La rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky tourne au vif affrontement
Après leur échange très tendu, le président ukrainien a quitté la Maison Blanche de manière prématurée et la conférence de presse entre les deux responsables a été annulée

Dans une scène d’une tension inouïe, Donald Trump et Volodymyr Zelensky se sont publiquement affrontés dans le Bureau ovale, le président américain menaçant son invité, en haussant la voix, de « laisser tomber » l’Ukraine s’il ne faisait pas de concession à la Russie.
La joute verbale a été lancée par le vice-président J.D. Vance, qui a reproché au président ukrainien, venu chercher le soutien de Washington après trois années de guerre contre la Russie, de « manquer de respect » aux Américains. Puis Donald Trump a embrayé, pour reprocher à Volodymyr Zelensky de « s’être mis en très mauvaise posture » et lancer qu’il « n’avait pas les cartes en main ». Il l’a ensuite menacé : « Concluez un accord [avec la Russie] ou nous vous laissons tomber », en jugeant qu’il serait « très difficile » de négocier avec le dirigeant ukrainien.
« Vous jouez avec la vie de millions de personnes. Vous jouez avec la troisième guerre mondiale (…) et ce que vous faites est très irrespectueux pour ce pays », a aussi lâché un Donald Trump très en colère.
La visite avait déjà commencé sur une note inconfortable, le président américain notant lors de l’arrivée de Volodymyr Zelensky, habillé comme à son habitude dans une tenue aux accents militaires, et non en costume-cravate : « Il s’est fait très élégant aujourd’hui. » Sans que l’on ne sache s’il s’agissait d’une blague ou d’une critique voilée.
???????? ???????? ÇA COMMENCE FORT, À PEINE ARRIVÉ, DÉJÀ HUMILIÉ.
Tu t'es mis sur ton 31 aujourd'hui (you are all dressed up today). Le ton est donné… pic.twitter.com/7YWsSugABp— Pascal Laurent (@Pascal_Laurent_) February 28, 2025
Dans le Bureau ovale, le chef d’État ukrainien avait, avant que la rencontre ne tourne au pugilat, assuré que Donald Trump était « du côté » de l’Ukraine, et le Républicain de 78 ans s’était félicité de conclure un accord « très équitable » sur l’accès aux ressources ukrainiennes. Mais Volodymyr Zelensky a aussi affirmé qu’il ne fallait pas faire de compromis avec Vladimir Poutine, qu’il a qualifié de « tueur », alors que Donald Trump a noté qu’il avait eu « de nombreuses conversations » récemment avec le président russe, dont il s’est rapproché de manière spectaculaire après son retour au pouvoir le 20 janvier dernier.
Après leur échange tendu, Volodymyr Zelensky a quitté la Maison Blanche de manière prématurée. La signature de l’accord sur l’accès aux ressources ukrainiennes n’a pas eu lieu, et la conférence de presse entre le président ukrainien et son homologue américain, qui devait suivre, a été annulée.
A Full-Video from the White House, of the Heated-Exchange earlier in the Oval Office between U.S. President Donald J. Trump, Vice-President JD Vance and Ukrainian President Volodymyr Zelensky. pic.twitter.com/ex4cnLa6ZS
— OSINTdefender (@sentdefender) February 28, 2025
Sur Truth Social, Trump a accusé dans la foulée Zelensky de ne « pas être prêt pour la paix » avec la Russie tant que les États-Unis étaient impliqués, lui reprochant également d’avoir « manqué de respect » à son pays au sein même du Bureau ovale. « Le président Zelensky n’est pas prêt pour la paix si l’Amérique est impliquée parce qu’il estime que notre implication lui donne un gros avantage dans les négociations » avec la Russie, a affirmé M. Trump sur son réseau. « Il a manqué de respect aux États-Unis dans leur cher Bureau ovale. Il pourra revenir quand il sera prêt pour la paix », a-t-il ajouté. De son côté, Zelensky a remercié les États-Unis pour sa visite.
« La paix sans garanties n’est pas possible », a martelé vendredi le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal, après l’altercation. « Le président Zelensky a raison », a-t-il soutenu sur le réseau social X. « Un cessez-le-feu sans garanties est la voie vers l’occupation russe de tout le continent européen », a ajouté M. Chmygal.
Le chef de la minorité démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer, a lui accusé Donald Trump et son vice-président J.D. Vance de faire « le sale boulot de Poutine ». « Les démocrates au Sénat ne cesseront jamais de se battre pour la liberté et la démocratie », a déclaré sur X Chuck Schumer en partageant une vidéo de ces échanges effectués devant la presse dans le Bureau ovale.
Peut-être la séquence la plus hallucinante.
« Vous avez un costume? » demande un journaliste d’un média complotiste pro-Trump, désormais préféré aux agences de presse historiques.
Une humiliation digne d’un guet-apens de cour de récré.
pic.twitter.com/or0Uqbteh2— Raphael Grably (@GrablyR) February 28, 2025
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a lui assuré le président ukrainien et ses compatriotes qu’ils n’étaient « pas seuls » dans un message publié peu après le clash historique. « Chers @ZelenskyyUa, chers amis ukrainiens, vous n’êtes pas seuls », a écrit Donald Tusk sur le réseau social X quelques minutes après le départ du président Zelensky de la Maison Blanche. « L’Ukraine n’est pas seule », a aussi réagi Berlin.
Le président français Emmanuel Macron a lui martelé qu’il y avait « un agresseur, la Russie » et un « peuple agressé l’Ukraine » et a appelé à « respecter ceux qui depuis le début se battent ». « Je pense que nous avons tous eu raison d’aider l’Ukraine et de sanctionner la Russie il y a trois ans et de continuer à le faire », a-t-il ajouté.
De hauts responsables russes ont aussi réagi à la vive altercation. La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a estimé que Donald Trump et J.D. Vance avaient fait preuve de « retenue » face à « l’ordure » Volodymyr Zelensky. « Je pense que le plus gros mensonge de Zelensky, parmi tous ses mensonges, est sa déclaration à la Maison Blanche selon laquelle le régime de Kiev était seul en 2022, sans soutien. La façon dont Trump et Vance se sont contenus et n’ont pas giflé cette ordure relève du miracle de retenue », a écrit Mme Zakharova sur Telegram.
« Historique », a écrit sur X Kirill Dmitriev, le patron du Fonds russe d’investissement direct et un des négociateurs russes dans les pourparlers russo-américains qui se sont tenus le 18 février en Arabie saoudite. « Pour la première fois, Trump a dit la vérité en face au clown cocaïné », a pour sa part raillé l’ex-président Dmitri Medvedev, actuel numéro deux du Conseil de sécurité russe, faisant référence à M. Zelensky.
L’Ukraine et l’Europe ont suivi avec inquiétude le rapprochement entre Donald Trump et Vladimir Poutine, qui se sont longuement parlé le 12 février et qui ont lancé des négociations pour mettre fin à la guerre, avec l’objectif, pour l’impatient milliardaire républicain, d’aller vite.
Le président américain répète qu’il a confiance dans le président russe, malgré les avertissements répétés de Londres et Paris sur la fragilité de toute trêve qui ne serait pas accompagnée d’un solide dispositif de contrôle et de sécurité garanti par l’Amérique. Jeudi, il s’est dit convaincu que Vladimir Poutine « tiendrait parole » en cas de cessez-le-feu.
Donald Trump refuse de considérer Moscou comme responsable de la guerre. Il a totalement fermé la porte à une potentielle adhésion à l’OTAN, espérée par Volodymyr Zelensky, en l’invitant à « oublier » une telle perspective.