« Israël a laissé passer 2 occasions de conclure un accord » – ex-négociateur des otages
Oren Setter a expliqué que l'accord aurait pu être signé en mars et en juillet 2024 et que le gouvernement était conscient des conditions de détention des otages ; le cabinet du Premier ministre a répondu

Un ancien négociateur israélien a déclaré samedi qu’Israël avait manqué deux occasions l’année dernière d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza et d’accélérer la libération des otages. Le bureau du Premier ministre a aussitôt réagi.
« À mon avis, nous avons raté deux occasions de signer un accord… en mars et en juillet » l’année dernière, a déclaré le général de brigade (Rés.) Oren Setter, qui a démissionné de l’équipe de négociation israélienne en octobre, après avoir été l’adjoint du responsable des pourparlers avec l’armée israélienne, le général de division (Rés.) Nitzan Alon.
« Mais, n’oublions pas que c’est bien le [groupe terroriste palestinien du] Hamas qui a déclenché cette guerre », a-t-il rappelé en préambule.
« Nous n’avons pas fait tout ce que nous pouvions pour les ramener le plus rapidement possible », a affirmé Setter dans des propos diffusés par la chaîne N12 samedi soir, contredisant les fréquentes affirmations du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été surpris par l’état décharné et fragile des ex-otages Ohad Ben Ami, Eli Sharabi, et Or Levy lorsqu’ils ont été libérés de leur captivité le 8 février, Setter a répondu qu’il y avait une différence entre savoir que les otages étaient détenus dans des conditions difficiles et « le voir de ses propres yeux ».
Les dirigeants israéliens étaient toutefois conscients que les otages étaient « détenus dans des conditions très difficiles », et les membres du cabinet savaient qu’ils étaient enchaînés, affamés et physiquement et émotionnellement maltraités.

« Ces points ont été clairement présentés lors des [réunions du cabinet et des consultations plus restreintes avec le Premier ministre] », a-t-il déclaré.
Concernant les occasions manquées de conclure un accord, Setter a allégué qu’il y avait eu deux « fenêtres » : une en mars et une en juillet 2024.
Début décembre 2023, à l’issue d’un accord de trêve d’une semaine, les négociateurs avaient commencé à envisager de futurs accords lorsque Tsahal avait lancé son opération terrestre à Khan Younès, dans le sud de Gaza, s’est souvenu Setter. Les pressions induites par l’opération de Khan Younès semblaient initialement fonctionner, a précisé Setter, et le Hamas s’était dit ouvert à la discussion d’un accord de libération des otages en plusieurs phases et d’un cessez-le-feu.
Il a cependant expliqué qu’à ce stade, la question du couloir de Netzarim – dont Israël s’était retiré la semaine précédente pour la première fois depuis le début de la guerre – était cruciale pour le Hamas. Le groupe terroriste exigeait en effet un retrait israélien complet de cet axe, qui traverse la bande de Gaza au sud de la ville de Gaza.
« Le temps que les négociateurs israéliens parviennent à convaincre les responsables de la Défense et l’échelon politique qu’il n’y avait pas d’autre moyen de conclure l’accord que de se retirer du couloir de Netzarim, nous étions en février 2024, et l’impact de l’opération Khan Younès s’estompait. Et le Hamas a adopté une position plus ferme, fermant la fenêtre d’opportunité qui aurait pu conduire à un accord de cessez-le-feu prolongé, similaire à celui actuellement en vigueur, près d’un an plus tôt » , a expliqué Setter.
« La deuxième occasion manquée, en juillet, concernait le corridor Philadelphi », qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza, a-t-il déclaré.
Ce mois-là, Netanyahu avait présenté le maintien du déploiement de l’armée israélienne dans le couloir de Philadelphi comme une nouvelle exigence dans les pourparlers relatifs aux otages, arguant qu’il s’agissait d’un impératif pour la sécurité d’Israël.
Les critiques avaient accusé le Premier ministre d’avoir intentionnellement introduit une exigence qui saboterait l’accord, qui, à l’époque, semblait plus proche d’être conclu qu’il ne l’avait été depuis des mois.

