L’Albanie, autrefois isolée, espère un boom du tourisme israélien avec le lancement de vols directs El Al
De magnifiques paysages, une délicieuse cuisine et un excellent rapport qualité-prix attirent les touristes dans ce pays, considéré comme l'une des destinations les plus sûres par le NSC

TIRANA, Albanie – JTA — À un pâté de maisons de la place Skanderbeg de Tirana, Harel Kopelman fait découvrir la culture albanaise traditionnelle aux étrangers qui visitent ce qui fut autrefois l’une des dictatures les plus brutales d’Europe, à travers des rituels de mariage éblouissants, des costumes colorés et de délicieux vins et fromages.
« Albanian Night » (« Une Soirée albanaise »), un mélange médiéval de paysages, de sons et de saveurs des Balkans, est dirigé par Kopelman, un Israélien de 31 ans, ancien étudiant d’une yeshiva, qui a grandi à Sunnyvale, en Californie.
Après avoir obtenu un master en analyse commerciale à l’Université Fordham, Kopelman s’est retrouvé en Albanie par hasard il y a quatre ans alors qu’il parcourait le monde.
« Je suis tombé amoureux du pays », a déclaré Kopelman, qui parle désormais couramment l’albanais en plus de son hébreu et de son anglais natifs.
« Les gens sont super sympas, tout est accessible et on est proche de la nature. C’est comme le Far West, car c’est un marché inexploité. »
Pour les Israéliens du moins, l’Albanie est sur le point de devenir beaucoup plus accessible. La semaine prochaine, El Al lancera des vols directs entre Tel Aviv et Tirana par l’intermédiaire de sa filiale low-cost, Sundor.

Meri Kumbe, ambassadrice d’Albanie en Israël, a déclaré que, entre autres, la nouvelle liaison, qui devrait être assurée trois fois par semaine, « offrira aux Israéliens une excellente occasion de découvrir l’importance historique du rôle de l’Albanie dans le sauvetage des Juifs pendant la Shoah »
Dans un récent communiqué de presse, le PDG de Sundor, Gal Gershon, a qualifié l’Albanie de « petit pays ami d’Israël, classé parmi les plus sûrs » par le Conseil de sécurité nationale (NSC) israélien.
« Nous constatons une augmentation de la demande de vols à destination des pays des Balkans, connus pour leur excellente cuisine, leurs paysages époustouflants et leur rapport qualité-prix imbattable, des qualités que les Israéliens adorent », a indiqué Gershon.
« Notre nouvelle liaison vers Tirana renforcera les liens d’Israël avec ces pays et offrira aux Israéliens la possibilité de passer leurs meilleures vacances à quelques heures de vol. »
En 2024, l’Albanie a accueilli 11,7 millions d’étrangers et se classe parmi les destinations touristiques à la progression la plus rapide au monde.
Parmi les nombreux sites en cours de construction pour attirer les touristes, on compte non pas un mais deux musées juifs, l’un à Vlora et l’autre à Tirana. Cela représente un nombre remarquable pour un pays qui, selon le Congrès juif mondial, ne compte qu’une soixantaine de résidents juifs.
De nouveaux hôtels voient également le jour, dont un soutenu par Jared Kushner, le gendre juif du président américain Donald Trump. En janvier, le New York Times avait rapporté que le Premier ministre albanais Edi Rama avait approuvé la candidature de Kushner pour la construction d’un complexe hôtelier cinq étoiles sur l’île de Sazan, au large des côtes. Le projet de 1,4 milliard de dollars transformerait une « ancienne base militaire en une destination internationale dynamique pour l’hôtellerie et le bien-être », selon le journal.
L’Albanie a de nouveau fait la Une des journaux le mois dernier après que la chaîne N12 a rapporté que Trump faisait pression sur Rama pour qu’il accepte 100 000 réfugiés palestiniens afin que Gaza soit dépeuplée et, comme Sazan, transformée en une mégalopole touristique. Rama a vivement démenti l’information, déclarant sur le réseau social X : « Je n’avais pas entendu quelque chose d’aussi faux depuis fort longtemps. C’est absolument faux. »
Pourtant, l’idylle naissante entre Israël et l’Albanie contraste avec ses relations de plus en plus tendues avec un certain nombre de pays d’Europe occidentale en raison de la guerre en cours contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza. Cela représente également un revirement complet par rapport aux années 1944 à 1985, lorsque le dictateur Enver Hoxha – qui a construit près de 200 000 bunkers en béton à travers le pays en cas d’invasion américaine qui n’est jamais venue – considérait Israël comme le « petit Satan ».
Me Nimrod Yaron, avocat fiscaliste de Tel Aviv âgé de 46 ans, s’est rendu cinq fois en Albanie. Il s’est impliqué dans ce pays après que l’ancien ambassadeur d’Albanie en Israël, Bardhyl Canaj, lui a demandé de l’aider à élaborer un traité fiscal bilatéral qui a finalement été signé en mai 2021.
« Lorsque nous conseillons aux Israéliens d’investir en Albanie ou d’y ouvrir une entreprise, ils sont très surpris. Je leur dis que c’est un endroit très propice aux affaires. Les gens parlent anglais et la population est très instruite », a-t-il expliqué.
« Pour eux, l’éducation est sacrée, et en tant qu’Israéliens, nous savons que l’éducation est la clé de tout. »

