Inauguration d’un mémorial aux 842 victimes juives de l’Inquisition de Porto
Les victimes, âgées de 10 à 110 ans, ont été tuées ou expulsées lors de l'Inquisition portugaise, entre 1536 et 1821
PORTO, Portugal (JTA) — Dans cette ville de la côte nord-ouest du Portugal, la petite communauté juive a passé des années à identifier les victimes de l’Inquisition portugaise, tués ou expulsés entre 1536 et 1821.
Grâce à des documents récemment numérisés, elle est parvenue à identifier 842 personnes, âgées de 10 à 110 ans, toutes victimes de l’Inquisition dans la ville. Dimanche dernier, elle a dévoilé un mémorial qui leur rend hommage et donne leur nom.
Ce mémorial, inauguré à l’occasion de la Journée européenne de la culture juive, mesure 4 mètres de large et 2 de haut. Il se trouve sur un des murs extérieurs du Musée juif de Porto.
Le musée est l’une des nombreuses institutions qui ont prospéré ces dernières années car Porto, aujourd’hui forte d’une communauté d’un millier de Juifs, a bénéficié d’un regain d’intérêt de la part des touristes et descendants de Juifs séfarades expulsés de la région qui, ces huit dernières années, ont pu demander la nationalité.
La loi sur la nationalité a permis des investissements au sein des communautés juives contemporaines mais le Portugal manque encore de lieux racontant l’Inquisition, estime Hugo Vaz, conservateur du Musée juif et du Musée de la Shoah de Porto. Les manuels scolaires portugais commencent à aborder le sujet mais les élèves en savent finalement peu sur cette population juive qui a été pratiquement éradiquée de leur pays durant trois cents ans.
« J’ai 35 ans, et quand on m’a parlé de l’Inquisition à l’école, c’était comme d’une chasse aux sorcières », a déclaré Vaz à la Jewish Telegraphic Agency. « On m’en a parlé cinq minutes. »
Par comparaison, l’enseignement de la Shoah s’est amélioré. Officiellement neutre pendant la Seconde Guerre mondiale, le Portugal a été un point de passage pour de nombreux réfugiés juifs, ce qui est nettement plus flatteur que la « page noire » de l’Inquisition, explique Vaz.
À côté de chaque nom inscrit sur le mémorial se trouve la date de l’autodafé de la victime, cérémonie publique au cours de laquelle elle a été condamnée par l’Inquisition. Certaines victimes ont été condamnées à mort et brûlées vives, d’autres emprisonnées et torturées, d’autres expulsées ou forcées de porter à vie le « sambenito », tenue humiliante faite de croix, de diables ou de flammes peints, assortie d’un chapeau de forme conique. Les cérémonies se déroulaient généralement sur les places principales des grandes villes du Portugal.
Les victimes étaient souvent dénoncées – accusées de pratiquer le judaïsme – par des voisins, des concurrents ou d’anciennes femmes de ménage, rappelle Vaz. Les historiens estiment que de nombreuses victimes, en particulier à la fin du 17e siècle, étaient des catholiques assimilés qui n’avaient conservé aucune des traditions juives.
La réalisation du mémorial de Porto a été rendue possible par la numérisation, par la communauté, des documents des Archives nationales de Lisbonne, ajoute Michael Rothwell, directeur du Musée juif et du Musée de la Shoah.
« Ces dernières années, de gros effort ont été faits pour mettre tous ces dossiers en ligne », explique Rothwell à la JTA. « Notre communauté fait en sorte que les documents les plus périssables soient restaurés et sauvegardés. Ceux qui étaient en bon état ont été scannés et mis en ligne, ce qui nous a permis de mener des recherches pour trouver les Juifs victimes de l’Inquisition originaires de Porto. »
La communauté a embauché des historiens pour étudier le cas des 842 victimes dont le nom figure en bonne place sur le mémorial et publiera un livre sur le sujet l’année prochaine.
Vaz espère que la connaissance du sort de ces personnes, à l’instar de cet enfant de 10 ans accusé avec toute sa famille, donnera lieu à un enseignement plus détaillé de cette période de persécutions.
« Un enfant de 10 ans n’a pas conscience de ce que signifie la religion », dit-il. « J’ai encore du mal à réaliser qu’un pays ait pu s’en prendre à tous, sans discrimination, même aux enfants, pour une chose dont ces derniers n’étaient pas vraiment conscients. »