Israël : une garderie stérile permet aux enfants cancéreux de rester des enfants
La garderie de Ramat Gan "Guedolim MeHaHaïm", la seule du genre au monde, offre soins et éducation aux tout-petits qui, autrement, ne pourraient pas jouer avec d'autres enfants
De l’extérieur, la maison dans le quartier Kfar Azar de Ramat Gan – à quelques rues de l’hôpital Tel Hashomer – revête un aspect tout à fait normal. Seule la lourde barrière de sécurité bleue et les panneaux d’avertissement bilingues à l’entrée indiquent ce qu’il y a à l’intérieur.
Les personnages colorés de dessins animés affichés dans le hall d’entrée ajoutent une touche plus légère à un décor plus sombre, mais essentiel : Il y a de la peinture anti-bactérienne sur tous les murs intérieurs ; des fenêtres à double vitrage, avec des volets roulants entre les vitres, empêchent la poussière et la saleté d’entrer ; des carreaux très larges rendent le sol plus facile à nettoyer. Il y a aussi un système de climatisation sur mesure qui maintient la pression de l’air et le débit d’air à l’extérieur du bâtiment, des protocoles d’hygiène stricts pour tous ceux qui entrent et une protection contre le soleil dans les zones extérieures.
Bienvenue au « Gan HaHalomot » – un jardin d’enfants spécialement conçu pour les tout-petits atteints de cancer, qui est reconnu comme « le premier centre éducatif et de convalescence stérile au monde. »
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En effet, une recherche rapide sur Google n’a révélé qu’un seul autre établissement ressemblant à celui-ci : le Morgan Center dans le comté de Suffolk, New York. Mais bien que la maternelle de Long Island prenne des précautions pour protéger les enfants dont le système immunitaire est affaibli, elle n’a pas été conçue depuis le début en fonction de ces enfants en particulier.
Ayelet Rafalin, directrice du « Gan HaHalomot », a déclaré que son établissement de 400 mètres carrés est conçu pour fonctionner comme une salle d’isolement dans un hôpital – sans avoir l’air d’un hôpital.
« Les enfants qui viennent ici sont malades, mais ils ont la permission de leur médecin de ne fréquenter que cet endroit », dit Rafalin, qui dirige l’établissement depuis son ouverture fin 2014. « Ils peuvent être avec d’autres enfants dont le système immunitaire est affaibli. Mais s’ils entrent en contact avec des enfants malades – même s’ils ont terminé leur traitement – cela pourrait être mortel pour eux ».
En fait, pas plus tard que la semaine dernière, le jardin d’enfants a rouvert ses portes après une fermeture de 28 jours parce qu’un enfant a été accidentellement infecté par la varicelle.
« Nous ne prenons aucun risque », a dit Rafalin. « Tout a dû être nettoyé et les enfants ont dû aller à l’hôpital et se faire soigner, car tout le monde ne peut pas se faire vacciner. Sans cela, ils ne pourraient pas revenir ici. »
Réduire les risques de contamination
« Gan HaHalomot » est le projet phare de Guedolim MeHaHaïm, une organisation à but non lucratif de Givatayim fondée en 2000 pour aider les enfants israéliens à vaincre le cancer, indépendamment de leur religion, origine ethnique, sexe et statut socio-économique. Depuis, cette organisation a aidé plus de 15 000 enfants et leurs familles à traverser les épreuves du cancer infantile.
Actuellement, 35 garçons et filles âgés de six mois à sept ans y sont scolarisés, et en moyenne, l’enfant y reste un ou deux ans. Certains viennent d’aussi loin que Haïfa tous les jours.
La plupart de ces enfants ont des lymphomes de différents types, six ou sept souffrent de leucémie et une demi-douzaine d’autres ont des tumeurs au cerveau. Une petite fille est atteinte d’un cancer de l’utérus et un autre petit enfant souffre d’un gliome protubérantiel infiltrant [diffuse intrinsic pontine glioma (DIPG)], un type rare de tumeur cérébrale maligne qui entraîne généralement la mort neuf mois après un diagnostic.
« Parfois, les parents savent qu’il n’y a pas de traitement. Nous avons cinq enfants dans ce cas actuellement », a ajouté Rafalin. En même temps, elle affirme que le jardin d’enfants « est un endroit très joyeux ».
« Nous leur donnons l’impression qu’ils sont normaux », précise Rafalin. « Ils peuvent étudier ici, apprendre à lire et à écrire, s’asseoir avec d’autres enfants. S’ils sont fatigués, ils peuvent aller dormir ».
