La coalition anti-Netanyahu sera fixée sur son sort le 13 juin
Dans l'intervalle de cinq jours, long en politique israélienne, tout est encore possible, - le chef du Likud étant vraiment déterminé à se battre jusqu'au bout
Le président du Parlement israélien a finalement donné une date précise pour le vote de confiance au nouveau gouvernement, qui pourrait évincer du pouvoir Benjamin Netanyahu après 12 ans à la tête du pays.
« Le débat et le vote sur le nouveau gouvernement se tiendront dimanche 13 juin 2021 lors d’une session spéciale du Parlement », a annoncé dans un communiqué Yariv Levin, président de la Knesset, mardi.
Ce vote est la dernière étape avant l’installation au pouvoir de la coalition très hétéroclite formée in extremis le 2 juin par le chef de l’opposition Yaïr Lapid avec deux partis de gauche, deux du centre, trois de droite dont Yamina (radicale nationaliste) et la formation arabe israélienne Raam (islamiste).
« Le gouvernement d’union est en route pour le bien des citoyens de l’Etat d’Israël », a réagi dans un tweet le centriste Yaïr Lapid.
Dans l’intervalle de cinq jours, long en politique israélienne, tout est encore possible, M. Netanyahu, chef du parti de droite Likud, étant vraiment déterminé à se battre jusqu’au bout.
D’ailleurs, les membres du nouveau gouvernement espéraient en finir avec ce vote dès ce mercredi.
Mais le président de la Knesset, Yariv Levin, un fidèle de M. Netanyahu, avait annoncé sous les huées des parlementaires qu’il utiliserait les sept jours requis par la loi, soit « jusqu’au lundi 14 juin » pour organiser cette consultation formelle, sans donner à ce moment-là de date précise.
Dimanche, le futur Premier ministre, le chef de Yamina Naftali Bennett, avait appelé M. Levin à ne pas jouer la montre.
« Nous savons que Netanyahu met la pression pour retarder ce vote afin de tenter de trouver des transfuges mais vous devez agir pour le bien de l’Etat pas pour celui de M. Netanyahu », avait plaidé Bennett dans une allocution solennelle, appelant le Premier ministre sortant, son ex-mentor, à cesser de pratiquer la politique de « la terre brûlée ».
Les grandes orientations, les conditions d’entrée ou de sortie de la coalition ainsi la répartition dans le détail des portefeuilles, sont encore à l’étude. Un document formel devra être déposé au Parlement avant le vote.
Cet accord final entérinera notamment le principe de rotation à la tête du gouvernement. Le chef du parti Yamina, Naftali Bennett, en prendra la tête jusqu’en 2023 avant de céder la place de Premier ministre à Yaïr Lapid jusqu’en 2025.
La nouvelle coalition, censée mettre un terme à plus de deux ans de crise politique marquée par quatre élections législatives dont trois non concluantes, a été formée pour évincer M. Netanyahu, Premier ministre le plus pérenne de l’histoire du pays avec 15 ans au total au pouvoir (1996-1999 et de 2009 jusqu’à présent).
Mais sinon, tout ou presque, les oppose.
L’un des projets phare de ce gouvernement annoncé comme plus que fragile concerne ainsi le vote d’une loi qui permettrait d’écarter définitivement une nouvelle candidature de M. Netanyahu, jugé pour fraude et corruption dans plusieurs affaires.
« Ce n’est pas ad hominem, mais nous considérons qu’une personne inculpée ne peut pas servir comme Premier ministre ou en recevoir le mandat du président », a déclaré la députée du parti Yesh Atid Karin Elharar.
« Il n’y a jamais de 100 % en politique israélienne, mais ce gouvernement a les plus grandes chances de voir le jour », avait déclaré le centriste Yaïr Lapid, juste avant l’annonce du chef du Parlement.
« Ce gouvernement sera formé. Et ce sera un gouvernement de qualité et durable, parce qu’il se fonde sur des éléments positifs : la confiance, la décence et la bonne volonté », avait-il ajouté.
En vertu d’un accord de rotation, M. Bennett dirigera en premier le gouvernement jusqu’en 2023 avant de céder la place à Yaïr Lapid jusqu’en 2025.
Inculpé pour corruption dans plusieurs affaires, Benjamin Netanyahu, 71 ans, de son côté, a multiplié les mises en garde et les formules de dénigrement contre la nouvelle équipe, jusqu’à en inquiéter les services de sécurité locaux.
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Lundi, il a de nouveau qualifié sur Twitter de « gouvernement de gauche dangereux » la nouvelle équipe.
Aux cris de « traîtres », ses partisans ont multiplié les menaces en ligne ou lors de rassemblements devant les domiciles des dirigeants de la nouvelle coalition.
Un climat qui « rappelle les jours ayant précédé la mort de Yitzhak Rabin », relève le quotidien le plus lu du pays, Yediot Aharonot, en référence à l’assassinat du Premier ministre travailliste israélien en 1995 par un extrémiste juif à la suite des accords d’Oslo sur une autonomie palestinienne.
Nadav Argaman, le patron du Shin Bet, le service de sécurité intérieure, est d’ailleurs exceptionnellement sorti de sa réserve habituelle pour mettre en garde les responsables politiques contre « une augmentation des discours incitant à la violence, notamment sur les réseaux sociaux ».
Des discours, selon lui, qui peuvent être « compris par certaines personnes ou certains groupes comme un permis pour commettre des violences » pouvant aller jusqu’à entraîner des « blessures mortelles ».
Un événement plus qu’un autre faisait redouter une flambée de violence et de possibles retournements politiques : la « marche des drapeaux » initialement prévue jeudi à Jérusalem, à l’appel de figures de l’extrême-droite et en passant par les quartiers palestiniens.
Mais la manifestation a finalement été annulée par les organisateurs après le refus de la police d’approuver son tracé. Néanmoins certains députés, dont May Golan (Likud), ont annoncé qu’ils marcheraient quand même jeudi.