Les principaux domaines d’activité potentiels sont le tourisme, la technologie, la cybersécurité, l’agriculture et la construction. En outre, une nouvelle loi albanaise exempte les nomades numériques de la fiscalité locale. En revanche, a expliqué Me Yaron, il existe de nombreux coûts cachés et « on ne peut pas aller travailler là-bas sans connaître le système ».
« Je ne vois pas d’investisseurs israéliens se précipiter en Albanie. D’une part, il est très difficile de faire des affaires dans un pays qui a encore une économie basée sur l’argent liquide. Mais un jour, l’Albanie s’épanouira, elle rejoindra l’Union européenne et deviendra la plaque tournante des Balkans. Les infrastructures sont déjà en place », a ajouté l’avocat.
Artiste et journaliste local, Dash Frasheri, qui n’est pas juif, est devenu obsédé par Israël il y a plusieurs années et a lancé deux portails d’information consacrés aux relations bilatérales. Il a également suivi un cours d’hébreu et a publié l’année dernière le premier dictionnaire hébreu-albanais au monde.
« Je pense qu’Israël pourrait être l’un des principaux partenaires de l’Albanie. De nombreux conseillers israéliens sont déjà venus ici, de l’agriculture à la médecine », a expliqué Frasheri autour d’un café à l’hôtel Tirana International, faisant référence aux fréquentes visites de l’actuel Premier ministre dans l’État hébreu.

« Après que l’Iran a piraté notre système informatique gouvernemental, Rama s’est rendu en Israël pour protéger nos réseaux et obtenir l’aide des meilleurs experts israéliens en cybersécurité. »
En désignant du doigt la ligne d’horizon de la capitale en pleine expansion, il a noté la construction d’un immeuble de 68 étages derrière l’Opéra voisin, ainsi qu’un gratte-ciel de 80 étages qui devrait voir le jour à l’horizon.
« Dans cinq ans, Tirana sera la capitale architecturale des Balkans », a-t-il prédit.
« Nous sommes en train de devenir un petit Singapour. »
Néanmoins, la population albanaise continue de diminuer. Selon les chiffres officiels, elle ne compte plus que 2,4 millions d’habitants, contre 3,6 millions lors de la chute du communisme en 1991.
« Il y a eu un exode massif des villages vers la capitale, de sorte que les gens quittent les villes où ils ont grandi, ce qui entraîne inévitablement une perte et un déclin culturels », a expliqué Kopelman.
« Et si vous êtes un étranger, vous n’avez aucune idée de ce qu’est l’Albanie. Le Musée national d’histoire est fermé pour les quatre prochaines années, et les descriptifs étaient de toute façon rédigés principalement en albanais. Tout ce qu’on peut y apprendre, c’est le communisme, ce qui est intéressant mais ne représente pas qui sont les Albanais. »
Pour combler ce vide, Kopelman et ses deux associés ont ouvert Albanian Night, un centre culturel interactif de 2 500 mètres carrés situé dans la capitale albanaise. À l’origine, ils avaient envisagé le projet comme une maison d’hôtes dans la ville de montagne de Valbona, au nord du pays, qui attire les randonneurs, mais en raison de son éloignement, cela n’a pas fonctionné.

