Israël en guerre - Jour 430

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La (fragile) transformation de Jénine, l’ancienne « capitale des terroristes-suicides »

Les résidents de la tristement célèbre ville de Cisjordanie veulent gagner leur vie plutôt qu'une troisième Intifada  

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Une rue de Jénine (Crédit : Almonroth, Wikipedia)
Une rue de Jénine (Crédit : Almonroth, Wikipedia)

Jénine – Il faut un certain temps pour habituer nos oreilles à la bande son incessante des voix et des cris tonitruants. Il y a une foule de gens et près de 180 étals de marché, tous remplis de fruits et légumes du meilleur choix. Le nouveau centre commercial qui a ouvert il y a quelques jours est déjà devenu l’un des plus populaires des habitants de Jénine et des citoyens arabes israéliens, en particulier ceux de Wadi Ara.

Les habitants appellent le nouveau centre, construit par la municipalité, Al-Mujma. Tous les étals illégaux du  marché de Jénine ont été transférés ici de manière ordonnée, et les vendeurs qui ont reçu des licences peuvent vanter leurs marchandises. L’un d’eux crie « Trois pour dix, trois pour dix » – signifiant trois kilos de concombres pour dix shekels – presque dans mon oreille. « Les tomates sont à sept shekels le kilo », ajoute-t-il, au cas où. Dans les autres stands, les prix sont encore plus bas.

Un jeune Palestinien s’approche de nous et me demande d’écrire son nom. « Mohammed Zaeir. Je suis de la ville de Jénine. Je veux ouvrir un étal de marché, mais la municipalité ne me laisse pas le faire.  Pourquoi tous les gens ici ont-ils obtenu des permis ? Parce qu’ils reçoivent un traitement préférentiel. Toutes les personnes qui achètent chez moi savent que je vends la bonne marchandise, que je respecte la clientèle. J’ai quatre enfants et je veux simplement les nourrir. »

C’est, peut-être, l’histoire de la « nouvelle » Jénine résumée en quelques lignes. Car Jénine n’est plus la ville que les Israéliens craignent depuis la deuxième Intifada, et cela depuis un certain temps. Elle était connue comme « la capitale des terroristes-suicides », l’endroit le plus dangereux de Cisjordanie, où les combats les plus féroces de l’opération Bouclier défensif de 2002 ont eu lieu.

Mais personne ici ne parle plus d’Intifada ou de « guerre contre les Juifs ». Tout le monde parle de salaires et d’argent. Les hommes armés sont partis et de plus en plus de centres commerciaux ont ouverts pour attirer les clients israéliens (arabes).

« Jeningrad »

Le trafic s’alourdit alors qu’un grand nombre de voitures israéliennes convergent vers le point de passage posté avant Jénine. Les inspecteurs de sécurité s’assurent que seuls les Arabes israéliens passent à travers – aucun Juif, à Dieu ne plaise – et en quelques secondes, les voitures se frayent un chemin vers la ville.

Presque tout le monde est venu pour du shopping. Certains seulement pour faire un tour. Le samedi, les rues sont particulièrement fréquentées, des milliers de visiteurs venant d’Israël à Jénine – ou « Jeningrad », selon le terme de Yasser Arafat suite au fameux combat qui a eu lieu dans son camp de réfugiés lors de l’opération Bouclier défensif. Ces terribles batailles, qui ont pris fin avec la destruction d’une grande partie du camp de réfugiés par des bulldozers de l’armée israélienne, ont coûté la vie à 23 Israéliens et à 58 Palestiniens.

Les habitants du camp ont consacré une section spéciale du cimetière aux chahids, ou martyrs, de 2002. Mais en raison de la pénurie de tombes dans le camp, la section s’est ouverte au public, et des gens « ordinaires » sont enterrés là aussi. À côté du nom du défunt, le nom du groupe auquel il appartenait et l’incident dans lequel il a été tué sont gravés sur chaque pierre tombale. La bataille dans laquelle des hommes armés ont tendu une embuscade aux réservistes de la 5e brigade de Tsahal, tuant 13 d’entre eux, a eu lieu dans le quartier Al-Hawashin, à proximité.

