Israël en guerre - Jour 587

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À 77 ans, l’économie technologique israélienne fait preuve de résilience pendant la guerre, malgré un avenir incertain

Israël est fier de son écosystème high-tech, mais des gestionnaires de fonds et des experts en tech craignent que l'État ne fasse pas le nécessaire pour conserver les talents qui permettent à ce secteur de prospérer

Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.

La principale répétition de la cérémonie de Yom HaAtsmaout au Mont Herzl, à Jérusalem, le 28 avril 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
La principale répétition de la cérémonie de Yom HaAtsmaout au Mont Herzl, à Jérusalem, le 28 avril 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Alors que le pays célèbre son 77ᵉ anniversaire, l’un des mots les plus évocateurs pour décrire l’économie technologique d’Israël est « résilience ».

Les investisseurs, avocats et experts technologiques interrogés par le Times of Israel se disent fiers des réalisations de leur pays dans le domaine de la high-tech, malgré l’incertitude politique et économique liée au projet controversé de refonte du système judiciaire et à la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas. Ils préviennent toutefois que les défis à relever pour maintenir les fondements du secteur technologique, véritable moteur de l’économie, s’accumulent.

« L’économie innovante d’Israël se trouve à un tournant décisif après plus de dix-huit mois de guerre qui ont mis à rude épreuve l’ensemble de l’écosystème : infrastructures, capitaux, talents et confiance », a déclaré Avi Hasson, PDG de Startup Nation Central, l’organisation à but non lucratif qui promeut l’écosystème technologique israélien.

« Le secteur technologique israélien a prouvé sa force et sa résilience, mais la prochaine phase exigera davantage que de la résilience. Des mesures stratégiques seront nécessaires : développement des talents, diversification sectorielle et alignement entre l’innovation et les priorités nationales », a expliqué Hasson.

Au cours des dix-neuf derniers mois, les start-ups israéliennes ont dû faire face à la mobilisation continue de leurs employés pour effectuer leur service militaire, à des pénuries de personnel et à des difficultés financières, dans un contexte d’incertitude persistante quant à la durée et à l’ampleur de la guerre qui a éclaté après que des terroristes dirigés par le Hamas ont envahi des kibboutzim israéliens du sud du pays, près de la frontière avec Gaza, le 7 octobre 2023, massacrant plus de 1 200 personnes et en enlevant 251 autres qui ont été emmenées de force à Gaza.

L’économie israélienne a connu une croissance d’environ 1 % en 2024, contre 1,8 % en 2023 et 6,3 % en 2022, avant le déclenchement de la guerre contre le Hamas. Le taux de croissance de l’an dernier a dépassé les prévisions, même si les combats contre le Hamas et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah soutenu par l’Iran ont entraîné une hausse des dépenses publiques dans les domaines militaire et civil et ont pesé sur les exportations et les investissements.

Des employés du secteur de la high-tech défilant pour protester contre le projet de refonte du système judiciaire du gouvernement, à Tel Aviv, le 31 janvier 2023. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Cette situation s’explique essentiellement par le fait que l’économie technologique du pays continue d’attirer les investisseurs étrangers, bien que les entrepreneurs locaux enregistrent leurs entreprises à l’étranger et que de nombreuses entreprises délocalisent une partie de leur main-d’œuvre hors du pays. De même, l’économie s’est rapidement remise de la pire récession jamais connue, provoquée par la pandémie mortelle de COVID-19, grâce à l’essor du secteur de la high-tech.

« Le secteur technologique a réussi à se maintenir et reste le secteur le plus attractif de l’économie israélienne, car la plupart des capitaux investis proviennent de ce secteur », a déclaré Ian Rostowsky, co-responsable du département haute technologie et capital-risque du cabinet d’avocats Amit, Pollak, Matalon & Co.

« Israël dispose d’un écosystème high-tech mature, plus que la plupart des autres pays, mais lorsqu’on parle d’indépendance, il est clair que l’écosystème high-tech n’est pas indépendant dans le sens où il peut être autonome et survivre sans investissements étrangers. »

« L’une des principales préoccupations est que l’image d’Israël à l’étranger est très négative, car la guerre perturbe tout », a averti Rostowsky, originaire d’Afrique du Sud.

