La jeunesse israélienne vote davantage à droite
Alors que la jeune génération américaine tend à gauche, les jeunes Israéliens s'identifient beaucoup plus à la droite que leurs parents
JTA – Comme beaucoup de jeunes devenus célèbres, May Golan a commencé sur internet avec un blog racontant sa vie dans son quartier du sud de Tel Aviv. Elle a obtenu une tribune en tant que militante, avec plus de 25 000 abonnés sur Facebook et 16 300 sur Twitter.
Mardi, quelques heures avant de remporter un siège à la Knesset israélienne, elle a envoyé un message aux électeurs dans une ultime vidéo Facebook.
« Le gouvernement de droite est en danger », a-t-elle averti son audience, vêtue d’un t-shirt arborant les mots « Netanyahu. Droite. Forte. Succès » en lettres bleues et blanches.
« Il pourrait bien y avoir un gouvernement de gauchistes », a-t-elle lancé. « Nous avons tellement d’espoirs et de rêves. Nous voulons un avenir protégé, pour retirer la gouvernance et la souveraineté des mains de militants des droits de l’Homme qui nous étouffent, et de ces ONG gauchistes qui finissent pas prendre la plupart des décisions importantes ici ».
Du haut de ses 32 ans, May Golan sera la plus jeune députée à siéger à la Knesset. Elle a passé des années à militer contre les demandeurs d’asile africains présents dans son quartier de Tel Aviv. En 2017, elle avait déclaré qu’un « État palestinien est un État terroriste ». Elle a également fait une apparition dans l’émission politique « Hannity » de la chaîne américaine Fox News et a critiqué Hillary Clinton.
En d’autres mots, la jeune femme est très à droite. Et elle ressemble beaucoup à de nombreux Juifs israéliens de sa génération.
Alors que les jeunes Américains ont la réputation d’être de gauche politiquement, les jeunes Juifs israéliens sont allés dans la direction opposée au fil du temps. Au moins au cours des dix dernières années, ces électeurs se sont définis comme étant de droite à des niveaux bien plus élevés que leurs parents.
Selon l’Index démocratie Israël 2018 (une étude annuelle réalisée par l’Institut démocratie Israël, un groupe de réflexion israélien non partisan), environ 64 des Israéliens juifs âgés de 18 à 34 ans se déclarent être de droite, à comparer aux 47 % des 35 ans et plus. L’enquête de l’Institut démocratie Israël menée une semaine seulement avant les élections de mardi a révélé une corrélation directe entre l’âge et le soutien porté à Benjamin Netanyahu : 65 % des Juifs israéliens âgés entre 18 et 24 ans, et 53 % de ceux âgés entre 24 et 34 ans, souhaitaient sa réélection, alors que 17 % et 33 %, respectivement, préféraient son rival centriste, Benny Gantz.
« Il y a des jeunes gens qui aiment l’idéologie de Netanyahu », a déclaré Eli Hazan, porte-parole de la campagne du Likud, au JTA. « Ils voient les réussites diplomatiques de Netanyahu et croient en lui. Ce sont les faits, c’est la réalité ».
En plus du Likud, les jeunes électeurs juifs d’Israël – qui sont de plus en plus orthodoxes du fait du taux de natalité important dans les communautés haredi orthodoxes et religieuses – ont certainement aidé les deux partis haredim à prendre trois sièges supplémentaires à la Knesset (pour un total de 16) dans l’élection de mardi. D’autres partis de droite ont probablement aussi bénéficié du vote des jeunes électeurs plus religieux.
Les jeunes électeurs en Israël votent de manière disproportionnée pour la droite depuis un certain temps.
« Il y a deux grandes théories concernant l’âge », a indiqué Tamar Hermaan, co-rédactrice en chef de l’Index annuel de la démocratie d’Israël et professeur de sciences politiques, au JTA. « Une théorie affirme que si vous êtes orientés politiquement entre 18 et 34 ans, alors cela reste toute votre vie. L’autre théorie voudrait que vos positions politiques changent avec l’âge dans une direction spécifique ; les gens deviennent plus cléments en vieillissant ».
« Je ne peux pas vous dire s’ils sont plus à droite parce que les jeunes gens ont tendance à être plus radicaux, et il est clair que la gauche actuellement ne propose pas de vision radicale du monde, ou juste parce qu’ils sont jeunes et que cela va changer ».
