« La lumière de l’ombre, photographies des camps nazis », une exposition à Toulouse
Pendant près de 15 ans, Michael Kenna a photographié plus de 20 camps nazis et centres de mises à mort
Le musée départemental de la Résistance et de la déportation de la Haute-Garonne, à Toulouse, présente actuellement et jusqu’au 27 mai 2023 une exposition du célèbre photographe britannique Michael Kenna.
Intitulée « La lumière de l’ombre, photographies des camps nazis », celle-ci montre les lieux de déportation et du système concentrationnaire nazi à travers les yeux de l’artiste.
Les 66 photos présentées font partie d’un ensemble de près de 7 000 photographies de plus de 20 camps nazis et centres de mises à mort, prises entre 1986 et 1999. Réalisé sans commande, ce projet a été offert par le photographe à la France.
Dans l’exposition, ces clichés sont mis en résonance avec des objets issus de l’univers concentrationnaire tirés des collections du musée toulousain, tels un bloc de granit provenant de la carrière du camp de concentration de Mauthausen ou encore un morceau de pain issu des rations de nourriture de Dora.
Dans le même temps, le Mémorial du Camp de Rivesaltes propose d’aborder l’aspect esthétique du travail de Michael Kenna au travers d’une résidence d’artiste effectuée en 2022. Ainsi, les deux expositions se complètent et offrent un panorama complet du travail engagé par le photographe.
Celui-ci explique qu’il travaillait près de Strasbourg quand il a entendu parler d’un camp de concentration français, celui de Natzweiler-Struthof.
« J’ai réussi à y aller ; c’était la première fois que je pénétrais dans un camp de concentration. C’était très puissant comme émotion, ça l’est toujours, comme pour n’importe qui, je pense, et j’ai commencé à prendre des photos », explique-t-il.
« Ce qu’il découvre alors est un choc », a décrit Thomas Fontaine, commissaire de l’exposition. « Il n’imaginait même pas qu’il y avait encore ce type de vestiges et qu’on avait conservé la trace des lieux. Happé par ce sujet, touché par cette mémoire, il s’est demandé ce qu’il pouvait faire… Ce projet-là est né de ce choc, de cette émotion, et de la conviction qu’il fallait vraiment faire quelque chose pour faire vivre cette mémoire des camps, qui a touché au plus profond des Droits de l’homme. »
Michael Kenna ajoute qu’il se devait de photographier ces camps, projet qui a duré douze ans. « Il fallait que je les photographie […] pour garder cette mémoire vivante, pour conserver une trace. Mon œuvre porte sur la mémoire », dit-il.
« Je ne prétends pas être qualifié de quelque manière que ce soit pour commenter ou porter des jugements sur tout ce qui concerne l’Holocauste. Ni moi, ni aucun membre de ma famille n’y avons participé depuis l’Angleterre. Je ne suis qu’un photographe qui travaille depuis 50 ans. J’ai visité de nombreux pays, concentré mon attention sur un large éventail de sujets et on me demande souvent quel est mon travail le plus personnel et le plus important. Ma réponse est toujours là-même : c’est mon travail sur les camps nazis », a-t-il expliqué lors de l’inauguration de l’exposition le 10 mars.
« J’ai réalisé les photographies de cette exposition il y a environ quatre décennies, simplement pour aider à transmettre et à garder vivants ces souvenirs profondément tristes, troublants et tragiques. Les actions nazies ne doivent jamais être oubliées. Je considère ces photographies comme une petite et humble contribution à cet objectif important qui est le travail de mémoire. »
« Ces œuvres interrogent notre rapport à l’art comme vecteur de transmission mémorielle, permettant de se questionner, de s’impliquer et, in fine, de se souvenir », écrit le musée de la Résistance. « C’est une exposition d’art qui a une fonction historique et qui est aussi une manière de s’interroger sur la trace qui demeure, la trace qui passe, et comment on en conserve une présence », précise Antoine Grande, son directeur.