« Même si Israël s’en sort relativement bien malgré les vents contraires, ceux-ci sont importants et deviendront de plus en plus difficiles à surmonter si la situation perdure et entraîne un exode plus important d’entreprises hors d’Israël, en partie à la demande des investisseurs. »

Au cours d’une année où Israël a été confronté à l’une des guerres les plus longues et les plus intenses de son histoire et où l’incertitude géopolitique a atteint des sommets sans précédent, le secteur technologique a réalisé 13,4 milliards de dollars de fusions et acquisitions en 2024, contre 7,5 milliards en 2023, mais loin des 82 milliards enregistrés en 2021.

Le fabricant américain de puces Nvidia a dépensé près d’un milliard de dollars pour acquérir deux start-ups israéliennes : Deci, une start-up spécialisée dans l’IA, pour environ 300 millions de dollars, et Run:ai, une start-up locale, pour environ 700 millions de dollars. Run:ai est la plus importante acquisition de Nvidia en Israël depuis le rachat de Mellanox Technologies Ltd. en 2020 pour 6,9 milliards de dollars.

Me Ian Rostowsky, co-responsable du département haute technologie et capital-risque du cabinet d’avocats Amit, Pollak, Matalon & Co. (Crédit : Autorisation)

Le géant américain des logiciels Salesforce, basé à San Francisco, a également conclu deux contrats importants en Israël avec l’acquisition de Own, une start-up israélienne spécialisée dans la sauvegarde de données, pour 1,9 milliard de dollars, et de Zoomin, une start-up locale spécialisée dans la gestion de données, pour 450 millions de dollars. Parmi les autres méga-transactions notables conclues cette année, citons l’acquisition de Priority Software par Blackstone pour 800 millions de dollars et celle de V-Wave par Johnson & Johnson.

Cette année a également été marquée par le rachat le plus important de l’histoire du pays, lorsque la société mère de Google, Alphabet, a accepté de racheter la licorne israélienne de cybersécurité Wiz dans le cadre d’une transaction entièrement en espèces pour la somme astronomique de 32 milliards de dollars. Cette méga-transaction devrait générer 4 milliards de dollars de recettes fiscales, qui alimenteront les caisses de l’État.

Dans le contexte de la guerre, les entreprises israéliennes du secteur high-tech ont levé 10,6 milliards de dollars de capitaux frais en 2024, selon les données de Startup Nation Central. Au premier trimestre 2025, les financements privés ont généré 3,2 milliards de dollars d’investissements dans les entreprises technologiques locales.

« Quand je pense à Yom HaAtsmaout et à ce que la technologie israélienne a accompli en 77 ans, je ressens une grande fierté », a déclaré Yonatan Sela, partenaire basé en Israël du fonds de capital-risque australien Square Peg.

« La transaction avec Wiz n’est que la cerise sur le gâteau, mais elle n’est pas le fruit du hasard. »

« Cela provient d’un écosystème florissant qui repose sur des bases solides : un écosystème de capital-risque construit au fil des ans qui soutient les entreprises dès leurs débuts, une grande innovation et un grand organisme vivant composé de nombreux éléments qui se soutiennent et se nourrissent mutuellement, s’inspirent, se financent et s’embauchent les uns les autres », a expliqué Sela.

Square Peg, qui gère 3,3 milliards de dollars d’actifs, est présente en Israël depuis plus de dix ans et a depuis investi 400 millions de dollars dans des start-ups et des entreprises technologiques locales, notamment Deci (rachetée par Nvidia), Exodigo et Qodo.

« La guerre a nui à l’image d’Israël. En particulier pendant la première année, jusqu’à ce que nous remportions des victoires militaires en tant que pays, nous avons dû faire face à de nombreux obstacles », a déclaré Sela.

« Depuis l’opération des bipeurs piégés et tout ce qui a suivi, nous constatons que la technologie, les services de renseignement et les autres capacités d’Israël sont à nouveau reconnus, ce qui attire les investisseurs étrangers, en particulier les fonds américains, qui ont pénétré le marché local de manière plus agressive que jamais au cours de l’année écoulée. »

« Les investisseurs comprennent qu’en tant que pôle technologique, Israël figure parmi les trois premiers au monde, et cela n’a pas changé. Ce qui compense un peu cela, c’est qu’il a été plus difficile pour certains organismes d’investissement, en particulier des fonds d’investissement européens et asiatiques, d’approuver les investissements israéliens en raison du conflit dans lequel se trouve Israël », a-t-il ajouté.

