Européens et Américains avertissent l’Iran contre les limites aux inspections
Depuis le retrait des États-Unis de l'accord, Téhéran s'est affranchi progressivement de limites qu'il avait accepté d'imposer à son programme nucléaire

Les chefs de la diplomatie française, britannique, allemande et américaine ont mis en garde l’Iran jeudi contre une décision « dangereuse » de limiter les inspections internationales, comme le prévoit Téhéran, alors que s’ouvre une fenêtre d’opportunité pour faire revivre l’accord nucléaire de 2015.
Les quatre puissances occidentales affirment dans un communiqué conjoint leur objectif de « voir l’Iran revenir au plein respect de ses engagements » prévus par l’accord de 2015 censé encadrer le programme nucléaire iranien, dans le souci commun de « préserver le régime de non-prolifération nucléaire et garantir que l’Iran ne puisse jamais acquérir une arme nucléaire ».
Cette déclaration a été publiée à l’issue d’une réunion virtuelle entre le Français Jean-Yves Le Drian, l’Allemand Heiko Maas, le Britannique Dominic Raab et le secrétaire d’État américain Antony Blinken.
Elle intervient alors que le gouvernement iranien prévoit de restreindre à partir de dimanche l’accès des inspecteurs de AIEA à des installations non nucléaires, y compris des sites militaires suspectés d’avoir une activité nucléaire, sous certaines conditions, si les États-Unis ne lèvent pas leurs sanctions imposées depuis 2018.
La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis appellent Téhéran à évaluer « les conséquences d’une mesure aussi grave, en particulier dans ce moment d’opportunité pour un retour à la diplomatie ».

Washington « prêt à discuter »
« Le secrétaire d’État (américain) Blinken a rappelé que, comme l’avait déclaré le président Biden, si l’Iran revenait au strict respect de ses engagements (…), les États-Unis feraient de même et qu’ils étaient prêts à entamer des discussions avec l’Iran afin d’y parvenir », souligne le communiqué.
Certes, « l’accord (de 2015) est moins que jamais mis en œuvre, mais pour la première fois depuis plus de deux ans, on a un consensus politique de toutes les parties initiales sur l’objectif politique commun », et « les Américains disent : ça doit commencer par une discussion », décrypte-t-on de source diplomatique française.
Depuis le retrait des États-Unis de l’accord de 2015, sous l’impulsion de l’ancien président américain Donald Trump, et le retour de sanctions qui étouffent l’économie iranienne, Téhéran s’est affranchi progressivement de nombre de limites qu’il avait accepté d’imposer à son programme nucléaire.
L’arrivée le 20 janvier de Joe Biden à la Maison Blanche a laissé espérer une reprise du dialogue, après la politique de « pression maximale » exercée par son prédécesseur.
Mais la nouvelle administration américaine exige que Téhéran revienne en premier lieu aux termes de l’accord censé empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique.
Les quatre pays expriment également jeudi leur « préoccupation commune » face à la récente décision iranienne de produire de l’uranium enrichi à 20 % et de l’uranium métallique, qui constitue une « étape-clé dans le développement d’une arme nucléaire ».
De son côté, la République islamique réclame d’abord la levée des sanctions et rejette les appels à élargir les termes de l’accord.

« Nos mesures sont une réponse aux violations américaines et européennes », a réagi jeudi soir le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, en réclamant « la fin du terrorisme économique hérité de Trump ». « Nous répondrons aux actes par des actes », conclut-il.
Le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, est attendu samedi en Iran pour « trouver une solution mutuellement acceptable », selon l’organisation basée à Vienne, qui s’inquiète du « sérieux impact » des limitations futures de ses inspections.
« Le programme nucléaire iranien s’amplifie de jour en jour, on se rapproche du moment à partir duquel le pays pourra enrichir suffisamment d’uranium pour fabriquer une bombe atomique », juge Ali Vaez, expert de l’International Crisis Group (ICG).
« Ce qu’il faut désormais, ce sont des gestes américains concrets qui montrent véritablement à l’Iran que les États-Unis prennent leurs distances avec la politique de pression maximale du mandat Trump », juge Ellie Geranmayeh, du Conseil européen des relations internationales (CEFR).
Par ailleurs, suggère-t-elle, « États-Unis et Europe devraient travailler ensemble pour fournir un peu de répit économique à l’Iran sur le court terme » en vue de reprendre le chemin du respect des termes de l’accord de 2015, alors que le pays souffre aussi des conséquences économiques de la pandémie de COVID-19.