La garderie « Gan HaHalomot » emploie 22 personnes, dont 14 personnes sur place chaque jour. Comme Rafalin, qui est diplômée en gestion éducative et en éducation spécialisée, tous ont déjà travaillé avec des enfants handicapés.
« Avant de venir ici, beaucoup de ces enfants étaient seuls avec leurs parents. Ils n’ont pas d’amis de leur âge. Il faut beaucoup de temps avant de les voir s’amuser », a dit Rafalin, soulignant qu’ils ont souvent honte de leur calvitie en raison de la chimiothérapie.
D’autres ont des difficultés à marcher ou à manger. « Vous pouvez rencontrer ici des enfants qui n’ont pas parlé depuis un an, parce qu’ils avaient peur. Et maintenant, vous devez les encourager à se regarder dans les yeux et à reparler », dit Rafalin.
En plus de toutes les contraintes architecturales, ce centre spécialement aménagé veille également à ce que les visiteurs portent un masque facial. Les employés se lavent constamment les mains et, tous les soirs, une équipe de nettoyage vient laver à fond les tables, les chaises, les jouets et tout ce avec quoi les enfants peuvent entrer en contact – tout cela pour réduire davantage le risque de contamination.
Aider les enfants de toutes origines ethniques
Ellin Yassky est la directrice de la collecte de fonds de Guedolim MeHaHaïm.
« Lorsqu’un enfant sort d’ici et obtient son diplôme de la maternelle, il ou elle est suffisamment apte à s’intégrer dans un système scolaire normatif, et dans son groupe d’âge. Ils ne seront pas en retard sur le plan social ou éducatif », a-t-elle dit, faisant remarquer que les enfants atteints de cancer manquent généralement deux ou trois années d’études en raison de leur maladie et de leurs traitements. « Cela enlève beaucoup de stress à l’enfant. Ils se retrouvent dans un nouvel environnement, et tout ce qui peut les aider à atterrir en douceur est toujours mieux. »
Lior Shmueli, PDG de Guedolim MeHaHaïm, affirme que la maternelle a aidé environ 50 enfants à vaincre leur cancer chaque année. C’est près d’un dixième des quelque 600 cas de cancer infantile diagnostiqués chaque année.
« Au cours des dix dernières années, nous sommes devenus la plus grande organisation ouverte à tous les enfants malades atteints d’une maladie potentiellement mortelle », a déclaré M. Shmueli, faisant remarquer que son organisation vient en aide aux enfants arabes, juifs, blancs, noirs, religieux et laïcs – et tous les autres – car le cancer ne fait aucune discrimination.
« Les organisations religieuses en Israël ne viennent en aide qu’aux haredim et aux orthodoxes », dit Shmueli. « Pour nous, c’est inacceptable ».
Et contrairement à Make-A-Wish International, une fondation basée en Arizona, qui réalise un rêve pour un enfant, il précise : « Guedolim MeHaHaïm est avec les familles en permanence, du premier jour du diagnostic à la guérison complète de l’enfant trois ou quatre ans après. Nous les soutenons jusqu’au bout ».
Les taux de survie se situent maintenant en moyenne à un peu plus de 80 %, selon le type de cancer. De nos jours, environ 90 % des enfants atteints de leucémie se rétablissent complètement, et les taux de guérison des enfants atteints de tumeurs cérébrales ou de lymphome de Hodgkin sont beaucoup plus faibles.
« Les statistiques en Israël sont les mêmes que dans le monde occidental », a dit M. Shmueli. « Aujourd’hui, les enfants israéliens reçoivent les mêmes protocoles médicaux qu’un enfant en Europe ou aux Etats-Unis ».
Camps d’été et trains du sourire
Selon Claude Grundman-Brightman, responsable française du Netanya Academic College, qui préside l’association israélienne Amis de Guedolim MeHaHaïm : « Notre équipe médicale ainsi que nos psychologues et autres membres du personnel adoptent une approche globale pour faire le nécessaire pour réduire la pression et le stress des familles. C’est rare, parce que les organisations se limitent généralement à une seule chose plutôt que d’adopter une approche globale ».
Ainsi, l’organisation prend des dispositions pour que 300 enfants malades et leurs frères et sœurs puissent participer à des camps d’été en Israël, et parraine le Train du sourire » du Carnaval de Pourim. Elle couvre les frais de transport à l’hôpital pour les familles qui n’ont ni voiture ni moyen de s’y rendre, et au milieu de la chimiothérapie d’un enfant, elle emmène la famille entière pour une semaine de « congé de récupération » à Eilat pour faire une pause.
