La Knesset confie à Ben Gvir la gestion des violations de la loi sur la construction
Accorder un tel pouvoir au ministre d'extrême droite signifie "plus de démolitions, plus de meurtres, plus d'anarchie dans la société arabe", selon un député Raam

Au cours d’une session plénière marathon qui s’est tenue tard dans la nuit de mercredi à jeudi, les députés ont voté par 55 voix contre 51 pour ratifier une décision du gouvernement donnant au ministre de la Sécurité nationale d’extrême droite, Itamar Ben Gvir, l’autorité sur une unité chargée de faire respecter les règles de construction, une décision qui, selon les critiques, cible les citoyens arabes.
La décision de transférer la Division de l’application des lois immobilières du ministère des Finances au ministère de la Sécurité nationale avait été annoncée lors d’une réunion du cabinet au début du mois d’avril – un transfert d’autorité qui nécessite l’approbation de la Knesset – mais cette ratification avait été retardée en raison de l’opposition des députés ultra-orthodoxes – ou haredim -, irrités par le refus initial de Ben Gvir de soutenir une législation poussée par les haredim, qui cimente le contrôle de l’establishment ultra-orthodoxe sur les téléphones dits « casher » – des appareils généralement dépourvus d’accès à Internet, de réseaux sociaux et de la plupart des autres applications .
Ce projet de loi soutenu par le parti Shas a finalement été adopté en deuxième et troisième lecture la nuit dernière, juste avant le vote sur l’extension de l’autorité de Ben Gvir.
L’approbation par la Knesset du projet de loi sur les téléphones « casher » et du transfert de pouvoirs à Ben Gvir pourrait indiquer une désescalade des tensions de longue date entre les deux partis, qui se sont exacerbées ces derniers jours et ne sont toujours pas résorbées.
« Nous avons déjà renforcé l’application de la loi dans le domaine de l’immobilier, mais le transfert de l’autorité à mon bureau nous permettra d’agir de manière encore plus décisive et dans un effort commun contre la construction illégale dans le Néguev et le Nord », a déclaré Ben Gvir dans un communiqué jeudi matin.
« C’est ainsi que l’on gouverne », s’est-il vanté, alors que de nombreuses formes de criminalité se sont multipliées au cours de son mandat.

Cette mesure faisait partie de l’accord de coalition signé entre le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Likud, et le parti Otzma Yehudit de Ben Gvir lorsque le gouvernement avait pris le pouvoir à la fin de l’année 2022.
Les groupes de défense des droits ont protesté contre le libellé de l’accord, qui pointe du doigt la « criminalité » dans la société arabe israélienne.
Au cours de la semaine précédant le vote de mercredi soir, les législateurs arabes ont mis en garde contre le transfert d’autorité, le député Waleed Alhawashla (Raam) faisant valoir que « celui qui contrôle en réalité le pays est Ben Gvir ».
Donner un tel pouvoir au ministre ultra-nationaliste signifie « plus de démolitions, plus de meurtres, plus d’anarchie dans la société arabe », a-t-il affirmé.

« Il tweete sur la démolition de maisons, à Zarzir, dans le Néguev, et maintenant à Lod », s’est plaint le député Ahmad Tibi (Hadash-Taal), lors d’un discours au plénum de la Knesset au cours duquel il a accusé Ben Gvir d’ignorer le taux élevé de meurtres au sein de la communauté arabe.
La criminalité dans la communauté arabe a grimpé en flèche, avec plus d’Arabes israéliens tués dans des homicides en 2023 qu’au cours de n’importe quelle année précédente, selon un rapport de The Abraham Initiatives, une organisation à but non lucratif qui recense les crimes violents dans la communauté arabe.
De nombreux dirigeants de la communauté arabe israélienne accusent la police – supervisée par le ministère de Ben Gvir – de ne pas avoir réussi à sévir contre les puissantes organisations criminelles et de fermer les yeux sur la violence, qui comprend les querelles familiales, les guerres de territoire entre différentes mafias et les violences faites aux femmes. Les communautés ont également souffert d’années de négligence de la part des autorités publiques.
Selon une étude réalisée en 2022 par l’organisation à but non lucratif Sikkuy-Aufoq, dont la mission est de promouvoir l’égalité entre les Arabes et les citoyens juifs d’Israël, les municipalités et les quartiers arabes présentent une prévalence plus élevée de constructions non autorisées.
Dans le district de Haïfa, par exemple, 55 % de toutes les structures construites illégalement sont concentrées dans les communautés à prédominance arabe de la région de Wadi Ara, à l’est de Hadera.
Dans une déclaration publiée en avril, le bureau de Ben Gvir avait écrit : « Le transfert de la Division de l’application des lois immobilières est une étape importante sur la voie de l’amélioration de l’application des lois de l’État d’Israël contre les violations des lois sur la construction illégale. Comme nous l’avons fait jusqu’à présent en doublant l’application de la loi dans le Néguev, nous rétablirons la loi et l’ordre avec encore plus de vigueur. Ceux qui enfreignent la loi se heurteront à une main ferme et à une tolérance zéro. »
Certains partisans d’une réforme de l’application de la législation sur les constructions illégales en Israël affirment que de nombreux contrevenants arabes construisent sans permis en raison d’une combinaison de racisme institutionnel et d’une bureaucratie inefficace qui rend l’obtention de permis plus difficile pour les Arabes, bien que d’autres observateurs de la question contestent ces affirmations.
Le gouvernement a alloué quelque 28 millions de shekels en 2023 pour renforcer la sécurité des avant-postes illégaux de Cisjordanie, établis en violation de la loi israélienne, selon l’organisation de gauche La Paix maintenant.

Ben Gvir est lui-même un disciple de feu le rabbin Meïr Kahane, le fondateur du parti Kach, aujourd’hui interdit, qui prônait l’expulsion des Palestiniens et des Arabes israéliens. Ben Gvir a demandé que la bande de Gaza soit repeuplée d’Israéliens juifs et, au début de l’année, il a été critiqué par le Département d’État américain pour avoir déclaré que son droit à la sécurité en Cisjordanie l’emportait sur le droit des Palestiniens à se déplacer librement dans la région.
La semaine dernière, il a qualifié des députés arabes de « terroristes » depuis la tribune de la Knesset, ce à quoi ils ont répondu en se ruant sur lui pour le faire taire, et lui a valu les critiques de la conseillère juridique de la Knesset, Sagit Afik.