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Italie: Les Juifs s’inquiètent en attendant la prise de pouvoir de Giorgia Meloni

Certains membres de la communauté souhaitent passer outre la nature "intrinsèquement fasciste" de ces leaders d'extrême-droite, se concentrant sur leur soutien apporté à Israël

Brothers of Italy leader Giorgia Meloni gestures flanked by Coldiretti Ettore Prandini, left, prior to speaks during an Italian farmers association's event, at the Sforzesco Castle in Milan, Italy, Saturday, Oct. 1, 2022. (AP Photo/Luca Bruno)
Brothers of Italy leader Giorgia Meloni gestures flanked by Coldiretti Ettore Prandini, left, prior to speaks during an Italian farmers association's event, at the Sforzesco Castle in Milan, Italy, Saturday, Oct. 1, 2022. (AP Photo/Luca Bruno)

JTA — Le succès qui a été enregistré par le parti Frères d’Italie de Giorgia Meloni lors des élections nationales italiennes, la semaine dernière, signifie que le pays devrait se doter dans un proche avenir de son gouvernement le plus à droite depuis la Seconde guerre mondiale, quand l’Italie était l’allié le plus déterminé d’Hitler en Europe.

Une perspective qui trouble de nombreux Juifs italiens, alors même que plusieurs responsables dans la communauté semblent avoir opté pour une approche attentiste et qu’ils se sont abstenus de faire des déclarations publiques sur les résultats.

« Face à la perspective de l’arrivée d’une Première ministre qui est idéologiquement l’héritière du Mouvement social italien, une bonne partie des Juifs italiens s’inquiètent », déclare David Fiorentini, président du Groupe de jeunesse juive d’Italie, à JTA.

Meloni est entrée dans le militantisme politique en intégrant le mouvement des jeunes du Mouvement social italien, connu sous le nom de MSI, un parti néofasciste fondé en 1946 par des personnalités qui avaient travaillé avec Hitler et avec Benito Mussolini, le leader fasciste italien qui avait été au pouvoir de 1922 à 1943. Les Frères d’Italie sont étroitement liés à ce groupe, et la formation occupe d’ailleurs des bureaux dans le même bâtiment où se trouvaient ceux du MSI et elle utilise un logo presque identique, une flamme tricolore.

Fiorentini confie aussi que son inquiétude émane de « la grandiloquence du ton utilisé par le parti », « d’épisodes malheureux au niveau local » et de révélations, faites l’année dernière, sur les liens étroits unissant les responsables de la faction et un fasciste condamné par la justice et ses fidèles.

« Il est naturel que les Juifs ne se sentent pas représentés dans la mesure où le parti n’a pas pris ses distances avec ces facteurs », explique Fiorentini.

Hitler et Mussolini à Munich, en Allemagne, le 18 juin 1940. Hitler était presque à son apogée, ayant remporté une série de victoires et terminant sa conquête de l’Europe occidentale continentale (Crédit : Shutterstock)

Le parti s’enorgueillit de compter dans ses rangs certains membres et soutiens juifs. L’une des nouvelles députées élues sous l’étiquette de la formation, Ester Mieli, est l’ancienne porte-parole de la communauté juive de Rome et elle est la petite-fille d’un survivant de la Shoah – elle a d’ailleurs co-écrit avec son aïeul un livre sur sa survie à Auschwitz. Mieli a indiqué que « tous les candidats se représentent eux seuls, ils ne représentent pas la communauté à laquelle ils appartiennent ».

L’ascension nette et rapide de Meloni — sa formation a remporté 26 % des votes contre 4 % il y a seulement quatre ans – reflète le glissement à droite en cours dans une grande partie de l’Europe, avec des partis de droite plus populistes qui ont gagné en notoriété ces dernières années. Le parti Droit et Justice, en Pologne, et l’Union civique hongroise, le Fidesz, en Hongrie en sont les exemples les plus notables. Mais en Suède également, un parti d’extrême-droite semble prêt à prendre la tête d’un gouvernement de coalition après une performance forte enregistrée lors d’un scrutin qui a eu lieu ce mois-ci.

En partie en modérant la rhétorique extrémiste émanant du sein de la formation, la faction des Frères d’Italie est parvenue à convaincre des partis de droite plus modérés d’intégrer une coalition à ses côtés. Avec cette coalition de droite, Meloni peut donc revendiquer presque 44 % des votes – ce qui est suffisant pour former un gouvernement. Un gouvernement dont elle prendra probablement la tête, devenant la toute première femme Première ministre du pays.

Les Frères d’Italie, dont la devise est « Dieu, patrie, famille », est un mouvement qui épouse des points de vue fermement conservateurs, anti-immigration et eurosceptiques. Le cri de ralliement de Meloni, pendant la campagne électorale, est sorti d’un discours qu’elle avait prononcé – une allocution dans laquelle elle avait déclaré que « Je suis une femme, je suis une mère, je suis une chrétienne » ». Son programme s’oppose au mariage homosexuel et aux adoptions pour les membres de la communauté LGBT, à l’avortement, à l’euthanasie et à la légalisation du cannabis.

