La « ville des 15 minutes » est-elle envisageable en Israël?
Les autorités rêvent d’espaces urbains offrant toutes les commodités à quelques pas ou à portée de vélo, pour réduire pollution et stress. Certaines villes ont déjà sauté le pas
Lorsque l’État d’Israël a été fondé, la priorité était de mettre un toit sur la tête des rescapés qui venaient y chercher refuge.
Plus de soixante-dix ans plus tard, le pays a radicalement changé mais les problèmes de logement demeurent et, jusqu’à très récemment, les urbanistes avaient tendance à privilégier la rapidité des constructions plutôt que la création d’environnements optimaux.
Lorsque de nouveaux développements sont lancés sur le marché, ils s’accompagnent souvent de promesses en termes de nouvelles infrastructures – magasins, écoles, espaces verts, transports en commun, hôpitaux et plus encore. Il n’est pas rare que ces promesses ne se matérialisent que lentement, voire jamais, faisant de ces nouveaux quartiers des isolats dénués des services de base dont la population a besoin au quotidien.
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« Le problème est que les gens considèrent Israël comme un projet temporaire, avec un vision urbaniste tactique, et pas stratégique », explique Haim Feiglin, chef du district de Haïfa de l’Association des constructeurs israéliens.
Mais le changement est à l’œuvre en Israël, adossé au concept de “ville des 15 minutes”, à savoir que tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne doit être accessible à moins de 15 minutes à pied ou à vélo.
Cela signifie que dans un rayon d’un quart d’heure de chaque maison, les habitants doivent trouver magasins, écoles, divertissements, lieux de culture, espaces verts, activités sportives, transports en commun et, plus largement, tous les services nécessaires à la vie quotidienne, y compris, idéalement, du travail.
Dans la « ville des 15 minutes », conçue pour être à échelle humaine et limiter l’impact des activités humaines sur la planète, il n’est pas nécessaire de quitter régulièrement ce cercle, limitant de facto émissions de carbone et stress engendrés par les transports.
« Pendant trop longtemps, les habitants des villes, grandes et petites, ont accepté l’inacceptable », affirmait Carlos Moreno, gourou franco-colombien du Mouvement des villes des quinze minutes, dans un TED Talk en 2020.
« Nous acceptons que dans les villes, notre perception du temps soit déformée, parce que nous en gaspillons une grande partie pour nous adapter à l’organisation absurde et aux longues distances induites par la vie dans les villes d’aujourd’hui.
Pourquoi est-ce à nous de nous adapter, de dégrader notre qualité de vie ? Pourquoi la ville ne répondrait-elle pas à nos besoins ? »
En Israël, le gouvernement a reconnu la nécessité que les infrastructures accompagnent le développement résidentiel, en mettant en place des mécanismes pour s’assurer qu’à l’avenir, les logements ne soient pas construits sans les installations de soutien nécessaires.
Un modèle de schéma directeur de long terme pour le développement de la ville, destiné à être régulièrement mis à jour, et des plans multi-usages globaux pour les nouveaux quartiers, commencent à être adoptés par les municipalités.
Ces plans et schémas mettent l’accent sur l’environnement de vie des habitants, et non plus seulement sur la construction d’immeubles pure et simple.
Aujourd’hui, nombre de nouveaux développements sont lancés en tenant compte de la durabilité, des transports en commun et des espaces verts.
La rénovation urbaine destinée à revitaliser des centres-villes vieillissants suit également bon nombre de ces nouvelles lignes directrices.
Orli Ronen, responsable du laboratoire d’innovation urbaine et de durabilité à la Porter School for Environmental Studies de l’université de Tel Aviv, réduit encore davantage le rayon, de 15 minutes à moins de 300 mètres de chaque habitation.
Les planificateurs devraient « concevoir une ville interconnectée, composée d’un réseau de bulles multiples, en contact les unes avec les autres, dessinant des quartiers qui sont des espaces de vie à la fois auto-suffisants et interconnectés », ajoute Ronen, consultante de premier plan en matière de politique climatique locale et de durabilité, qui conseille le gouvernement et de nombreuses villes israéliennes.