Fatna Salah, 46 ans, se souvient de presque tous les instants. « Nous étions à la maison quand la bataille a commencé. Toutes les familles voisines, des sections de Rashida et d’Ayesha, nous ont rejoints, et nous étions 37 à vivre sous un même toit. Il y avait tout le temps des coups de feu autour de nous, des bulldozers démolissaient les bâtiments et des gens étaient tués. Ma sœur a accouché à l’intérieur de la maison. Après 11 jours, nous sommes sortis, brandissant des drapeaux blancs, et nous nous sommes rendus. »

Ces jours difficiles de l’opération Bouclier défensif – lorsque l’armée israélienne a détruit l’infrastructure qui formait et envoyait les terroristes suicides en Israël – sont encore un souvenir douloureux pour beaucoup de gens. Mais les bâtiments qui ont été démolis ont été reconstruits il y a des années, même si certains d’entre eux portent encore les marques des balles qui ont troué les murs.

Des photographies de chahids ornent presque chaque mur du camp. Certains appartenaient aux Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, l’aile militaire du Fatah ; d’autres aux Hamas, et la plupart au Jihad islamique. Jénine est considérée comme le fief cisjordanien de ce dernier. Un immense poster glorifie le shahid Mohammed Tawalbeh, membre du Jihad islamique, l’homme qui était le plus recherché de Jénine pendant des années. Sa famille tient un commerce à la petite intersection appelée Tawalbeh 2, pour les résidents du camp. Une mosquée du camp porte également son nom.

Mais les batailles de cette époque s’effacent peu à peu de la mémoire publique. Mardi midi, le camp autrefois agité semble bayer aux corneilles. Deux enfants se querellent, perturbant le calme. L’affiche bien connue de l’ancien dictateur irakien dans l’une des rues du camp dit quelque chose de la nouvelle atmosphère. La pancarte qui disait « Quartier de Saddam Hussein, commandant et martyr » il y a quelques années a disparu complètement, et l’image de Saddam n’est plus qu’une vague silhouette.

La plupart des 17 000 habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage est parmi les plus élevés de la région, même si peu de gens se risquent à donner un nombre réel. Le taux général de chômage dans le secteur de Jénine est d’environ 20 %. Dans le camp de réfugiés, probablement le double.

Dans une autre section du camp, à plusieurs mètres de la maison de Fatna, se dresse le Théâtre de la Liberté, fondé par Juliano Mer-Khamis, le célèbre acteur israélien qui a déménagé à Jénine et y a vécu jusqu’à son assassinat en avril 2011, qui demeure irrésolu à ce jour.

Juliano Mer Khamis au Théâtre de la Liberté dans le camp de réfugiés de Jénine (Crédit : Issam Rimawi / FLASH90)
Juliano Mer Khamis au Théâtre de la Liberté dans le camp de réfugiés de Jénine (Crédit : Issam Rimawi / FLASH90)

Le théâtre offre un spectacle intitulé « Siege », en tournée dans toute la Cisjordanie. « Siège » raconte l’histoire du siège israélien de l’église de la Nativité en 2002.

Zakaria Zubeidi, second gérant du théâtre et proche ami de Mer-Khamis, était considéré à l’époque comme le commandant des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, peut-être comme une sorte de shérif local.

Aujourd’hui, il vit en détention préventive dans un complexe de la Force de sécurité préventive palestinienne à Ramallah, dans le cadre d’un accord avec Israël – un arrangement dont le but est de l’empêcher de s’impliquer dans des activités hostiles et d’éviter d’éventuelles tentatives d’assassinat.

Les perspectives de Mohammed Sabar

Dans le bureau des services du camp de réfugiés, nous rencontrons Mohamed Sabar, 41 ans, dont le frère Ala était le commandant des Brigades à Zubeidi, jusqu’à son élimination en 2002. Sabar a passé 23 ans dans une prison israélienne. «J’ai tué un agent de police en 1990 quand j’avais juste seize ans et demi. Depuis lors, j’étais en prison, jusqu’à ma libération dans la deuxième phase des accords entre Abu Mazen (le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas) et Israël. »

Dites-nous, la nouvelle génération dans le camp parle-t-elle la langue que vous et votre frère parliez alors –résistance, violence, Intifada ?