Kopelman a commencé à rénover cet espace au début de l’année 2024 et l’a ouvert au public en décembre dernier. Son projet emploie 50 personnes et propose quelque 10 000 produits fabriqués par plus de 600 artisans.
Une subvention à l’innovation de l’Union européenne (UE) a partiellement financé l’entreprise de Kopelman évaluée à 1,3 million de dollars. Cependant, pour la rendre durable, il applique un tarif d’un peu plus de 40 dollars pour le spectacle du soir, proposé en anglais et en albanais, et d’environ 65 dollars pour la formule « dîner-spectacle ». Le matin, il ouvre l’espace aux écoliers albanais qui enfilent des costumes et se joignent aux chants et aux danses.
Linda Dervishi, une Albanaise d’origine juive vivant aujourd’hui à Milan, en Italie, considère Albanian Night comme « le projet le plus significatif jamais réalisé » pour promouvoir les traditions de son pays auprès des touristes et des populations locales.
« C’est le premier endroit que je suggère à tout Albanais qui souhaite un véritable retour aux sources », a-t-elle affirmé. « Harel a plongé au cœur de notre culture et l’a mieux mise en valeur que quiconque. En une seule nuit, on peut toucher, goûter et découvrir l’histoire, la photographie, l’art traditionnel, les vêtements et la cuisine de toute l’Albanie. »
Kopelman, qui a étudié l’histoire du Moulin Rouge à Paris ainsi que les spectacles de flamenco en Espagne, a expliqué que sa « Soirée albanaise » était interactive, le public étant encouragé à louer des costumes et à se joindre à la fête.

Il a ajouté que même si 45 % des Albanais se déclarent musulmans, le pays a peu de points communs avec le monde arabe et que le gouvernement ne tolère pas les manifestations pro-palestiniennes. En outre, l’héritage de l’Albanie en tant que refuge temporaire pour les réfugiés juifs étrangers pendant la Seconde Guerre mondiale est bien connu, la Shoah étant largement enseignée dans les écoles du pays.
Les touristes juifs pourront également visiter le mémorial solennel de la Shoah de Tirana, situé en face du lac artificiel de la ville et portant des inscriptions en hébreu, en anglais et en albanais, ainsi que la place Shimon Peres, nommée en l’honneur de l’ancien président et Premier ministre d’Israël.
Avant l’arrivée des vols directs d’El Al, les agences de voyage israéliennes proposent déjà des forfaits casher pour les fêtes de Pessah 2025 en Albanie, incluant des offices de prière ashkénazes et séfarades, des soins dans un spa et une célébration de la Mimouna, la coutume juive marocaine qui marque la fin de Pessah.
Né à Haïfa, Assaf Binder, 46 ans, vit en Albanie depuis 2007. Propriétaire d’une ferme piscicole artisanale dans la station balnéaire d’Himara, sur la côte adriatique, il s’est d’abord installé à Vlora pour gérer la plus grande exploitation aquacole d’Albanie ; son épouse, Shira, tenait une boulangerie et un café sur le thème d’Israël.

Dix ans plus tard, ils ont déménagé à Himara, qui compte désormais parmi les destinations les plus populaires de la « Côte d’Azur albanaise ».
« Quand je suis arrivé ici, il n’y avait rien », a raconté Binder, qui affirme être en Albanie depuis plus longtemps que tout autre Israélien. Chaque matin, Binder et ses employés pêchent de petites quantités de dorades et de bars, et l’après-midi, ils vendent leurs poissons élevés en cage aux restaurants de la région à un prix supérieur de 30 % à celui du marché.
Le couple gère également un groupe Facebook en hébreu destiné aux touristes israéliens, qui compte plus de 18 000 membres et ne cesse de croître. Le prochain projet de Binder : créer la première serre hydroponique du pays pour cultiver des herbes aromatiques de qualité gastronomique telles que le persil, la menthe et le basilic.
« L’Albanie est plus chère qu’avant, mais comparée à Israël, elle reste très bon marché », a-t-il souligné, louant sa beauté naturelle et sa cuisine, mais surtout la chaleur qu’elle dégage envers des gens comme lui.
« Je ne ressens que de l’amour et de l’admiration ici. »
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