L’Afrique du Sud présente un Gaza sinistré, mais occulte la cause de cette situation
L'équipe sud-africaine à La Haye omet la méthode du Hamas de se cacher parmi les civils, se contentant de citer les propos incendiaires mais vagues de responsables israéliens
LA HAYE – Les arguments présentés jeudi par la délégation sud-africaine à la Cour internationale de justice (CIJ), selon lesquels Israël commet un génocide à Gaza, ont été soigneusement élaborés, ils sont très chargés et graves, et nécessiteront des arguments détaillés, solidement étayés et précis des représentants israéliens, qui les réfuteront vendredi.
Les audiences en cours portent sur la demande de l’Afrique du Sud à la Cour de rendre une ordonnance provisoire contre Israël, qui exigent nettement moins de preuves que dans le cas d’une décision finale de génocide, ce qui facilite la tâche de la Cour dans sa décision contre Israël.
En détaillant le niveau de souffrance humaine à Gaza et les nombreux propos incendiaires tenus par plusieurs des plus hauts ministres israéliens et membres de la Knesset, y compris le Premier ministre Benjamin Netanyahu, les Sud-Africains ont tenté de dresser le tableau d’une machine de guerre bien armée se livrant à des meurtres délibérés, ou à un génocide, d’un peuple sans défense. Ce qui manquait cruellement, c’était des preuves à l’appui de l’affirmation génocidaire centrale et incendiaire.
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La situation à Gaza exposée par la délégation sud-africaine est en effet désastreuse : des milliers de civils palestiniens ont été tués et mutilés, l’accès à l’eau potable et à la nourriture est extrêmement réduit, et la misère résultant de la guerre à Gaza est considérable.
Si l’on ajoute à cela les propos très controversés des membres du cabinet de sécurité sur l’ampleur de la réponse du pays au massacre de 1 200 personnes dans le sud d’Israël par le Hamas le 7 octobre, on comprend que la présentation faite jeudi par l’Afrique du Sud représente un défi juridique très complexe et épineux pour les représentants d’Israël à La Haye.
Toutefois, les arguments de l’Afrique du Sud présentent des lacunes dans des domaines clés, que la défense israélienne devrait vraisemblablement souligner vendredi.
Les allégations d’intention génocidaire de la part d’Israël reposent sur les propos, pour la plupart vagues, tenus par de hauts responsables israéliens, lesquels n’ont pas été accompagnés de preuves d’actes génocidaires.
La présentation sud-africaine a choisi d’ignorer l’utilisation par le Hamas d’infrastructures civiles à des fins militaires, une utilisation qui, selon Israël, est responsable d’une grande partie des dommages causés aux civils palestiniens. La présentation a également occulté le fait que le Hamas est activement engagé dans un conflit armé contre les troupes israéliennes.
En refusant de reconnaître la gravité et la barbarie des atrocités perpétrées par le Hamas le 7 octobre, ainsi que les implications de cette attaque pour les civils israéliens et la souveraineté israélienne elle-même, l’équipe juridique sud-africaine a tenté de dissimuler la raison pour laquelle Israël est entré en guerre, qui ne provient pas, comme le prétend Pretoria, d’un désir de commettre un génocide, mais plutôt de la volonté d’éliminer le Hamas et de mettre fin à la menace qu’il fait peser sur les citoyens israéliens.
Pour justifier ses accusations de génocide contre les habitants de Gaza, l’Afrique du Sud se base une série de commentaires incendiaires formulés des ministres de haut rang ayant une influence sur la politique de guerre, qui sont supposées attester de l’intention de tuer tout ou partie d’un groupe particulier.
Or, non seulement nombre de ces remarques sont vagues, mais en plus les accusations ignorent d’autres propos tenus par les mêmes ministres et d’autres hauts responsables qui insistent sur le fait que l’objectif de la guerre est de vaincre le Hamas et d’éviter de blesser la population civile palestinienne.