Un rassemblement pour marquer la journée mondiale de l’avortement dans le centre-ville de Rome, le 28 septembre 2022. (Crédit : Alberto PIZZOLI / AFP)

Toutefois, contrairement à certains autres dirigeants appartement à la droite la plus dure dans d’autres pays, Meloni a apporté son soutien à l’Ukraine et à l’OTAN depuis le début de l’invasion russe.

Pendant la campagne électorale, les adversaires de Meloni ont affirmé que son parti était fasciste, espérant que l’origine du mouvement découragerait le vote en sa faveur. En 2014, l’un des membres élus au parlement du parti avait publié un post sur Facebook saluant Adolf Hitler, « un grand homme d’État ». Après la révélation par la presse de l’existence de la publication, cette semaine, la formation de Meloni a pris ses distances face au candidat – mais il était déjà trop tard pour supprimer son nom de la liste.

Stefano Jesurum, auteur et ancien membre du conseil de la communauté juive de Milan, explique que certains Juifs italiens préfèrent tenter de passer outre le fait que ces leaders d’extrême-droite sont « intrinsèquement fascistes », préférant se rappeler que leurs partis défendent Israël.

« Pour ces électeurs, l’important, c’est que ces partis d’extrême-droite affirment qu’ils s’alignent inconditionnellement sur Israël », commente-t-il.

Meloni est allée visiter Yad Vashem, le musée de commémoration de la Shoah de Jérusalem, en 2009 alors qu’elle était ministre de la Jeunesse dans le dernier gouvernement de Silvio Berlusconi. Elle a déclaré que cette visite avait été « une expérience qui a ébranlé ma conscience » dans un entretien récent accordé à Israel Hayom, un quotidien israélien.

Meloni a indiqué être pleinement engagée en faveur de la sécurité d’Israël. « Israël représente la seule démocratie à part entière de tout le Moyen-Orient et nous défendons sans réserve son droit à l’existence et son droit à vivre en sécurité », a-t-elle confié à Israel Hayom. « Je pense que l’existence de l’État d’Israël est vitale, et les Frères d’Italie feront tous leur possible pour investir dans une plus grande coopération entre nos deux pays. »

Mais Meloni n’a pas toujours été une supportrice fervente de l’État juif, ne se décrivant pas toujours ainsi. En 2014, elle avait fait l’éloge du Hezbollah, le groupe terroriste basé au Liban qui attaque fréquemment Israël, pour sa défense des chrétiens sur le territoire libanais. Elle avait aussi déploré sur les réseaux sociaux, la même année, « un nouveau massacre des enfants à Gaza », une critique apparente d’Israël, même si elle n’avait pas mentionné explicitement le pays.

Ce n’est qu’après l’installation du nouveau parlement à la mi-octobre, et après l’élection des présidents des deux chambres par leurs membres respectifs que Meloni sera probablement sollicitée par le président italien pour mener la mission de former un nouveau gouvernement et de nommer ses ministres.

Pour le moment, seuls quelques responsables juifs italiens ont dénoncé les résultats du scrutin. Certains d’entre eux – et notamment la présidente de la communauté juive de Rome, Ruth Dureghello, et le président de la communauté juive de Turin, Dario Disegni — n’ont pas souhaité s’exprimer auprès de JTA.

Cela a été également le cas de Noemi di Segni, présidente de l’Union des communautés juives italiennes. Elle a renvoyé JTA au communiqué officiel qu’elle a diffusé à l’occasion de Rosh Hashanah et qui a été publié dimanche, avant les élections.

Dans ce message, elle soumet un plaidoyer à l’adresse des vainqueurs du scrutin à venir.

« Nous demandons à nos responsables élus de s’attaquer aux problèmes de la haine et de l’antisémitisme de manière unie », écrit Di Segni.

La présidente de l’Union des communautés juives italiennes, Noemi Di Segni. (Photo de Giovanni Montenero)

Elle ajoute un avertissement susceptible de s’appliquer à Meloni comme aux Juifs italiens qu’elle représente.

Le nombre de Juifs italiens serait, selon les estimations, d’environ 24 000. La majorité d’entre eux est concentrée dans les communautés de Rome et de Milan.

« La mémoire de la Shoah, les responsabilités du fascisme et l’existence d’Israël en tant que lumière parmi les nations ne forment qu’un, sont identiques ; ce ne sont pas des questions isolées qui peuvent être discutées comme si le reste n’était superflu ou pouvait être nié », ajoute Di Segni dans son message de Rosh Hashana. « Si nos valeurs sont négligées en raison d’un manque d’intérêt, ou au bénéfice d’intérêts individuels ou au bénéfice des intérêts d’une partie spécifique, alors le risque sera réellement élevé. Et il ne suffira plus de dire ‘Attendons de voir’ ou ‘Espérons’. »

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