Ma génération de la première Intifada, et celle de mon frère, de la seconde, ne ressemblent pas à la nouvelle génération. Leur langue n’est pas la langue de l’Intifada. Deux jeunes étudiants étaient là juste avant votre arrivée. Nous avons parlé de ce que veulent les gens ici dans le camp. Vous seriez surpris d’apprendre qu’ils ne parlent pas de conflits ou d’escalade. Ce n’est pas dans leur conscience maintenant. Personne ne veut revenir à 2002. Chacun pense à lui-même.

Ici, dans mon bureau, nous pensons à des projets visant à améliorer les conditions de vie dans le camp, mais rien de plus. Dans la situation actuelle, nous pensons à des emplois et à des projets d’aide sociale, sans chercher à changer la situation dans son ensemble. Même les organisations palestiniennes restent passives ; elles n’essaient pas de lancer quoi que ce soit.

Et je dois dire que je sens que nous avons réussi à obtenir plus qu’au cours de toutes les années de guerre. Nous avons la reconnaissance et le statut international. Nous voulons plus – nous voulons un Etat – mais pour l’instant, il me semble que la situation actuelle, ce calme, durera, au moins tant qu’Abu Mazen est au pouvoir.

Mais nous nous dirigeons vers l’inconnu. Vous me demandez : « Qu’est-ce qui va se passer ? », je ne sais pas quoi vous dire. Personne ne peut faire de promesse. Mais personne ici, y compris les plus pauvres, ne veut de problèmes.

Notre leadership établit la politique. Pas tout le monde ne prend la loi dans ses propres mains. Aujourd’hui, il n’est pas acceptable d’être armé dans le camp ou ailleurs. Je crois que nous ne reviendrons pas à la situation de 2002 de sitôt. L’attitude fondamentale des gens en ce moment est qu’ils veulent vivre dans la dignité. Ils ne veulent pas de révolution ou de violence.

Quand notre chef, le président, a déclaré : « Tout sauf la violence », cela a percé. En fin de compte, la nation est influencée par la position du président et du leadership parce que, entre autres raisons, il est cohérent. Il répète les mêmes phrases tout le temps, et le public comprend le message. Nous ne voulons pas revenir à ce cycle.

Bien sûr, il y a des choses qui ne dépendent pas que de nous, et il faut s’en rappeler aussi. Il y a divers groupes ici, et s’ils font quelque chose, tout ira mal. Le Hamas, par exemple. Nous avons entendu récemment que certaines de ses cellules ont été arrêtées pour avoir planifié des attentats terroristes. Cela aurait tout gâché, malgré la forte volonté de ne pas retourner à la violence.

Mon espoir est que même si le gouvernement israélien est de droite, quelque chose dans votre société, et dans la nôtre aussi, changera pour le mieux. Après tout, tout le monde sait à quoi ressemblera un accord de paix, plus ou moins. Les frontières, Jérusalem, les réfugiés. Oui, Abu Mazen a capitulé sur les réfugiés, même s’il le nie. Alors, vraiment, je pense qu’il ne reste pas beaucoup à faire, sauf la paix.

Mais vos jeunes respectent-ils l’Autorité palestinienne ?

Non, pas du tout. Et je vais vous dire pourquoi. L’Autorité palestinienne n’aide personne ici dans le camp. Seule l’agence [UNRWA] le fait. Les taux de chômage et de pauvreté sont élevés ici. La situation économique est mauvaise. Les gens ne peuvent joindre les deux bouts. Certains d’entre eux n’ont même pas d’argent pour du pain, nous essayons d’aider là où nous le pouvons. L’Autorité palestinienne n’aide pas, car seule l’UNRWA est censée fournir une assistance. Dans la définition de l’AP, nous sommes un camp de réfugiés que l’ONU, et non l’Autorité palestinienne, est censé aider.

