Face aux protestations anti-réforme, Netanyahu annule son discours devant les JFNA
Les organisateurs de la manifestation craignent que l'annonce ne soit une ruse et promettent de se rassembler malgré tout lors de la conférence des dirigeants juifs américains

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annulé dimanche sa participation prévue dans la soirée à une convention organisée par les Jewish Federations of North America (JFNA), alors que des manifestants contre la réforme du système judiciaire de son gouvernement prévoyaient de perturber son arrivée et son discours lors de l’événement.
Le Bureau du Premier ministre a déclaré au site d’information Ynet que des « considérations de calendrier et des préparatifs pour les cérémonies de Yom HaZikaron et de Yom HaAtsmaout » étaient à l’origine de l’annulation, et non les manifestations annoncées.
Les organisateurs de la manifestation ont déclaré dans un communiqué qu’ils soupçonnaient que l’annonce de l’annulation ne soit une ruse et qu’ils ne changeraient pas leurs plans de manifestation.
L’assemblée générale du groupe de coordination des JFNA, intitulée « Israël à 75 ans » et se déroulant de dimanche à mercredi à Tel Aviv, devrait comprendre des sessions éducatives, une cérémonie marquant la Journée du souvenir – Yom HaZikaron – et un barbecue pour la fête de l’Indépendance – Yom HaAtsmaout.
Les Juifs de la Diaspora ont émis des critiques de plus en plus vives à l’encontre du gouvernement au sujet de ce projet de réforme. Dans un geste très inhabituel, les JFNA, l’une des institutions juives les plus importantes et les plus éminentes d’Amérique du Nord, ont critiqué en février le projet du gouvernement de légiférer sur la clause dite « dérogatoire » qui permettrait à la Knesset d’annuler toute décision que la Cour aurait invalidée avec une majorité simple de 61 députés.
Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés samedi soir, pour la 16e semaine consécutive, contre les propositions litigieuses visant à entraver le pouvoir judiciaire. Les tensions sociales sont montées au cours de la semaine écoulée, les familles endeuillées ayant exhorté les responsables politiques à ne pas se rendre dans les cimetières à l’occasion de Yom HaZikaron, qui commencera lundi à la tombée de la nuit et se terminera mardi soir avec le début de Yom HaAtsmaout.

« Nous avons été épargnés d’une situation embarrassante et déchirante », a déclaré Anna Kislanski, directrice-générale du Mouvement israélien pour le judaïsme réformé et progressiste, au Times of Israel depuis l’assemblée générale. « Netanyahu est responsable de la profonde rupture actuelle dans les relations entre Israël et la Diaspora. Il n’aurait pas dû être invité à s’exprimer en premier lieu. »
Dror Morag, un responsable de l’Union mondiale du Meretz (gauche), a déclaré dans un communiqué que le Premier ministre « a bien fait de ne pas venir aujourd’hui ».
« Netanyahu comprend que son gouvernement a changé les règles du jeu, et s’il n’a pas l’intention de prendre des mesures concrètes pour rétablir les relations [avec la Diaspora], il n’a aucune raison de venir nous rencontrer. Ni aujourd’hui, ni à l’avenir », a-t-il déclaré.
Des manifestants ont malmené Netanyahu lors de ses nombreuses apparitions publiques ces derniers temps. Dimanche matin, un groupe de manifestants attendait le Premier ministre à son arrivée au tribunal de district de Tel Aviv pour témoigner dans le cadre d’une plainte contre le journaliste Ben Caspit. Jeudi, des centaines de personnes se sont rassemblées contre lui lorsqu’il s’est rendu au siège de son parti, le Likud, et des centaines de personnes l’attendaient également lorsqu’il s’est rendu à Rehovot mercredi.
Vendredi, dans une rare démonstration d’unité au cours des derniers mois, Netanyahu, le ministre de la Défense Yoav Gallant, le chef de l’opposition Yaïr Lapid et le chef du parti HaMahane HaMamlahti Benny Gantz ont signé une déclaration commune exhortant les Israéliens à mettre de côté leurs profondes divisions en l’honneur de Yom HaZikaron.
אני בפנים, הם בחוץ pic.twitter.com/Ouv2RT4Q1W
— Ben Caspit בן כספית (@BenCaspit) April 23, 2023
Un appel similaire a été lancé par le maire de Modiin, Haïm Bibas, qui préside également la Fédération des autorités locales, ainsi que par le maire de Jérusalem, Moshe Lion, le maire de Tel Aviv, Ron Huldaï, et plus de 115 autres responsables municipaux à travers le pays.
Yom HaZikaron commencera lundi soir, lorsqu’une sirène d’une minute retentira dans tout le pays. Le lendemain soir, la cérémonie emblématique d’allumage des flambeaux se tiendra au cimetière national du mont Herzl à Jérusalem, alors que le pays passera du deuil des soldats tués et des victimes des attaques terroristes à la célébration du 75e anniversaire de l’indépendance d’Israël.
La cérémonie, habituellement apolitique, a pris un ton différent cette année, en raison des projets du gouvernement visant à radicalement transformer le pouvoir judiciaire. Lapid, a annoncé qu’il ne participerait pas à l’événement en raison des divisions sociétales que le gouvernement, selon lui, a attisées avec son programme radical.
La décision de Lapid fait suite à des informations publiées mardi selon lesquelles la ministre des Transports, Miri Regev, en charge de cette cérémonie, aurait prévu d’interrompre la diffusion en direct de l’événement et de passer un enregistrement des répétitions si la cérémonie d’allumage de la torche était interrompue par des manifestants.
Parallèlement à la cérémonie, un rassemblement de masse aura lieu rue Kaplan à Tel Aviv à 20h30 mardi soir.

Dans le même temps, les partisans de la réforme se préparent à se rassembler jeudi soir. Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a appelé ses partisans à participer à une grande manifestation à Jérusalem entre le bâtiment de la Knesset et celui de la Cour suprême et dire avec une force sans précédent que « le peuple exige une réforme du système judiciaire ». « Le mandat reçu par le gouvernement de droite doit être mené à bien. »
La Knesset devrait revenir de ses congés d’un mois le 30 avril. Le projet de loi visant à placer les nominations judiciaires sous contrôle politique, l’un des projets du paquet de réformes le plus controversé, sera alors avancé, alors qu’il est prêt à être adopté dans les jours qui suivront.
Les critiques affirment que ces mesures, qui transféreront une grande partie du pouvoir judiciaire aux mains du gouvernement, porteront profondément atteinte au caractère démocratique d’Israël en bouleversant son système d’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tous les pouvoirs au gouvernement de droite radicale du Premier ministre Benjamin Netanyahu et en laissant les droits individuels sans protection et les minorités sans défense. Ses partisans assurent qu’il s’agit d’une réforme indispensable pour mettre un frein à l’activisme de la Cour.
Canaan Lidor et l’équipe du Times of Israel ont contribué à cet article.