S’adressant récemment au Times of Israel, Ronen a confié noter des améliorations dans la façon dont de nouveaux quartiers étaient conçus et pensés, mais se demande si Israël construit avec la densité requise pour soutenir cet objectif.
« Les nouveaux quartiers sont-ils vraiment assez compacts pour offrir tout ce qui est nécessaire au quotidien ? ».
Ronen pense que Haïfa, Beer Sheva, Tel Aviv et le centre de Jérusalem font de réels efforts pour respecter – au moins en partie – le concept, en faisant en sorte que les nouvelles constructions s’intègrent à la ville existante en évitant les développements tentaculaires à usage unique.
Mais seule Tel Aviv, cernée de toutes parts, réussit peu ou prou à cumuler toutes ces caractéristiques. Elle est peut-être la seule à avoir l’envergure nécessaire pour constituer une ville des 15 minutes.
« Ce n’est que là où rues résidentielles, bureaux, magasins et services se rencontrent, là où le vélo ou la trottinette prennent la place des voitures, qu’une fois le tram déployé, il devient possible de créer un environnement urbain dans lequel la voiture est réellement secondaire. »
Toute cette connectivité a un prix. Tel Aviv affiche aujourd’hui un prix moyen des logements de l’ordre de 4,16 millions de shekels, un taux de location parmi les plus élevés du pays et un coût de la vie vertigineux.
De nombreux habitants assurent que le rythme et la connectivité de la ville en valent la peine.
« J’aime Tel Aviv, la ville, la vie culturelle. J’aime pouvoir aller partout à pied, et qu’il y ait tant d’opportunités en termes de travail et de loisirs », explique Itai, un pseudonyme, au Times of Israel, interrogé sur les difficultés de la vie en ville.
« Cela me casse les pieds, mais je suis prêt à payer 1 200 ou 1 500 shekels de plus par mois pour ces avantages. »
En dépit de ces nouvelles velléités urbanistiques tendant à limiter l’étalement urbain, Israël continue, en certains endroits, de construire de vastes zones, industrielles ou de bureaux, ou des développements résidentiels aux abords de la ville, isolés les uns des autres et du centre-ville.
Mais même les nouveaux quartiers périphériques peuvent être construits sur la base du concept de la ville des 15 minutes. À l’extrémité sud de Netanya, par exemple, le quartier d’Ir Yamim est sorti de ce qui n’était encore que des dunes de sable, il y a vingt ans.
Certes éloigné du tissu urbain à usage mixte et haute densité de la « ville des 15 minutes », le quartier dispose entre autres de grands parcs, d’un centre commercial haut de gamme avec une salle de concert, d’un autre centre commercial, d’hôpitaux et d’un centre communautaire, à côté de gratte-ciels d’habitations surplombant la mer.
Le secteur offre « tout le nécessaire – mer, synagogues, magasins et installations communautaires, le tout accessible à pied », explique l’agente immobilière Maxine Marks.
Même si les transport en commun se sont améliorés, la connectivité reste problématique, car il y a peu de pistes cyclables et le quartier est essentiellement conçu pour les automobiles.
La zone est délimitée par la réserve naturelle de Purple Iris d’un côté et la plage de Poleg de l’autre. Les projets de construction d’un hôtel et d’un autre centre commercial près de l’eau sont dénoncés par les écologistes qui craignent que cela ne coupe en deux une importante zone verte.
Les prix des maisons a grimpé en flèche, plus que partout : le prix moyen d’un appartement là-bas en juin 2022 était de 3,9 millions de shekels, 2,8 millions en juin 2020, selon le site Web de suivi immobilier Madlan.
Le quartier dispose maintenant un immeuble de bureaux, mais la plupart des gens travaillent ailleurs.
En dehors des centres-villes, il est rare que les nouveaux développements incluent à la fois des lieux de vie et de travail.
Si les gens vont travailler ailleurs, le temps passé sur la route augmente à nouveau.
La COVID a montré à quoi pourrait ressembler une vie sans déplacement et beaucoup cherchent des moyens de réduire les déplacements, afin de vivre mieux, faire du shopping, jouer ou même travailler sans avoir besoin de prendre leur voiture, même s’ils ne vivent pas au centre d’une grande ville.
Ronen estime qu’il s’agit de « créer de l’habitabilité ».
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