Ne vous méprenez pas ; l’Autorité palestinienne ne pourrait pas aider, même si elle le voulait, car l’argent des pays donateurs ne peut être accordé aux réfugiés puisqu’il est versé à l’UNRWA séparément. Comment se fait-il que l’UNRWA n’a pas assez de fonds ? Quand j’ai demandé récemment une aide pour une école en particulier, l’AP m’a dit que c’était le travail de l’UNRWA. Mais l’UNRWA dit : « Je n’ai pas d’argent.» Donc, il n’y a personne pour les aider. Et dans de nombreuses situations comme celles-là, je vois les réfugiés – nous-mêmes – nous perdre, et perdre des deux côtés.

Vous essayez, avec vos capacités réduites, de survivre. Et les problèmes ici sont toujours trop importants. A la vérité, les problèmes des camps de réfugiés dépassent aussi l’Autorité palestinienne.

Voyez-vous cela comme de la discrimination ? Ressentez-vous de l’injustice ?

Ce n’est pas ainsi que je le vois, mais les gens qui vivent ici se sentent comme des citoyens de seconde classe ; ils sentent qu’ils ne sont pas aidés et traités comme tout le monde. Bien sûr, cela concerne la politique. L’AP ne peut résoudre les problèmes dans les camps. Elle ne peut plus rien faire pour résoudre le problème du chômage. Des familles entières vivent ici avec 750 shekels pour trois mois parce que c’est l’allocation de chômage qu’ils reçoivent de l’UNRWA. Je dirige une colonie de jour ici qui coûte 25 shekels – un paiement unique – et les gens ne peuvent même pas payer cela.

La situation économique crée une tension envers l’AP, avec un bon nombre de hauts et de bas. En fin de compte, l’orientation générale du leadership – le calme – est ce que tout le monde veut.

Des rénovations en cours

Dans le centre-ville de Jénine, en face de l’entrée de la Vieille Ville, un Palestinien peint la coupole d’une mosquée. Les stands ont été retirés de l’ancien marché et les rues ont été nettoyées.

Ibrahim Shwabneh de Silat al-Harithiya, qui possède un magasin dans le marché, semble heureux. « Tout le monde veut de l’ordre. Il est bon d’avoir la loi et l’Autorité palestinienne ici et pas de fauda [chaos] ou d’hommes armés. C’est bel et bien fini. Je peux aller dormir en paix, sachant qu’il n’y a pas de cambriolages et de vols ici chaque nuit, comme c’était monnaie courante. L’Autorité palestinienne doit être forte, et quiconque enfreint la loi doit être puni. »

Le Festival Sibat a eu lieu au cours des trois derniers jours dans la célèbre cinémathèque de la ville. Ceux qui y ont assisté disent qu’on pouvait à peine bouger tant il y a avait foule. Au programme : de nombreux spectacles de danse, poésie et art palestinien, des activités pour les enfants et bien plus encore.

La zone Sibat elle-même – la Vieille Ville – a été rénovée à l’initiative du gouverneur palestinien, Ibrahim Ramadan (Abu Iyad). On peut y trouver des magasins à l’ancienne. Nous entendons le son d’un oud à l’intérieur de l’un d’eux. Le musicien, Shadi Ilari, vient à notre rencontre.

« Je travaille dans l’usine d’aluminium, mais mon hobby est l’oud », dit-il. « Pourquoi l’oud ? Parce qu’il a un son différent, ce que j’adore. Je joue depuis que j’ai 15 ans, la plupart du temps pour moi-même. »

Célibataire de 28 ans, il vit dans le village de Massilia. « Je préfère le village, c’est calme. »

Si la situation économique ici est assez correcte par rapport aux autres villes de Cisjordanie, elle n’est pas facile, et c’est un euphémisme. Les chauffeurs de taxi qui s’assemblent à la gare routière centrale de la ville sont amers (comme dans d’autres endroits) parce qu’ils gagnent si peu, mais ils ne critiquent pas l’Autorité palestinienne. Ils se souviennent très bien des années où Jénine était sous siège, sans aucun moyen de sortir.

