Israël en guerre - Jour 346

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La campagne mondiale pour une alimentation saine et durable arrive en Israël

Présenté en hébreu, le rapport de la commission EAT - Lancet révèle comment dix milliards de personnes pourront se nourrir sainement d'ici 2050 tout en protégeant la planète

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Photo d'illustration : Des fruits en vente sur le plus grand marché en plein air d'Europe, au Porta Palazzo de Turin, en Italie, au mois d'octobre 2006 (Crédit : AP Photo/J.M. Hirsch)
Photo d'illustration : Des fruits en vente sur le plus grand marché en plein air d'Europe, au Porta Palazzo de Turin, en Italie, au mois d'octobre 2006 (Crédit : AP Photo/J.M. Hirsch)

Une campagne internationale consacrée au changement des habitudes alimentaires, nécessaire pour pouvoir nourrir dix milliards d’individus à l’horizon 2050 sans surexploiter la planète, est arrivée mardi en Israël, avec la diffusion de son rapport en hébreu.

Cette campagne mondiale lancée au mois de janvier 2019 et qui est parrainée par la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet ainsi que par une fondation à but non lucratif, l’EAT, constitue la première tentative visant à établir des cibles universelles, basées sur la science, que devra poursuivre le système alimentaire.

Ces cibles sont applicables à tous et à tous les modes de culture de la terre.

Le rapport de la commission EAT-Lancet, écrit en anglais, a été traduit en arabe, en chinois, en français, en indonésien, en portugais, en russe et en espagnol.

La version en hébreu a été présentée mardi par le musée d’histoire naturelle Steinhardt et par le Forum israélien sur la nutrition durable.

37 scientifiques originaires de 16 pays

Placée sous la présidence conjointe du professeur Walter Willett, de l’école de santé publique T.H. Chan de l’université de Harvard, et du professeur Johan Rockström, de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Postdam et du Centre de résilience de Stockholm, la commission a rassemblé 37 scientifiques de renom, originaires de 16 pays, spécialisés dans la santé humaine, l’agriculture, les sciences politiques et l’environnement durable.

Ils ont conclu qu’il était possible, d’ici 2050, de fournir une alimentation saine à 10 milliards de personnes sans pour autant nuire à la planète et qu’une telle initiative empêcherait la mort de onze millions de personnes par an.

Un homme avec un bol vide et une cuillère manifeste contre la faim et les souffrances au sein du peuple haïtien au cours d’un défilé de milliers de personnes organisé par la communauté des artistes à Port-au-Prince, à Haïti, le dimanche 20 octobre 2019 (Crédit :AP Photo/Rebecca Blackwell)

Doubler la consommation de fruits et végétaux, réduire de moitié la viande rouge

Atteindre cet objectif exigera de consommer plus de deux fois plus de produits sains – fruits, légumes, fruits à coque – et de diminuer de plus de moitié la malbouffe, comme les sucres ajoutés et la viande rouge, ont établi les chercheurs.

Cela nécessitera également des changements spectaculaires des pratiques agricoles, sur terre, et de la gestion des océans, ainsi qu’une diminution de moitié de la quantité des aliments gaspillés ou gâchés, ainsi que des améliorations majeures des techniques de production de nourriture.

« L’alimentation est le seul levier le plus puissant pour optimiser la santé humaine et la durabilité de l’environnement sur Terre. Elle est actuellement toutefois une menace pour les individus et la planète », dit le rapport.

Une mauvaise alimentation est plus risquée que les rapports sexuels non protégés, l’alcool, le tabac et les drogues combinés

« Plus de 820 millions de personnes manquent d’une alimentation suffisante et un grand nombre de plus consomment des produits de basse qualité, ou ils consomment trop. Une mauvaise alimentation pose aujourd’hui un plus grand risque en termes de maladie et de mortalité que les relations sexuelles non protégés, l’alcool, le tabac et la drogue combinés », continue le rapport.

Deux femmes en surpoids sur le site du World Trade Center de New York en 2016 (Crédit : AP Photo/Mark Lennihan)

« La production alimentaire mondiale menace la stabilité du climat ainsi que la résilience de l’écosystème et constitue le facteur le plus fort en termes de dégradation environnementale », poursuit le rapport.

« En prenant tous ces éléments en compte, l’issue est dure. Une transformation radicale du système alimentaire mondial est urgemment nécessaire. Sans action, le monde risque d’échouer à répondre aux Objectifs de développement durable mis au point par l’ONU (SDGs) et à l’Accord de Paris, et les enfants d’aujourd’hui vont hériter d’une planète gravement endommagée, où une grande partie de la population souffrira de manière croissante de la malnutrition et de maladies somme toute évitables », note-t-il encore.

