Israël assouplit les contrôles sur les exportations de cyber-armes
Selon des critiques, les logiciels espions et autres outils sont détourné par les gouvernements clients qui comprendraient l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis
Le ministère de la Défense a assoupli ses règles de contrôle des exportations d’outils de cyberguerre malgré des inquiétudes sur l’utilisation de ces technologies par les gouvernements clients pour violer les droits humains.
En vertu des changements adoptés il y a un an, les entreprises peuvent désormais obtenir plus rapidement les permis de vente pour certains logiciels espions et cyberarmes, a rapporté jeudi Reuters.
Alors qu’auparavant la procédure pouvait durer jusqu’à un an, elle ne devrait désormais prendre plus que quatre mois maximum.
Le ministère a confirmé les changements à Reuters en faisant savoir dans un communiqué qu’ils étaient destinés « à permettre de servir efficacement les industries israéliennes tout en maintenant les normes protectrices internationales de contrôle et de supervision des exportations ».
Les permis de vente ne sont accordés que sous « certaines conditions liées aux vérifications de sécurité du produit et à l’évaluation du pays à qui celui-ci sera vendu ».
En plus des changements concernant la vente, le ministère de l’Économie, qui supervise les exportations, constitue actuellement une unité spéciale chargée des ventes à l’étranger de cybertechnologies aux capacités offensive et défensive.
« Cela relève d’une réforme qui alloue plus de ressources au ministère de l’Économie dans ce domaine important », a fait savoir un porte-parole du ministère.
Les organisations de défense des droits affirment que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis figurent parmi les clients des logiciels espions israéliens. Les autorités gouvernementales des deux pays n’ont pas répondu aux demandes d’informations supplémentaires de Reuters, et les responsables israéliens n’ont pas souhaité révéler quels pays de la région faisaient partie des clients de ces logiciels.
Le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression, David Kaye, a indiqué à Reuters que les mesures de contrôle israéliennes sur les cyber-outils sont « recouverts dans le secret » et appelé à ce que toutes les ventes de technologies fassent l’objet d’un examen sur le plan des droits humains.
Cependant, l’avocat Daniel Reisner du cabinet Herzog Fox Neeman, qui représente la plupart des cyber-entreprises du pays, a déclaré à l’agence de presse que les restrictions israéliennes étaient plus strictes que dans d’autres pays, y compris les États-Unis et la Grande-Bretagne, ce qui donne un « grand désavantage » aux entreprises locales.
Ces changements surviennent alors qu’Israël tente de développer son marché de cyber-armes, malgré les craintes concernant leur utilisation.
En juin, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré lors d’une conférence sur les technologiques informatiques qu’il « pense que nous devons prendre le risque, et il s’agit d’un risque considérable, de réguler moins afin de croître davantage ».
Plus tôt cette année, Amnesty avait appelé le gouvernement israélien à recourir à des règles plus strictes concernant les permis d’exportation des cyber-outils qui, d’après l’ONG, « ont donné lieu à des violations des droits humains », a rapporté Reuters.
Israël compte de nombreuses entreprises de cyber-défense, dont NSO Group, qui a fait l’objet de critiques par le passé au sujet de ventes de sa technologie espion pour smartphone Pegasus à des régimes connus pour leur manque de respect des droits humains.
En mai, Amnesty International avait déposé une requête auprès d’un tribunal de Tel Aviv pour forcer le ministère de la Défense à révoquer les permis d’exportation octroyés à NSO Group, estimant que ses produits avaient été utilisés « dans des attaques effrayantes contre des défenseurs des droits humains dans le monde ».
Amnesty avait déclaré dans un communiqué à l’époque que des recherches avaient permis de prouver que le logiciel Pegasus du NSO Group avait servi à cibler « un vaste pan de la société civile », dont au moins 24 défenseurs des droits humains, des journalistes et des parlementaires au Mexique, un employé d’Amnesty International, des militants saoudiens et possiblement le dissident saoudien assassiné en 2018 Jamal Khashoggi, alors qu’il se trouvait au consulat saoudien à Istanbul.
Le directeur exécutif du NSO Group, Shalev Hulio, a nié que ce dernier avait été visé par des produits de l’entreprise.