Cette tendance pourrait être liée aux événements qui ont marqué leurs années de développement. Un jeune Israélien de 18 ans n’est pas né pendant le processus de paix dans les années 1990, ni quand la gauche israélienne a remporté les élections en 1999.
Les jeunes Israéliens ont grandi pendant la deuxième intifada, qui a vu des centaines d’Israéliens tués dans des attaques suicides à la bombe. Les conséquences du désengagement de Gaza en 2005, qui s’est produit alors que ce groupe était âgé de 4 à 20 ans, a conduit de nombreux jeunes Juifs israéliens à éprouver de la rancune à l’encontre de tout dirigeant prêt à céder n’importe quel territoire actuellement sous contrôle israélien. Depuis que certains jeunes de ce groupe ont servi dans l’armée, plusieurs guerres à Gaza n’ont fait qu’endurcir cette perception.
« Ils sont nés après le début du processus d’Oslo, et ils ont été exposés aux bains de sang lors de la deuxième intifada, et juste après ils ont fait leur service militaire », explique Tamar Hermann au JTA.
Hazan, le porte-parole du Likud, indique que « les gens qui ont grandi pendant l’intifada d’al-Aqsa ne font pas confiance aux Palestiniens, ils ne croient pas en la paix. Ils veulent vraiment la paix, mais il n’y a pas de partenaire ».
Pour les jeunes électeurs religieux sionistes en particulier, le désengagement, qui a contraint à l’évacuation de 8 000 habitants juifs d’implantations, « a été considéré comme un moment absolument dévastateur qu’ils ont promis de ne plus jamais revivre », a déclaré Dahlia Scheindlin, analyste de la politique israélienne et experte de l’opinion publique, au JTA.
« Le récit général est de dire que quand nous avons abandonné cette terre, ils nous ont envoyé des roquettes en retour », avance Dahlia Scheindlin. « Les religieux nationalistes ont perçu ce désengagement comme un traumatisme national ».
L’analyste politique pense que ce que les jeunes électeurs ont vécu pourrait compter encore plus.
« Il n’y a eu aucun progrès dans les pourparlers de paix, aucune poignée de mains, aucun accord », a-t-elle déclaré. « Toutes les négociations ont été des négociations sans aucune attente ».
Mais en plus d’être des enfants du conflit, ce groupe est aussi marqué par sa religiosité. Les haredim orthodoxes et les sionistes religieux correspondent à un pourcentage plus élevé de la jeunesse israélienne que dans les précédentes générations, et les Juifs religieux israéliens ont plus tendance à être de droite.
« [Le degré de religiosité] est le meilleur indicateur pour savoir si quelqu’un est de gauche, de droite ou du centre », explique Dahlia Scheindlin. Et la différence d’âge augmente, a-t-elle ajouté, « étant donné que les gens religieux ont plus d’enfants et une plus forte croissance démographique ».
Les partis de droite ont également attiré des jeunes électeurs parce qu’ils préfèrent les mêmes moyens de communication : les réseaux sociaux. Benjamin Netanyahu, qui est célèbre pour ne pas aimer s’exprimer dans la presse israélienne, est plus à l’aise avec Twitter ou en postant des vidéos sur Facebook. Ce sont des réseaux de communication populaires parmi les jeunes Israéliens.
« Bibi déteste les interviews et préfère largement avoir un contrôle total du contenu, ce qui explique pourquoi il est un utilisateur enthousiaste des réseaux sociaux », indique Dahlia Scheindlin. « Chaque mot est pesé. Deux de ses conseillers les plus proches sont ses conseillers de réseaux sociaux. Donc beaucoup de sa personnalité se retrouve sur les réseaux sociaux ».
Alors les jeunes Juifs ont-ils offert cette élection à Netanyahu ? C’est un peu tôt pour le dire. Mais l’experte politique estime que, si les chiffres exacts ne sont toujours pas sortis, on peut affirmer sans trop prendre de risques que la droite avait la jeunesse de son côté.
« Je ne pense pas que la victoire du Likud a été uniquement possible grâce aux jeunes parce que la religiosité éparpille leurs votes » à travers une grande diversité de partis de droite, a-t-elle déclaré, « mais ils ont incontestablement aidé le bloc de droite ».