L’assiette saine planétaire

La commission a déterminé qu’en termes de volume, une assiette saine, au niveau de la planète, devait consister approximativement en une demi-assiette de légumes et de fruits, l’autre moitié contenant des grains, des sources de protéine végétale et une quantité modeste de source de protéine animale (ce qui reste optionnel).

Le rapport établit des cibles en termes de quantités définies par groupes de produits alimentaires, sur la base d’un apport de 2 500 calories par jour et sur celle de la nécessité de protéger la planète. Par exemple, il recommande de manger 300 grammes de légumes par jour (entre 200 et 600 grammes au moins) ainsi que 200 grammes de fruits (entre 100 et 300 grammes).

Des produits végétariens vendus au restaurant Village Green sur Jaffa Street, à Jérusalem, le 17 avril 2008 (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

Les quantités de bœuf, d’agneau et de porc, pour leur part, ne doivent pas dépasser les 28 grammes avec une cible optimale de 14 grammes. Le plafond à atteindre pour le poulet et la volaille est de 58 grammes, de préférence 29 grammes.

En plus de l’alimentation, le rapport présente également des cibles pour agir sur le changement climatique et propose des révisions de l’usage de l’eau potable et de la terre, le recyclage du nitrogène et du phosphore et des actions en faveur de la réduction de la baisse de la biodiversité.

A partir de maintenant, clament les chercheurs, l’humanité devra s’appuyer sur les terres agricoles existantes pour son alimentation, sans aucune expansion dans des écosystèmes naturels et dans des forêts riches en espèces. L’exploitation des terres devra être intensive mais durable, avec un rôle important tenu par les innovations techniques, et il faudra réserver la moitié des terres à la conservation de la biodiversité.

Des voyageurs dans les forêts des montagnes de Tatra, en Slovaquie, le 28 août 2019 (Crédit : Anat Hermon/FLASH90)

Le rapport ne prétend pas établir le même régime alimentaire pour tout le monde, préférant plutôt souligner les groupes de produits et les quantités à consommer dans chaque groupe en laissant le reste à l’interprétation et à l’adaptation locales.

Mais il met en garde : une formidable transformation alimentaire n’aboutira pas sans des agissements multi-sectoriels et à de multiples niveaux, qui seront orientés par des cibles scientifiques, et sans rendre les produits sains plus disponibles, plus accessibles et plus abordables.

Il faudra également améliorer les informations en termes de nutrition et la commercialisation des produits alimentaires, investir dans les informations relatives à la santé publique et à l’éducation à la durabilité de l’environnement, mettre en œuvre des réglementations diététiques basées sur les produits alimentaires et utiliser les services de santé pour qu’ils soient en mesure d’apporter des conseils et du soutien dans ce domaine.

Les Israéliens leaders dans la consommation de viande

« Les Israéliens sont en tête s’agissant de la consommation de viande par tête, ce qui augmente le danger de maladie et de mortalité et ce qui entraîne un effet destructeur au niveau de l’environnement », a déclaré le docteur Alon Shepon, président du Forum israélien sur la nutrition durable, lors de la présentation du rapport en hébreu au musée Steinhardt, une cérémonie à laquelle ont assisté des membres de la Knesset, des responsables du gouvernement, des chercheurs et d’autres.

Tamar Dayan

Les officiels du ministère de la Santé ont bien compris les conséquences néfastes d’une consommation significative de produits d’origine animale, a-t-il continué.

Mais les ministères gouvernementaux qui devraient s’intéresser à l’impact environnemental de l’alimentation humaine – ceux de l’Agriculture, de la Protection environnementale et de l’Économie – n’ont pas assez incité les Israéliens à modifier leur consommation de viande.

Le docteur Alon Shepon, chef du Forum israélien pour la nutrition durable (Capture d’écran)

La raison en est, selon lui, que les dégâts causés – feux de forêt, émissions de méthane et gaspillage de l’eau – ont eu lieu dans des pays qui fournissent Israël, et non à l’intérieur de ses frontières.

Au vu du manque de politique détaillée sur l’alimentation en Israël, le rapport EAT-Lancet sert de « levier en faveur d’un changement des attitudes qui est désespérément nécessaire pour les décisionnaires », a ajouté Alon Shepon.

La présidente du musée, la professeure Tamar Dayan, a indiqué que l’État juif se caractérisait par une forte croissance de sa population et par un mode de vie basé sur une consommation excessive des ressources. Tout cela dans un pays qui borde le désert, qui se réchauffe rapidement et où le changement climatique a également des conséquences sur les chutes de pluie.

« A la lumière de tout cela, le défi tel qu’il est posé dans le rapport est particulièrement grand en Israël », a-t-elle averti.

L’EAT a été établi par la fondation Stordalen, le Centre de résilience de Stockholm et le Wellcome Trust pour accélérer la perspective d’une transformation du système alimentaire.

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