« Israël : pile, c’est la start-up nation, face, c’est la misère », déplore Alalouf
Prix Israël en 2011 pour son action sociale, auteur d'un rapport sur la pauvreté qui a fait date, le député de Koulanou a été sorti de sa retraite par Moshé Kahlon. Il regrette que les questions sociales ne mobilisent ni la presse ni l'opinion publique
Immigré en Israël depuis le Maroc en 1967 sans passer par la case France, Elie Alalouf a étudié les sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem avant de poursuivre une vie de militant auprès de l’Organisation sioniste mondiale à l’Agence juive, et de devenir conseiller ministériel de Ygal Yadin pour les quartiers défavorisés de 1978 à 1981.
Directeur de la Fondation Rashi de 1995 à 2012, son action fut couronnée du Prix Israël. Il entama ensuite une étude remarquée sur la réalité sociale israélienne à la tête du comité Alalouf contre la pauvreté. Son expertise incita Moshe Kahlon à le nommer numéro 3 du parti Koulanou.
Le Times of Israël : Vous êtes l’auteur d’un rapport sur la pauvreté, adopté comme texte programmatique par le parti Koulanou, dont vous êtes désormais le numéro 3. Sondage après sondage, encore aujourd’hui celui de Latet, le taux de pauvreté de la start-up nation ne cesse d’interroger : un quart des adultes vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
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Elie Alalouf : La classe moyenne israélienne s’appauvrit, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, l’accès au premier logement est souvent impossible pour les jeunes couples… Tout cela est vrai, malheureusement. J’ai eu la chance, avant de devenir un homme politique, très récemment, de rédiger ce rapport avec un ami et 40 volontaires de l’Académie du travail social.
« En Israël, nous avons une cinquième génération de pauvres ! »
Elie Alalouf
Nous sommes arrivés à la conclusion que la pauvreté ne peut pas diminuer sans efforts surhumains.
La pauvreté ce n’est pas un fléau, elle vient du fait que le gouvernement n’en fait pas une lutte prioritaire.
Mais il n’a pas non plus tout le pouvoir entre ses mains : des solutions nationales existent mais le réel travail de fond ne peut être réalisé que par des associations à but non lucratif.
Gilles Darmon ou le parcours d’une vie dédiée à la lutte contre la pauvreté
N’exonérez-vous pas l’État des problèmes de pauvreté ?
L’État peut donner une infrastructure adéquate, la sécurité sociale etc., mais le travail effectué pour sortir les gens de la pauvreté ne peut être réalisé qu’au cas par cas.
La pauvreté nécessite un travail intensif, qui s’effectue au niveau familial et personnel. Cette notion de « sortir », de casser le cercle vicieux, doit être un but en soi.
En Israël, nous avons une cinquième génération de pauvres ! Et chaque année 20 000 enfants décrochent de l’école. C’est la faiblesse de la puissance administrative : elle ne peut pas arriver à l’individu. Elle peut éventuellement créer les conditions pour éviter l’appauvrissement, mais jamais pour sortir quelqu’un de la misère.
Dans votre rapport, vous décriviez une population pauvre ignorante de ses droits sociaux.
Nous l’avons constaté : le grand problème des pauvres c’est qu’ils ne savent pas exploiter leurs droits, c’est un fait. C’est un problème qui ne peut être résolu, aussi, que par le secteur associatif. L’État décide donc d’aider massivement ce secteur pour qu’il effectue ce travail. Cette année, Israël a versé sept milliards de shekels d’aide supplémentaire aux associations caritatives. Le budget des Affaires sociales pour l’année 2018 vient d’être voté : il va être doublé par rapport à celui de 2015.
Quelques manifestations ont déjà eu lieu, pourtant les listes « sociales » ne font pas de scores si importants aux élections. Y a-t-il une pression populaire pour faire évoluer le niveau de vie israélien ? Ces questions bénéficient-elles d’un soutien de la presse ?
« Il n’y a pas de presse engagée en Israël »
Elie Alalouf
Oh non… D’abord il n’y a pas de presse populaire en Israël. Elle est détenue par des monopoles, liée à des intérêts politiques ou économiques. N’oubliez pas qui sont les patrons de la presse israélienne. Alors oui, ils payent parfois leur « taxe sfatayim », leur « taxe des lèvres », pour parler des problèmes sociaux, mais on ne peut pas dire que c’est ce qui les intéresse.
Il n’y a pas de presse engagée. Elle fonctionne au sensationnel, ce qui ne manque pas en Israël, malheureusement : une attaque au couteau, des tensions avec la Turquie… et les ondes sont inondées d’images, de déclarations etc.
Mais sur l’état social du pays, rien, ou quasiment.
Moshe Kahlon, ministre des Finances, porté par ses promesses concernant les questions sociales, vous a nommé à la tête de la commission des Affaires sociales de la Knesset. Quels progrès avez-vous pu apporter ?
De nombreux progrès j’espère. La loi sur la pauvreté a permis d’augmenter les allocations pour les enfants, le troisième âge. Et nous sommes dorénavant le seul pays au monde à reverser une partie de ces allocations pour les enfants sur un compte bloqué dont il pourra disposer à 18 ou 21 ans.
La loi sur les produits alimentaires de base est entrée en application le 1er juillet dernier : toutes les exclusivités, qui maintenaient les prix si élevés sont levées, la bureaucratie est allégée, les délais douaniers plus rapides.
C’est d’ailleurs le moment de faire des affaires pour les exportateurs français ou les importateurs israéliens ! Nous estimons que les prix seront 10 à 30 % moins élevés.
Mais la commission que je préside se bat sur plusieurs fronts : la création d’une inspection du travail pour diminuer le nombre hallucinants d’accidents sur les chantiers ; les équivalences de diplômes pour les podologues et les médecins. Nous venons d’ailleurs de remporter une victoire pour les pharmaciens. Israël en manque cruellement, comme de médecins d’ailleurs.
Nous travaillons sur un programme pour fournir en médecins le futur hôpital francophone Assuta d’Ashdod.
Nous nous battons aussi parce que les malades mentaux sont attachés à leur lit à l’hôpital, et que cela n’est pas encadré.
Nous nous battons encore à propos de la loterie nationale. Savez-vous qu’elle a été créée pour soutenir les municipalités, mais qu’elle met aujourd’hui en place des machines à sou dans les quartiers les plus pauvres ? Ils se remplissent mieux le 28 du mois que tous les autres jours. Savez-vous pourquoi ? Parce que c’est le jour où tombent les allocations familiales, c’est une aberration ! Mais nous sommes en train d’encadrer ce problème grâce à de nouvelles dispositions.
Les combats ne manquent pas.
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