Aujourd’hui, un chauffeur de taxi qui part de Jénine au nord de la Cisjordanie peut rouler jusqu’à Hébron dans le sud sans rencontrer de points de contrôle (sans compter les surprises).

Mazen Salameh, chauffeur de taxi du village de Jab’a, gagne en moyenne 70 shekels par jour. « La situation économique n’a pas été très bonne ces derniers mois parce que les salaires des fonctionnaires de l’Autorité palestinienne n’ont pas été réglés dans leur totalité. Maintenant (avec Israël et l’Autorité palestinienne qui ont résolu ce différend), nous verrons si cela change. »

Alors, comment vivez-vous avec 70 shekels ?

« Qui a dit que je vis ? J’ai six personnes à la maison. Je ne reçois pas d’aide. Et les gens ici veulent gagner leur vie. Pensez-vous que nous voulons du sang ou de violence ? Certainement pas. La nation palestinienne veut le calme, la stabilité et un moyen de subsistance, tout comme vous. Et contrairement à la situation en 2000, la nation fait sens aujourd’hui. Quel bien nous fera une Intifada maintenant ? Qu’y gagnerons-nous ? Une Intifada ne nous servira pas, et nous n’en voulons pas. »

« Le problème est que depuis 1993, vous, les Israéliens, nous faites des promesses de paix. Et qu’avons-nous obtenu ? Imaginez-vous dire à votre enfant : ‘je te donne un bonbon dans une semaine’, et puis lui dire : ‘en fait, ce sera la semaine prochaine’, et vous le faites lambiner. De toute évidence, cela explosera à la fin. »

D’autres gagnent moins. Subhi Atara nettoie les toilettes à la station de taxi. Il est paralysé des jambes. Il gagne en moyenne 50 shekels par jour.

Ayman Mutahana, propriétaire de la boutique de falafels, gagne le double – 100 shekels par jour – et ses deux employés gagnent 50 shekels chacun. « Un falafel coûte trois shekels, et tout le monde est dans une situation financière difficile. L’Autorité palestinienne assure la sécurité et la stabilité, et la situation est nettement meilleure qu’elle ne l’était il y a dix ans. Nous ne voulons pas de troisième Intifada. Point final. Absolument pas. Les gens d’ici veulent manger, gagner leur vie. C’est ce qui préoccupe tout le monde ici. S’il devait y avoir un incident sécuritaire, il est évident pour nous que l’ensemble de la situation économique s’écroulerait une fois de plus. »

Nur a-Din, poissonnier, semble moins enthousiaste à propos de l’AP. Il obtient ses marchandises deux fois par semaine de Jaffa : une abondance de poissons, dont des mulets et de la dorade. Sa barbe épaisse éveille le soupçon qu’il soutient le Hamas. « Tout le monde a des réserves quant à l’AP, mais tout bien considéré, la situation est bonne. »

Qu’en est-il du Hamas et du Jihad islamique ? « Honnêtement, je ne sais pas. Nous voulons simplement vivre dans le calme. »

Le Hamas, et principalement le Jihad islamique, sont présents dans cette ville, comme dans toutes les autres villes de Cisjordanie. Mais comme dans d’autres endroits, ils ont appris à faire profil bas. Seuls les drapeaux hissés de temps en temps au-dessus des maisons ou des bâtiments, principalement dans le camp de réfugiés, révèlent leur présence.

Rencontre avec le gouverneur

« Le Hamas ou le Jihad islamique – cela n’a pas d’importance», dit Ibrahim Ramadan, le gouverneur de Jénine. « En ce qui me concerne, quiconque enfreint la loi sera puni. »

Dans son bureau à Jénine, Ramadan affirme que l’Autorité palestinienne a adopté une politique de tolérance zéro envers les criminels. Mais parfois, les activités de l’Autorité palestinienne, en particulier dans les camps de réfugiés, ont généré un conflit réel, et même des échanges de tirs.

