La communauté heureuse de l’alignement des politiques israéliennes et américaines sous Trump, dit William Daroff
Le numéro un de la Conférence des présidents (CoP) note que certains dirigeants ne se réjouissent guère du plan pour Gaza, mais qu'ils sont satisfaits de constater l'étroitesse des liens qui unissent les deux pays

De nombreux responsables juifs américains ont été troublés par la proposition qui a été faite par le président américain Donald Trump, la semaine dernière, concernant la prise de contrôle de Gaza par les États-Unis. Mais en même temps, les dirigeants des organisations juives sont heureux de constater un alignement solide entre Trump et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dit William Daroff, le numéro un de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines (CoP), une organisation qui est largement considérée comme l’incarnation principale du judaïsme américain.
« Très certainement, il y a un certain nombre de leaders juifs américains qui ne sont pas satisfaits des propositions politiques spécifiques qui ont été présentées lors de la réunion [entre Trump et Netanyahu, une rencontre organisée à Washington la semaine dernière], en particulier s’agissant de la proposition concernant Gaza », déclare Daroff au Times of Israel lors d’une interview, dimanche, à Jérusalem, avant le rassemblement des 75 dirigeants d’organisations juives qui forment la Conférence des présidents, un sommet qui doit avoir lieu la semaine prochaine.
« Mais pour le moment, Netanyahu et Trump semblent chercher à s’aligner – un alignement qui, tel qu’il se présente, indique les relations étroites qui existent entre l’Amérique et Israël, et c’est quelque chose que tous les dirigeants de la communauté juive américaine soutiennent », s’exclame le chef de la CoP.
Lors d’une conférence de presse donnée aux côtés de Netanyahu à Washington, la semaine dernière, Trump a indiqué que les États-Unis « prendraient le contrôle » de Gaza et qu’ils relogeraient ses habitants, de façon à ce que la bande puisse être rasée et transformée en une « côte d’Azur du Moyen-Orient ». Si le Premier ministre et d’autres responsables israéliens de l’échiquier politique ont salué cette proposition, cette dernière a été largement condamnée et rejetée dans la région et au-delà.
Dans l’ensemble, « ça a été une semaine très positive où la proximité entre nos deux pays a été plus manifeste que jamais », se réjouit Daroff en évoquant la visite de six jours de Netanyahu à Washington. « L’équipe de Trump chargée du Moyen-Orient est composée de personnes que la communauté juive américaine connaît, qu’elle apprécie. Les mesures qui ont été prises, concernant [les sanctions à l’encontre] de la Cour pénale internationale et [les enquêtes] sur l’antisémitisme qui sévit sur les campus universitaires, sont toutes en phase avec les points qui figurent sur l’agenda politique qui est par ailleurs soutenu par de nombreux membres de la communauté juive ».
Daroff fait remarquer qu’il est évident, d’après les trois premières semaines de mandat de Trump, que le président américain comprend mieux le fonctionnement de Washington que cela n’avait été le cas lors de son premier mandat, et qu’il a appris à travailler avec plus d’efficacité.

La conclusion d’un accord de normalisation potentiel entre Israël et l’Arabie saoudite représenterait une « victoire totale » sur le chaos que le Hamas avait tenté de semer le 7 octobre 2023, ajoute Daroff.
« Cette attaque a été clairement prévue pour faire dérailler les progrès qui avaient lieu dans les négociations entre l’Amérique, Israël et les Saoudiens », explique Daroff. « Le fait que près de 500 jours après le début de la guerre, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc n’aient pas rappelé leurs ambassadeurs ou interrompu leurs relations avec Israël témoigne de la solidité de ces relations ».
Au cours de son déplacement aux États-Unis, Netanyahu ne s’est pas entretenu avec les leaders juifs américains, comme il le fait habituellement lors de ses voyages à Washington. En revanche, il a rencontré des personnalités de l’administration Trump, des dirigeants du Congrès et des responsables évangéliques chrétiens.
Si certains leaders de la communauté juive s’en sont offusqués ou qu’ils ont laissé entendre que cette absence de contacts reflétait les tensions dans les relations entre Israël et la Diaspora, Daroff minimise cette décision prise par le Premier ministre.
« Je sais qu’il a eu un emploi du temps très chargé pour cette visite », explique Daroff. « Nous avons rencontré le Premier ministre lors de ses derniers voyages à Washington et à New York, et nous avons eu des réunions productives. La Conférence des présidents doit s’entretenir avec Netanyahu la semaine prochaine à Jérusalem, et je suis sûr que nous aurons une réunion animée à cette occasion ».