Yonatan Sela, associé du fonds de capital-risque australien Square Peg. (Crédit : Square Peg)

Dans l’écosystème technologique israélien, les start-ups sont le moteur des futures fusions et acquisitions, des recettes fiscales et de la création d’emplois. Les employés du secteur de la high-tech paient plus d’un tiers de l’ensemble des recettes fiscales, ce qui souligne l’importance vitale de ce secteur dans la relance d’une économie fragilisée par les conséquences de dix-neuf mois de guerre.

La dépendance de l’économie à l’égard du secteur technologique a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, sous l’effet de la croissance rapide des recettes fiscales provenant de ce secteur, favorisée par l’augmentation du nombre d’employés et des salaires.

L’an dernier, le secteur de la technologie a contribué à hauteur de 20 % au PIB local, contre 6,2 % en 1995. Il représentait également plus de 50 % des exportations totales. Les employés du secteur high-tech représentent environ 11,4 % de la main-d’œuvre.

Sela et Rostowsky ont tous deux averti que les chiffres toujours impressionnants enregistrés en matière de levée de fonds et de fusions-acquisitions pendant cette période difficile de guerre sont ternis par un certain nombre de tendances et de défis inquiétants qui n’ont fait que s’accentuer au cours des derniers mois, avec la résurgence des tentatives de relancer la refonte judiciaire contestée.

« Au fil des ans, de nombreux entrepreneurs et fondateurs israéliens ont réussi à développer des entreprises de grande valeur et sont devenus plus habiles dans la gestion de grandes entreprises afin de les vendre. Cependant, beaucoup, comme Wiz, sont enregistrés au Delaware et non en Israël, ce qui est regrettable car ils paient leurs impôts ailleurs », a déclaré Rostowsky.

« En Israël, pour chaque réussite, il y a beaucoup d’entreprises qui n’ont pas réussi à lever suffisamment de fonds et qui ont considérablement réduit leurs activités, ont fermé leurs portes ou ont été vendues pour des montants relativement modestes pendant la période difficile de la guerre. »

« Certaines multinationales ont réduit, voire fermé leurs activités en Israël en raison de la guerre et de l’instabilité politique croissante dans le pays », a-t-il ajouté.

Sela a averti que depuis l’annonce de la refonte judiciaire en janvier 2023, les entreprises locales « ont ressenti une certaine insécurité et ont commencé à délocaliser leur siège social hors d’Israël, une tendance qui s’est accentuée avec la guerre ».

« Serait-il préférable que les entreprises soient enregistrées en Israël et se sentent en sécurité ici ? Oui, mais je ne pense pas que ce sera le cas dans les prochaines années », a déclaré Sela.

« La question la plus importante à cet égard est de savoir où les talents voudront vivre et si ce pays sera un endroit où les entrepreneurs israéliens comme les fondateurs de Wiz voudront faire des affaires. »

Les fondateurs de la cyber-licorne américano-israélienne Wiz (de gauche à droite) : Yinon Costica, vice-président des produits, Assaf Rappaport, PDG, Ami Luttwak, directeur technique, et Roy Reznik, vice-président de la R&D ; les bureaux de Google Cloud, à Sunnyvale, en Californie, le 8 juin 2023. (Crédit : Avishag Shaar-Yashuv ; JHVEPhoto/iStock)

Entre le début de la guerre et juillet 2024, le nombre d’employés du secteur technologique ayant quitté Israël pour une relocalisation de longue durée a augmenté pour atteindre environ 8 300 personnes, soit environ 2,1 % de la main-d’œuvre locale dans ce secteur.

« Si cette tendance se poursuit, que ce soit pour des raisons économiques, en raison d’un déséquilibre dans la charge que représente le service militaire ou parce que les gens ont le sentiment que le système judiciaire va devenir moins prévisible, alors nous verrons de plus en plus de personnes ne pas revenir après avoir déménagé ou fait leurs études à l’étranger, et lentement mais sûrement, cette fuite des talents s’accentuera », a averti Sela.

Rostowsky a exhorté le gouvernement à jouer un rôle important pour que l’écosystème reste attractif en offrant des avantages fiscaux ou des subventions supplémentaires aux entreprises israéliennes.

« C’est à nous, en tant que pays, et au gouvernement qu’il incombe de veiller à ce que, à long-terme, les talents continuent de se sentir les bienvenus en Israël », a déclaré Sela.

« En fin de compte, c’est ce qui déterminera la force de l’écosystème technologique israélien et la décision des entreprises de rester et de s’y implanter. »

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