Lorsqu’on lui a demandé s’il pensait que l’argument concernant l’importance de ce couloir frontalier entre Gaza et l’Égypte avait été motivé par des considérations politiques, Setter a répondu qu’il « ne pensait pas que le corridor Philadelphi était d’une importance telle qu’il a été légitime de laisser passer l’occasion qui se présentait. Mais d’autres personnes… ont pensé différemment ».
Il a déclaré qu’en fin de compte, la possibilité de conclure un accord avait de nouveau été compromise en raison de désaccords sur l’avenir de cet axe stratégique.
Il a toutefois reconnu que la proposition qui avait été présentée était loin d’être parfaite tout en réaffirmant sa conviction qu’elle aurait dû néanmoins être approuvée.
« Le temps était si précieux que l’heure était venue de se rendre à Doha ou au Caire et de négocier les divergences restantes entre les différentes versions, il ne fallait pas recourir à une interprétation plus stricte » de l’accord, a-t-il estimé.
« Mais nous ne l’avons pas fait. Les médiateurs ont dit : ‘Il n’y a aucun moyen d’avancer pour le moment.’ »
« Le 30 août, nous sommes rentrés en Israël par un vol de nuit avec le sentiment que nous étions en train de passer à côté de quelque chose. Le lendemain matin, nous avons appris la découverte de six otages assassinés quelques jours plus tôt à Rafah », a-t-il déclaré.
Setter faisait référence au meurtre des otages Hersh Goldberg-Polin, 23 ans, Eden Yerushalmi, 24 ans, Ori Danino, 25 ans, Almog Sarusi, 25 ans, Alex Lubnov, 32 ans et Carmel Gat, 40 ans.
« Vous dites : ‘Voilà le prix [à payer pour avoir raté une opportunité].’ C’est très, très concret et c’est très douloureux », a-t-il ajouté.
Après la diffusion, samedi soir, de l’interview de Setter par la chaîne N12, le cabinet du Premier ministre a réagi par une déclaration alléguant que « des hauts responsables de l’équipe de négociation affirment que Setter ment », ajoutant que l’homme avait divulgué à plusieurs reprises des détails de réunions dans le but de nuire à la réputation de Netanyahu.
Le bureau du Premier ministre a déclaré que ses fuites « avaient nui aux pourparlers, mis en danger nos otages et fait écho à la fausse propagande du Hamas », et qu’elles ont constitué une infraction pénale.
« Comme l’ont déclaré à maintes reprises les hauts responsables de l’administration américaine, le Hamas a refusé de négocier pendant des mois et il a été le seul élément à constituer un obstacle à l’accord », a rappelé le communiqué.
Le bureau du Premier ministre a réfuté qu’il aurait été possible de conclure un accord plus tôt avec le Hamas.

Il a également insisté sur le fait que le groupe terroriste avait précédemment accepté de ne libérer que douze à quatorze otages vivants dans un premier temps, et qu’il avait réclamé de manière répétée le retrait complet de Tsahal de Gaza et la fin de la guerre. Il a également indiqué que Setter et d’autres négociateurs avaient dit à Netanyahu qu’il serait impossible de parvenir à un accord s’il présentait des demandes plus strictes.
« Si le Premier ministre n’avait pas insisté, au moins la moitié des personnes enlevées vivantes n’auraient pas été libérées lors de la première phase », a fait valoir le bureau du Premier ministre.
Setter a déclaré, comme plusieurs autres responsables l’ont fait ces dernières semaines, que le cadre de l’accord actuel est en grande partie inchangé par rapport aux grandes lignes qui avaient été proposées en mai 2024, avec l’aval d’Israël.
Le Hamas et Israël s’emploient actuellement à respecter la première phase de 42 jours du cessez-le-feu. Les pourparlers concernant la deuxième phase n’ont pas encore commencé, alors qu’ils devaient débuter il y a près de deux semaines, en violation manifeste des termes de l’accord.
Setter a précisé qu’il voulait « parler des faits » et il a fait valoir que la mort des otages en captivité et des « souffrances inutiles » auraient pu être évitées, tout en rappelant que le Hamas était le principal responsable de l’arrêt des négociations l’année dernière.
Depuis l’entrée en vigueur de l’accord actuel de cessez-le-feu le 19 janvier, dix-neuf otages israéliens et cinq ressortissants thaïlandais ont été libérés. Quatorze autres otages israéliens, dont six seraient en vie, devraient être libérés au cours des deux dernières semaines de la première phase de 42 jours du cessez-le-feu.
La deuxième phase devrait inclure la libération des otages restants et des discussions sur une fin plus permanente du conflit.
On estime que 70 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre 2023 se trouvent toujours à Gaza, y compris les corps sans vie de 35 otages dont le décès a été confirmé par l’armée israélienne.
Le groupe terroriste avait libéré 105 civils lors d’une trêve d’une semaine à la fin du mois de novembre 2023, et quatre otages avaient été libérées auparavant.
Huit otages vivants ont été secourus par les soldats et les dépouilles de 40 otages ont été récupérées, notamment celles de trois Israéliens qui ont été tués accidentellement par Tsahal.
Le groupe terroriste palestinien détient également deux civils israéliens entrés dans la bande de Gaza en 2014 et 2015, ainsi que le corps d’un soldat de Tsahal tué en 2014. Le corps d’un autre soldat de Tsahal, également tué en 2014, a récemment été récupéré à Gaza lors d’une opération militaire israélienne secrète en janvier.