesure où la garantie de la survie du mouvement islamiste palestinien, c’est sa force militaire, notamment sa force combattante et son arsenal », explique David Khalfa.
Quoiqu’affaibli, le groupe « a réussi à recruter des milliers de jeunes miliciens » et dispose encore d’un arsenal pour « mener des actions de guérilla contre les soldats israéliens et réprimer dans le sang les leaders de la contestation anti-Hamas à Gaza« , observe-t-il.
S’agissant de l’exfiltration de certains cadres du Hamas, c’est une question complexe à explorer avec ceux qui parlent au Hamas, reconnaît-on à Paris. Comment les exfiltrer, vers quelle destination outre le Qatar et la Turquie? Des interrogations sans réponse actuellement.
Revitaliser l’Autorité palestinienne
« Les Israéliens ont besoin d’être convaincus (…) que le Hamas va être désarmé, qu’il est exclu de la gouvernance de Gaza et que l’Autorité palestinienne va se réformer sérieusement », a expliqué à l’AFP une source diplomatique française.
Cela passe par le renforcement de la légitimité de l’Autorité palestinienne au moment où la popularité du Hamas augmente au sein de la population.
« En dehors d’un changement de personnel politique en son sein, il est illusoire de s’attendre à une Autorité palestinienne revitalisée », note Hasni Abidi, enseignant au Global Studies Institute de l’Université de Genève.
Ses dirigeants, dont le président Mahmoud Abbas, « ne sont pas pressés de passer la main », ce qui permet à Israël d’entretenir l’idée qu’ils n’ont pas d’interlocuteur crédible, poursuit-il.
Il note que « cette difficulté a convaincu certains Etats arabes de miser sur une tendance politique du Hamas plus modérée et critique à l’égard de l’aile militaire pour assurer la gouvernance dans la bande de Gaza pour une période de transition ».
Normalisation avec Israël
« La normalisation, c’est un processus, ce n’est pas juste un acte », souligne la source diplomatique, évoquant « un certain nombre d’étapes (…) qui peuvent sans doute être franchies sans aller jusqu’à la normalisation pleine et entière » d’Israël par ses pays voisins.
« Au-delà de la seule Arabie saoudite, un certain nombre de pays arabes et pays musulmans non-arabes peuvent participer à ce processus », dit-elle.
Mais la France est « lucide », assure cette source. « Cette conférence ne va pas du jour au lendemain relancer le dialogue israélo-palestinien. C’est une dynamique ».