Israël « se réjouit » du prochain mandat de Friedrich Merz, selon l’envoyé en Allemagne
Ron Prosor a été le premier ambassadeur étranger invité à la réunion des chefs des états allemands ; il a affirmé que le parti de l'AfD d'extrême-droite comportait des éléments avec lesquels l'État juif ne peut pas discuter

Israël « se réjouit » de l’entrée en fonction du chancelier allemand Friedrich Merz, indique l’ambassadeur d’Israël à Berlin, anticipant un soutien diplomatique de proximité de la part de cet homme politique de centre-droit.
« Nous nous réjouissons de l’avoir comme chancelier », déclare Ron Prosor lors d’un entretien téléphonique accordé au Times of Israel, la semaine dernière. « En fin de compte, l’Allemagne est le deuxième partenaire stratégique le plus important d’Israël, dans tous les aspects ».
Suite à la Shoah, l’Allemagne est devenue l’un des plus proches alliés diplomatiques et sécuritaires de l’État juif.
Friedrich Merz et l’alliance politique CDU/CSU, au centre-droit de l’échiquier politique, sont arrivés en tête des élections allemandes, le mois dernier, et une coalition est en train d’être formée.
« Friedrich Merz est clair sur ce point », note Prosor. « Il affirme que l’Allemagne ne lancera aucun embargo sur les armes à destination d’Israël. Israël bénéficie pleinement du droit à l’autodéfense, dit-il, et l’Allemagne lui apportera son soutien ».
Lors d’un discours prononcé à la Fondation Körber à Berlin le mois dernier, Merz avait critiqué le gouvernement d’Olaf Scholz et il avait dénoncé son « embargo » sur les armements fournis à Israël dans le cadre de la guerre menée contre le Hamas à Gaza.

« Je mettrai un terme à ce qui est plus ou moins l’embargo sur les exportations qui a été décidé par le gouvernement actuel. Nous allons dire qu’Israël obtiendra tout ce dont le pays a besoin pour exercer son droit à l’autodéfense », avait ainsi expliqué Merz.
Au mois d’octobre, Merz avait accusé le gouvernement de Scholz de retarder les exportations d’armes à destination de l’État juif après le constat d’une baisse significative des livraisons d’armes entre 2023 et 2024.
« Il a également ouvertement fait savoir qu’il allait inviter le Premier ministre [Benjamin] Netanyahu à venir en visite en Allemagne » malgré le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à son encontre, fait remarquer Prosor.
« Je lui ai dit que nous devrions nous voir, peu après la formation du gouvernement », avait indiqué Merz en évoquant son entretien téléphonique avec Netanyahu après sa victoire aux élections. « Au cas où il envisagerait de se rendre en Allemagne, je me suis engagé à trouver un moyen de faire en sorte qu’il puisse visiter l’Allemagne et repartir sans être arrêté ».

Merz avait ajouté que l’idée qu’un Premier ministre israélien ne puisse pas fouler le sol allemand était « complètement absurde ».
La CPI avait émis, au mois de novembre dernier, des mandats d’arrêt à l’encontre de Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, accusés d’avoir prétendument pris pour cible des civils et utilisé la famine comme arme de guerre dans la bande de Gaza. Des mises en cause qui sont fermement rejetées par Israël. Certains ont par ailleurs estimé que ces mandats étaient antisémites.
La tendance positive, dans les liens qui unissent Israël et l’Allemagne, se manifeste également dans la politique locale. Au début du mois, Prosor a été le premier ambassadeur étranger à prendre part à la conférence trimestrielle des ministres-présidents.
Cette rencontre entre dirigeants des seize états fédéraux a marqué le 60e anniversaire des relations bilatérales.

Les ministres-présidents détiennent un pouvoir important en Allemagne. Chaque Land dispose de son propre budget et de son propre parlement. Le plus grand d’entre eux, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, compte plus de 18 millions d’habitants.
Depuis qu’il a pris ses fonctions en 2022, Prosor s’est rendu au moins une fois dans les 16 Länder allemands.
« Ça apporte une dimension humaine », dit Prosor, « et les relations ne se limitent pas au niveau fédéral – elles s’étendent également au niveau des différents états ».