Des courants changeants
Les Juifs américains ont connu des changements importants au cours des seize mois qui avaient suivi le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. L’antisémitisme qui a grimpé en flèche sur tout le territoire des États-Unis a amené de nombreuses organisations juives à se serrer les coudes, selon Daroff.
« Depuis le 7 octobre, nous avons vu l’antisémitisme ressortir des égouts et ce dans le monde entier. En Amérique, les activités sur les campus universitaires, dans les réunions des conseils d’administration des écoles, avec les manifestations pro-jihad, pro-Hamas, ont été surprenantes… Ça a été un signal d’alarme », raconte Daroff.
« Le 7 octobre, nous avons tous reçu un coup de poing dans le ventre quand Israël a été pris d’assaut – puis nous en avons reçu un deuxième quand nous avons constaté que nos voisins, nos amis et les personnes que nous pensions être nos alliés en Amérique ne se tenaient pas à nos côtés. Nous avons tous été surpris par la réaction de nombreux campus universitaires et par les réactions de la société dans son ensemble, notamment par les réactions des organisations féministes qui ont minimisé et qui ont nié les crimes commis à l’encontre des femmes », indique Daroff.
« S’il y a certainement un grand nombre de personnes qui se tiennent encore à nos côtés, je pense que ça nous a fait prendre conscience qu’il est important d’établir des relations et des liens avec nos compatriotes juifs. Ce n’est peut-être pas politiquement correct de dire ça, mais je pense que nous assistons à un retour au nid, à un retour vers le judaïsme ».

Le judaïsme américain a connu un renforcement depuis le 7 octobre, avec un engagement accru auprès des synagogues qui ont vu leur fréquentation augmenter. Une somme « largement supérieure à un milliard de dollars » a aussi été collectée pour répondre aux besoins d’Israël au lendemain du 7 octobre, fait remarquer le chef de la CoP.
La communauté juive américaine est-elle en état de crise ? A cette question, Daroff répond en reprenant les mots de son prédécesseur à la tête de la Conférence des présidents : « Malcolm Hoenlein dit que les Juifs se trouvent toujours dans l’une des trois situations suivantes : soit ils sont sur le point d’entrer dans une crise, soit ils sont en crise, soit ils s’extraient d’une crise ».
L’une des priorités de la Conférence des présidents actuellement est la loi consacrée à la sensibilisation à la question de l’antisémitisme – un texte qui obligerait le ministère de l’Education à respecter la définition de l’antisémitisme qui a été élaborée par l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), dit Daroff.
Il explique que les membres de l’organisation ont exercé des pressions fortes en faveur de cette législation et que plus de la moitié des états américains ont d’ores et déjà adopté la définition de l’IHRA – qui est considérée comme la « norme d’excellence » s’agissant de l’identification de l’antisémitisme – définition qui a par ailleurs été acceptée par des centaines de pays, d’universités et autres.
Daroff déclare être optimiste en ce qui concerne l’adoption du projet de loi – dont l’avancée avait tourné court parce que le sénat ne l’avait pas voté, l’année dernière. Il a été une nouvelle fois présenté à la Chambre des représentants, la semaine dernière.
Alors que certains accusent cette définition d’interdire, dans les faits, les critiques légitimes de l’État d’Israël en faisant un lien entre antisémitisme et antisionisme, Daroff qualifie ce même lien de « levier déterminant » dans la promotion de la haine antijuive.
« Quand quelqu’un lance un cocktail Molotov à travers la fenêtre d’une synagogue à Montréal pour protester contre ce que fait une armée, à 6 000 kilomètres de là, c’est une démonstration claire du lien qui existe entre les deux », affirme Daroff.
La Conférence des présidents a fait de l’adoption universelle de la définition de l’IHRA une priorité absolue et l’organisation travaille en étroite collaboration avec les gouverneurs et avec les députés de manière à ce qu’elle soit adoptée dans tous les états, indique Daroff.

Par ailleurs, les pressions exercées sur les universités, qui ont été sommées d’assurer la protection de leurs étudiants juifs, ont commencé à porter leurs fruits.
« Cette année a été plus calme sur les campus », note Daroff. « Nous encourageons les administrateurs des universités à respecter leurs codes de conduite et à suspendre ou à expulser les étudiants qui enfreignent les règles. Nous leur demandons de jouer un rôle proactif en disant clairement qu’il ne doit pas y avoir d’antisémitisme sur les campus et nous leur demandons de veiller à ce qu’il existe des mécanismes permettant aux étudiants juifs de signaler les violations et de porter plainte ».
Daroff garde l’espoir d’une résurgence de la vie juive dans l’après-guerre aux États-Unis et dans le monde.
« Il y a une chose que nous avons apprise au cours de cette période, c’est que quand un enfant de sept ans est agressé à Rome, nous en ressentons les effets jusqu’en Amérique et que lorsqu’un jeune de 17 ans est attaqué à Brooklyn, nous en ressentons les effets jusqu’à Jérusalem », dit-il. Il ajoute que « cette connectivité est quelque chose que nous devrons essayer de conserver dans des temps meilleurs ».
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