Khaybar, connue pour une bataille entre Mahomet et des tribus juives, désormais destination de luxe
L'oasis abritait autrefois des milliers de juifs, vaincus au VIIe siècle par l'armée du prophète, qui diffusa alors l'islam dans la péninsule arabique
Connue pour une bataille entre le prophète Mahomet et des tribus juives qui y vivaient, l’ancienne ville de Khaybar, en Arabie saoudite, ambitionne de devenir une destination touristique haut de gamme, dans le cadre des projets du royaume ultra-conservateur pour redorer son image.
Oasis située au milieu d’un champ volcanique dans un majestueux décor montagneux, près de la ville sainte de Médine, dans le nord-ouest du pays, Khaybar abritait autrefois des milliers de juifs, vaincus au VIIe siècle par l’armée du prophète, qui diffusa alors l’islam dans la péninsule arabique.
Un centre d’accueil pour touristes, inauguré en novembre à proximité des anciennes forteresses en ruines, remonte bien plus loin dans l’histoire, jusqu’aux textes anciens faisant référence à sa conquête par le roi babylonien Nabonide.
La bataille du VIIe siècle n’est pas mentionnée sur les présentoirs qui invitent les visiteurs à choisir entre des randonnées autour des volcans bordant le site, des promenades dans les palmeraies luxuriantes ou des excursions en hélicoptère au-dessus des tombes anciennes.
Faire revivre une ville antique
Jadis ouverte essentiellement aux pèlerins musulmans se rendant à La Mecque, l’Arabie saoudite espère désormais attirer les touristes dans le cadre d’un vaste projet visant à diversifier l’économie de cette monarchie du Golfe, surtout connue pour son pétrole et son ultra-rigorisme religieux.
Le pays, qui n’octroie des visas touristiques que depuis 2019, a pour objectif ambitieux d’attirer quelque 30 millions de visiteurs étrangers par an d’ici à 2030, contre quatre millions l’an dernier, dont une bonne partie venue pour les affaires.
Si elle reconnaît « une relation forte avec la religion et le prophète », la guide touristique Enass al-Charif estime que l’importance de Khaybar dépasse l’islam.
La ville « a aussi une forte relation avec l’histoire et la civilisation. Toutes ces choses ont été rassemblées en un seul endroit », affirme-t-elle.
Habitée depuis plus de 200 000 ans, selon les archéologues, la ville, autrefois formée de huit forteresses défensives surplombant l’oasis, était une étape essentielle sur la fameuse « route de l’encens », une importante voie du commerce international qui reliait l’Inde aux pays du Moyen-Orient.
La route passait par Médine, au sud de Khaybar, et par Al-Ula, une autre ville du désert située plus au nord.
Dans les années 1970, le gouvernement saoudien a encouragé les habitants à quitter les vieilles habitations pour de nouveaux quartiers construits à proximité, équipés de plomberie et d’électricité.
« Nous voulions un peu de civilisation et de développement, alors nous sommes partis », se souvient Saïfi al-Chilali, un habitant de Khaybar qui avait une vingtaine d’années lorsque sa famille a déménagé.
« Glamping » et archéologie
Les anciennes habitations ont alors été abandonnées et aujourd’hui, cet ancien instituteur, âgé de 63 ans, fait partie de ceux qui s’efforcent de les faire revivre. L’ouverture de Khaybar aux touristes « est quelque chose que nous attendions depuis longtemps », assure-t-il.
Comme d’autres nouvelles destinations saoudiennes telles que la cité antique d’Al-Ula et ses monumentales tombes nabatéennes, Khaybar vise une clientèle aisée.
Le Khaybar Volcano Camp, un luxueux camp des tentes récemment inauguré, entouré d’imposantes montagnes et proposant dix chambres avec salles de bain, promet de « porter le +glamping+ (le camping glamour, ndlr) à un autre niveau », mettant davantage l’accent sur le cadre pittoresque que sur la curiosité historique.
Pendant ce temps, des fouilles archéologiques continuent de faire la lumière sur l’activité humaine dans la région et sur l’évolution de son climat.
Le projet, soutenu par le gouvernement français et qui devrait durer jusqu’à la fin de l’année 2024, a déjà permis de mieux connaître les habitations néolithiques ou l’art rupestre.
Parmi les découvertes les plus intrigantes figurent les « tombes suspendues », des formations rocheuses qui, vues d’en haut, ressemblent à des pendentifs accrochés à des chaînes sur une étendue désertique.
Leur histoire « reste un mystère », selon le centre d’accueil des visiteurs, mais les archéologues pensent qu’elles remontent à 5 000 ans.
Les habitants de la ville, comme Saïfi al-Chilali, sont impatients d’en savoir plus. « Nous sommes censés faire la lumière sur Khaybar en tant que région historique dont les racines remontent à la préhistoire, en incluant la période juive », affirme-t-il.
« L’histoire doit être connue sous sa forme réelle, sans aucune exagération, » conclut-il.