Israël en guerre - Jour 536

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« Hey Dad »: au procès des otages du groupe Etat islamique, les derniers textos d’une fille à son père

David Haines avait 42 ans quand il a été enlevé dans le nord de la Syrie. Au total, 25 journalistes et humanitaires avaient été séquestrés par le groupe jihadiste EI naissant en Syrie. Neuf d'entre eux ne sont jamais revenus

David Haines et son bourreau - il s'agit de la troisième exécution par décapitation, par l'EI, d'un otage occidental en un mois (Crédit : capture d'écran SITE)
David Haines et son bourreau - il s'agit de la troisième exécution par décapitation, par l'EI, d'un otage occidental en un mois (Crédit : capture d'écran SITE)

« Salut ma chérie, j’espère que ça va », écrit le 12 mars 2013 David Haines à sa fille Bethany. Dans les trois semaines qui suivront, l’humanitaire britannique, kidnappé puis exécuté par le groupe État islamique en Syrie, recevra une avalanche de textos, qu’il ne « verra jamais ». Alors elle les lit au procès de ses geôliers présumés.

David Haines, qui travaillait pour l’ONG Acted, avait 42 ans quand il a été enlevé dans le nord de la Syrie. Au total, 25 journalistes et humanitaires avaient été séquestrés par le groupe jihadiste EI naissant en Syrie. Neuf d’entre eux ne sont jamais revenus.

Bethany Haines, 27 ans, arrive à la barre avec sa demi-soeur Athea, 15 ans, et la mère de cette dernière. Groupées à la barre, agrippées à leurs feuilles de papier, elles ne lancent pas un regard au box où sont assis Mehdi Nemmouche et Abdelmalek Tanem, accusés d’avoir été gardiens d’otages.

« Le 12 mars, mon père m’a envoyé le dernier de ses textos », dit Bethany, longs cheveux noirs, voix tendue mais claire. « ‘Salut ma chérie, j’espère que ça va. Je vais bien, je travaille en Turquie. J’espère que ça va mieux, je t’aime, Papa ».

Son père, kidnappé quelques heures plus tard de l’autre côté de la frontière en Syrie, n’aura jamais sa réponse. Ni ses messages des semaines suivantes qu’elle lit les uns après les autres, dans le silence pesant de la salle d’audience de la cour d’assises spéciale de Paris.

« Hey Dad », commence Bethany Haines. « Salut papa », traduit l’interprète. « J’espère que tout se passe bien en Turquie, moi je prépare mes partiels ».

Mehdi Nemmouche lors du verdict de son procès pour l’attentat terroriste au Musée juif de Bruxelles, le 12 mars 2019 au Palais de justice de Bruxelles. (Crédit : AFP / Pool / YVES HERMAN)

« Salut papa, appelle-moi quand tu peux, je t’aime. »

« Salut papa, tu es sur le terrain ? Mon premier partiel s’est bien passé je crois. Sois prudent. »

« Salut papa, j’ai fait quelque chose de mal ? Si c’est le cas je suis désolée. Appelle-moi, je t’aime. »

« Papa j’ai besoin de toi, j’ai passé une journée horrible, tu me manques. »

« Papa, je suis désolée, appelle-moi. »

« Papa, j’ai besoin de toi. »

« Papa, tu es là? »

« Papa, tu me fais peur. »

« Papa, tu es où? »

Elle s’arrête.

« Compte à rebours »

S’accroche à sa feuille et reprend.

« Mais il n’était pas là. Il était détenu en Syrie, il était battu, électrocuté, ‘waterboardé’, moqué, affamé, psychologiquement torturé. »

Elle raconte les 18 mois d’enfer. La diffusion dans des vidéos de propagande en août puis septembre 2014 de l’exécution des journalistes américains James Foley et Steven Sotloff, égorgés dans des mises en scène macabres dans le désert syrien, à genoux en tenue orange pour reproduire celles des prisonniers de Guantanamo.

L’Etat islamique est coutumier des assassinats de journalistes : en 2014, le journaliste américain James Foley avait été décapité dans une vidéo de propagande. (Crédits : capture d’écran YouTube / Wall Street Journal / propagande EI)

Les jihadistes annoncent que David Haines sera le suivant, « le compte à rebours commence », décrit Bethany.

La femme de David Haines avait elle dû « faire semblant » pendant 18 mois. Leur fille, la deuxième de son mari, avait deux ans à l’époque. « On m’avait dit d’en parler à personne pour ne pas mettre en danger la vie de David », raconte Dragana Haines à la barre.

« J’ai passé 18 mois à faire semblant que tout allait bien, à porter un masque, à dire que, oui, j’avais parlé à David trois ou quatre fois cette semaine ».

Comme sa belle-fille, elle a aussi « perdu espoir » après les premières exécutions.

Quinze jours après celle de Steven Sotloff, le frère de David Haines lui annonce la nouvelle par téléphone. « Il dit une phrase. ‘Ils ne peuvent plus lui faire de mal maintenant’. »

Dans la matinée, la cour avait entendu Federico Motka, humanitaire italien enlevé en même temps que David Haines.

Tous deux avaient été privés de nourriture, battus pendant des mois. Tombé très malade, David Haines avait perdu « 40 kilos ».

Malgré son état, il était un « pilier, il arrivait à me calmer dès le premier jour », dit-il d’une voix blanche empreinte de la « culpabilité » de celui qui s’en est « sorti ».

Et « chaque jour » de détention, avait-il ajouté au micro, sous les yeux de Bethany et Athea Haines, « David prenait un moment dans sa journée pour parler à ses filles dans sa tête ».

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