« Il n’y a pas plus d’armes dans la rue à Jénine, et les gens ici apprécient l’Autorité palestinienne. Oui, même dans les camps de réfugiés », dit-il. « Il avait des frictions dans le passé, et nous avons arrêté 14 personnes, mais c’était des gens qui avaient enfreint la loi. J’ai visité le camp et les maisons des résidents, et ils m’ont réservé un bon accueil. »

« Je vous le dis : le camp est rempli de gens qui veulent préserver l’état de calme et ne souhaitent pas de problèmes. Notre objectif est de rendre les gens heureux, leur donner le sourire, soutenir les pauvres et les étudiants. Les fusillades ont été maîtrisées, et il n’y a plus de friction entre l’AP et les résidents du camp. »

Ramadan, qui a commencé son mandat de gouverneur il y a environ dix mois, considérait Jénine pendant de nombreuses années sous l’angle sécuritaire – qu’il a appris à connaître quand il était commandant de la Force de sécurité préventive de la région. « La situation sécuritaire n’était pas bonne dans le passé. Aujourd’hui, elle est vraiment bonne. Mais il n’y a jamais de 100 %, tout comme il n’y a jamais de 100 % en Israël. Sinon, nous n’aurions pas besoin d’une force de police. »

Il poursuit : « Regardez ce que nous avons fait avec la place du marché. Nous essayons de réorganiser le marché depuis 29 ans et avons échoué à chaque fois. Maintenant, nous avons réussi. Des milliers d’Arabes israéliens viennent ici. Certains d’entre eux poursuivent jusqu’à Naplouse, mais la plupart d’entre eux font leurs courses ici, et maintenant, avec le nouveau marché, je pense que les chiffres augmenteront. »

 

Comment est la coordination sécuritaire (avec Israël) ?

« La coordination se poursuit. Le souci est que la direction générale d’Israël cause des problèmes. Si Israël procède à une arrestation demain et tue quelqu’un, tout tombera à l’eau. Si Israël avait l’intention d’aboutir à la paix, elle serait la bienvenue ici. Je peux vous dire que le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires, le chef de l’administration civile et celui du Commandement général étaient ici. Ils ont arpenté la ville et ont été très impressionnés par l’ordre et le calme. »

Réservistes de Tsahal à l'extérieur de Jénine (Crédit : Matanya Tausig / flash 90)
Réservistes de Tsahal à l’extérieur de Jénine (Crédit : Matanya Tausig / flash 90)

 

Pouvez-vous assurer la sécurité des Juifs qui viendront ici dans le futur ?

Pourquoi dans le futur ? Je peux le faire dès aujourd’hui. Des hommes d’affaires sont venus ici, des Juifs viennent ici tout le temps. Je me suis rendu en Israël il y a deux jours, et je suis en négociations avec un important groupe d’hommes d’affaires israéliens sur la création d’une zone de libre d’échange à proximité de la zone industrielle de Jénine. Le public ici se félicite de la stabilité de la situation, ce qui est complètement différent du passé. »

« Mais sur le plan politique, nous sommes à des niveaux différents, la situation est plus problématique pour les Palestiniens. D’une part, le public a confiance en l’Autorité palestinienne, mais d’autre part, l’Union européenne, les Etats-Unis et les pays arabes parlent tous de l’Iran et de l’Etat islamique, et c’est ce qui préoccupe le monde. La question palestinienne est devenue une moindre priorité à cause du printemps arabe. Et votre gouvernement, dirigé par Bibi [Netanyahou], en profite. Il ne veut pas de solution pacifique, malheureusement. »

« Je vous le dis : s’il y a une solution politique ici, cela affectera toute la région. Les investisseurs seront attirés ici. Ainsi, si la partie israélienne a déjà facilité certaines choses, la situation économique ne changera de façon significative qu’une fois que la paix sera conclue. »

Sur le chemin du retour vers le point de contrôle Jalma, Ziv Koren, le photographe qui m’accompagne, remarque un centre de paintball niché parmi les nombreux restaurants et échoppes dans la rue Nazareth.

Qui l’aurait cru ? Ils tirent à Jénine – mais avec des pistolets de peinture, pas avec des vraies balles.

** Deuxième article d’une série d’Avi Issacharoff pour le Times of Israel sur les grandes villes de Cisjordanie.

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