Le redécryptage d’un écrit du Premier temple évoque « la Vallée du sel »
L'utilisation de l'imagerie multispectrale sur une inscription dans une grotte d'Ein Gedi a entraîné une surprenante découverte : la découverte de quatre glaives romains
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »
Ce n’est pas souvent qu’un chercheur a l’occasion de pouvoir combiner son amour de la spéléologie à sa passion pour les inscriptions hébraïques bibliques et antiques. Alors quand le docteur Asaf Gayer, maître de conférences à l’université d’Ariel, a proposé une sortie qui entremêlait ces deux hobbys à son collègue, le géologue Boaz Langford, ce dernier a eu le sentiment que cette excursion allait être prometteuse.
Ce serait le moment opportun pour prendre de nouvelles photographies d’une inscription écrite en paléo-hébreu qui se trouve dans une grotte située à proximité d’Ein Gedi, avait dit Gayer. Cette fois-ci, l’inscription partielle – qui se trouve sur une stalactite et qui avait été rédigée avec de l’encre de carbonite, aux environs du 7e siècle avant l’ère commune – serait photographiée en utilisant un système d’imagerie multi-spectrale. Un tel procédé a d’ores et déjà fait ses preuves pour révéler des textes invisibles sur des tessons de poterie et autres gravures. Pourquoi ne pas essayer ?
Le duo a décidé d’inviter Shai Halevi, photographe au sein de l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA), à les rejoindre et tous les trois se sont rendus à la grotte pour mener à bien leur mission.
Avant de quitter les lieux, Gayer a toutefois voulu procéder à une courte étude archéologique, fouillant coins et recoins.
« Quand on va dans une grotte, il y a toujours ce sentiment qu’on va y découvrir quelque chose », a-t-il dit aux journalistes, mercredi, lors de la présentation des quatre glaives romains, vieux de 1 900 ans, qui ont été retrouvés là-bas.
« Réaliser que vous avez entre les mains un morceau d’Histoire, c’est tout simplement merveilleux… Vous avez le cœur qui bat plus rapidement, votre tension augmente… C’est pour ça qu’on fait ce métier », a-t-il ajouté.
Mais alors que c’est la découverte de ces glaives extrêmement rares qui a retenu toute l’attention des médias, le nouveau décryptage, par Gayer, de l’inscription datant de la période du Premier temple mérite, lui aussi, les gros titres.
La CSI Ein Gedi
En 1973, Ofra Aharoni, instructrice dans une école d’Ein Gedi, avait découvert cette inscription en trois lignes dans une grotte à deux niveaux, dont les deux cavités sont remplies de stalactites.
Après de brèves fouilles, en 1974 (les glaives n’avaient pas été découverts à ce moment-là), l’inscription avait fait l’objet d’une publication, en 1975, de Pessach Bar-Adon. Son article paru dans l’Israel Exploration Journal avait été illustré par des photographies prises par l’Unité d’identification criminelle du quartier-général de la police nationale – la version de la CSI en 1970.
En 1975, a expliqué Gayer mercredi, Bar-Adon avait déchiffré le texte qui disait, selon lui : Béni est Dieu (Adonaï) / Béni XXX / Béni est Dieu (Elohim).
Gayer avait, de son côté, l’intuition qu’avec quelques lettres de plus qui pourraient bien être découvertes en utilisant les systèmes d’imagerie moderne hi-tech, il pourrait être capable de donner plus de sens à cet écrit mystérieux.
Les trois explorateurs ont photographié la stalactite où se trouve l’inscription sous tous les angles. Les nombreux clichés aident à franchir l’obstacle posé par la dureté et par les courbes du roc. Pourtant, les résultats restent partiaux.
Le chercheur a raconté avoir été capable de voir clairement des lettres en hébreu – bet, gimmel et yud – après le mot « Béni », ainsi qu’un point servant à diviser les mots typiques de l’époque du Premier temple. Selon Gayer, il est écrit « Dans la vallée », avec une orthographe de vallée variante, qui apparaît toutefois plusieurs fois dans la bible.
Après cette avancée, utilisant un système fastidieux d’imagerie informatique qui se programme à la main, Gayer a essayé de reconstruire d’autres lettres. Et il a indiqué pouvoir affirmer que le mot qui suivait était heh, mem, lamed et het ou, an anglais, « le sel ».
Le lieu dit « Vallée du sel » apparaît dans plusieurs textes bibliques, notamment dans Samuel 2 (8:13) et dans les Psaumes (60:2) — avec l’orthographe variante qui a été retrouvée sur la stalactite. Ces deux exemples sont liés au roi David qui, dans le psaume, remercie Dieu pour ses actes qui ont entraîné la victoire dans la Vallée du sel.
Si les spécialistes de la bible considèrent généralement qu’elle se trouverait dans la région de la Mer morte, « avoir une source extérieure qui nous parle du secteur qui se trouve juste au-dessus de la Mer morte » est important, a noté Gayer.
Gayer a présenté ses conclusions initiales lors d’une conférence organisée à l’IAA, mercredi soir, et il rédigera un article académique après des recherches plus poussées.
Mais alors que les journalistes étaient nombreux au nouveau siège impressionnant de l’IAA à Jérusalem, Gayer est devenu poète malgré lui lorsqu’il a suggéré qui avait bien pu écrire cette bénédiction et pourquoi.
« Peut-être était-ce une action de grâce pour avoir survécu dans cette région dure », a-t-il dit.