Deux fois par an, Guedolim MeHaHaïm fait aussi traverser l’océan à 40 enfants pour des vacances aux États-Unis – généralement en octobre à Los Angeles et en mars à Orlando, en Floride, où se trouve Disney World.
En juin 2018, Guedolim MeHaHaïm a organisé en Israël la toute première conférence sur les traitements et les essais cliniques pour les enfants atteints de cancer. L’événement, dirigé par Miriam Ben Harush, directrice du département d’hématologie-oncologie de l’hôpital Rambam de Haïfa, a réuni 70 médecins, spécialistes, infirmières et chercheurs de tout le pays.
Fort du succès de son établissement de Ramat Gan, Guedolim MeHaHaïm a déjà commencé la construction d’un deuxième jardin d’enfants stérile encore plus grand à Beer Sheva, pour couvrir toute la région du Néguev. Beaucoup d’enfants juifs, arabes et bédouins atteints de cancer dans la région sud d’Israël sont issus de familles pauvres et leurs parents ne peuvent se permettre de prendre soin de leur enfant malade.
C’est pourquoi le projet Beer Sheva prévoit la création d’un centre éducatif étendu qui accueillera des enfants de 7 à 11 ans, ainsi que des enfants d’âge préscolaire et maternel. Située à côté du centre médical Soroka, elle comprendra quatre salles de classe pour les élèves de la 1re à la 4e année, ainsi qu’une salle de classe de maternelle équipée d’une crèche pour les tout-petits et d’une aire de jeux.
Un réseau de jardins d’enfants
Guedolim MeHaHaïm a déjà commencé à travailler sur ses troisième et quatrième centres – à Haïfa et à Jérusalem – et espère finalement disposer d’un réseau de huit centres de réadaptation et de convalescence stériles à côté de chaque hôpital israélien qui a un service pédiatrique du cancer.
Tout cela coûte de l’argent, bien sûr. Le coût du seul établissement de Beer Sheva est estimé à 10,5 millions de shekels.
Guedolim MeHaHaïm fonctionne avec un budget annuel d’environ 6,8 millions de dollars (25 millions de shekels). Moins de 0,5 % de ce montant provient de fonds publics. Le reste est constitué de dons – 65 % de l’intérieur d’Israël, 25 % de l’étranger et les 10 % restants de biens et services en nature.
Pour atteindre ses objectifs, l’organisme de bienfaisance vise à recueillir 12 millions de dollars en 2019. Le 10 février, elle organisera un gala annuel de collecte de fonds au Heichal HaTarbut de Tel Aviv, auquel participeront la chanteuse Shiri Maimon, le pianiste et compositeur Rami Kleinstein et d’autres musiciens. Les billets coûtent entre 1 000 et 2 500 shekels (230 à 580 euros) selon le nombre de places, et quelque 2 400 personnes sont attendues.
Outre les jardins d’enfants et les camps d’été, l’organisation caritative dépense environ 3,8 millions de shekels pour des médicaments contre le cancer non remboursés par le ministère israélien de la Santé. Il permet également à une centaine d’enfants israéliens de recevoir chaque année un traitement spécialisé en Amérique du Nord – principalement au National Institutes of Health à Bethesda, Maryland ; au Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York ; au Hospital for Sick Children de Toronto et au Laurie Proton Therapy Center au Rutgers Cancer Institute du New Jersey.
Pour les familles qui n’ont pas de mutuelle, Guedolim MeHaHaïm paie la location d’un appartement, une voiture, un billet d’avion aller-retour et d’autres dépenses pour permettre à la famille proche d’un enfant malade de voyager également ; la dépense moyenne est de 10 000 dollars par patient.
« Nous ne sommes pas médecins. Nous apportons plutôt une aide aux médecins pour qu’ils puissent faire tout ce dont ils ont besoin pour sauver l’enfant », dit Shmueli. « Et si un médecin dit que le seul traitement approprié pour un enfant est dispensé par le NIH, par exemple, nous dépensons parfois jusqu’à un million de shekels. C’est peut-être un nouveau type de recherche qu’une compagnie pharmaceutique ne peut faire que dans un certain hôpital. »
Shmueli ajoute : « Même si ce ne sont que 20 enfants par an, pour nous, chaque enfant vaut 100 % ».
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