Il y a toutefois des raisons de s’inquiéter, selon Prosor qui évoque les avancées, dans les sondages, enregistrées par les partis d’extrême droite et d’extrême gauche.
« C’est comme si l’Allemagne était divisée entre l’extrême gauche et l’extrême droite », avertit-il.
Parmi les électeurs allemands de moins de 25 ans, c’est le parti Die Linke, « la gauche », qui a obtenu le plus de soutien avec 25 %. L’AfD, la formation d’extrême droite, a recueilli 21 % du vote des jeunes.
« Ce qui démontre que l’Allemagne doit se réveiller », ajoute Prosor. « Si vous ne vous réveillez pas, si vous n’apportez aucune réponse au peuple, c’est ce qui se passe. »
« En fait, ces électeurs envoient un message clair aux grands partis : ‘Nous votons pour l’AfD parce que vous ne nous apportez pas de réponses, ni en matière d’immigration, ni en matière économique. Si vous ne le faites pas, aux prochaines élections, nous aurons probablement encore davantage de votes’. »

Depuis sa création en 2013, le parti Alternative für Deutschland a été au coeur de scandales antisémites, et ses dirigeants semblent divisés sur la question d’Israël et de la guerre à Gaza.
Le parti populiste de droite se présente comme un allié solide d’Israël. En 2019, il avait exigé l’interdiction complète de toute activité de boycott, de désinvestissement et de sanctions en Allemagne. Après le pogrom commis par les hommes armés du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, le premier communiqué de presse de l’AfD au Bundestag indiquait que « Israël et le peuple juif peuvent compter sur notre pleine et entière solidarité ».
Mais des voix dissonantes s’étaient néanmoins élevées. Le coprésident de l’AfD, Tino Chrupalla, avait critiqué Scholz pour son soutien constant à Israël, soutien qui avait pris la forme d’exportations d’armes à destination de l’État juif.
Le ministère de la Diaspora n’a pas invité l’AfD à une conférence controversée sur l’antisémitisme à laquelle participent, cette semaine, de hauts-responsables politiques européens d’extrême droite.

L’AfD a de nombreux antécédents s’agissant d’incidents antisémites depuis sa fondation en 2013.
En exemple, Hans-Thomas Tillschneider, qui est membre du parlement de la région orientale de Saxe-Anhalt depuis 2016. En 2018, Tillschneider avait déclaré que le Conseil central des juifs d’Allemagne « utilise l’islam pour instaurer des relations multiculturelles ». La majorité des exemples, qui reprennent le cadre de la théorie du grand remplacement, ne sont pas aussi explicitement antijuifs. Ainsi, des formules comme « les élites mondialistes » sont utilisées.
En 2021, Stefan Bauer, militant bavarois de l’AfD, avait comparé les vaccins contre le coronavirus au gaz Zyklon-B qui avait été utilisé par les nazis pour exterminer les Juifs d’Europe pendant la Shoah. Alors que Bauer a été expulsé du parti, Tillschneider est toujours membre du parlement régional de Saxe-Anhalt. Il a récemment établi une comparaison entre les méthodes qui sont celles d’Israël dans sa guerre contre le Hamas à Gaza et la Shoah.
Les contacts avec l’AfD peuvent être envisagés sous deux angles, déclare Prosor.
« La premier angle est d’ordre moral, et les choses sont claires à ce sujet », dit-il. « Le second est celui du coût de tels contacts – un coût qui est à soupeser avec les avantages apportés. »
« Si Israël parle à l’AfD, nous ne pourrons plus parler à aucun parti ici, en Allemagne », explique-t-il. « Oui, tout le monde n’est pas nazi mais il y a des éléments avec lesquels l’État-nation du peuple juif ne peut pas dialoguer ».
Bart Schut a contribué à cet article.
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