Les Sud-Africains ont évoqué les références faites par Netanyahu de l’injonction biblique faite au peuple juif de « se souvenir de ce qu’Amalek vous a fait ». La Bible raconte ainsi que le Roi Saul avait reçu le commandement d’anéantir toutes les femmes, tous les enfants et tous les hommes du peuple d’Amalek.
Or, Netanyahu n’a pas cité cet aspect de l’injonction biblique, mais plutôt la partie concernant le souvenir de ce que les hommes d’Amalek ont fait aux Hébreux, en particulier leurs attaques contre les personnes faibles et vulnérables.
Il y a une grande différence entre une vague référence biblique et l’établissement d’une intention génocidaire.
D’autres remarques, comme celles du ministre de la Défense Yoav Gallant, selon lesquelles Israël « combat des animaux humains » et doit « agir en conséquence », sont également loin d’être déterminantes et seront vraisemblablement expliquées comme faisant référence aux terroristes du Hamas et non aux civils palestiniens.
L’un des passages les plus problématiques signalés par l’équipe juridique de l’Afrique du Sud est une remarque du ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui a déclaré : « Ceux qui célèbrent, ceux qui soutiennent et ceux qui distribuent des bonbons sont tous des terroristes et doivent être détruits », faisant référence aux habitants de Gaza qui ont célébré les attaques perpétrées le 7 octobre.
Ben Gvir, qui est membre du cabinet de sécurité chargé d’élaborer les politiques de guerre, étend par cette remarque le champ des cibles admissibles à Gaza, des terroristes et autres combattants du Hamas à ceux qui, selon lui, ne sont apparemment pas impliqués dans le terrorisme et les combats militaires.
Le dossier sud-africain se heurte ici, toutefois, à un autre problème majeur : les représentants légaux n’ont rien fait pour démontrer que l’armée israélienne s’est livrée à un massacre systématique et délibéré des civils palestiniens.
Les descriptions très générales des victimes civiles palestiniennes et des conditions de vie désespérées à Gaza ne constituent pas une preuve de génocide.
L’équipe juridique israélienne, dans sa défense de vendredi, soulignera probablement une chose que l’équipe sud-africaine n’a pas mentionnée une seule fois au cours des trois heures et demie de plaidoiries et des 84 pages de sa requête à la CIJ : le Hamas a implanté ses installations militaires et ses combattants dans, autour et sous chaque partie de l’infrastructure civile de la bande de Gaza.
L’équipe israélienne fera probablement valoir que le nombre élevé de victimes civiles n’est pas dû à une campagne israélienne génocidaire, mais au fait que les civils de Gaza ont été mis en danger par le Hamas lui-même, qui a stratégiquement placé ses troupes, ses armes et ses tunnels dans des hôpitaux, des mosquées, des écoles et des installations de l’ONU.
Les avertissements généralisés et répétés de l’armée israélienne aux civils pour qu’ils évacuent les zones de combat les plus intenses seront également soulignés comme preuve qu’Israël ne souhaite pas porter atteinte aux civils palestiniens – un élément contextuel clé qui, une fois de plus, était absent du cas sud-africain.
Plus généralement, la présentation sud-africaine ignore la raison première de la campagne militaire israélienne – les atrocités commises le 7 octobre par le Hamas – et la déclaration de guerre subséquente d’Israël dont l’objectif déclaré est l’élimination du Hamas afin qu’il ne puisse plus constituer un danger mortel.
En ne reconnaissant pas ces faits, et en omettant même d’admettre qu’il y a des terroristes du Hamas sur le terrain qui combattent les troupes israéliennes à Gaza, l’argument sud-africain occulte le fait qu’il y a actuellement une guerre entre deux camps, et que tout conflit fait toujours des victimes parmi les civils.
Les avocats de l’équipe de défense d’Israël auront une tâche difficile et de sérieux défis à relever ce vendredi. Mais il existe des failles réelles et significatives dans les arguments sud-africains.
Les représentants juridiques d’Israël s’efforceront d’y remédier afin de sortir Israël de cette impasse très complexe dans laquelle il a été piégé – et dans laquelle il s’est lui-même piégé, en grande partie à cause des propos inappropriés de certains de ses dirigeants politiques.
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