Lassé des fake news antisémites, il cible les réseaux sociaux avec son appareil
Le photographe Blake Ezra a élargi son champ d'action sur son populaire compte Instagram pour se concentrer sur la lutte contre la haine en ligne et la destruction des mythes
- Maureen et Eddie, un couple âgé réuni après une année de séparation due au COVID par Blake Ezra (Crédit : Blake Ezra)
- Le grand-rabbin britannique Lord Sacks en 2013 (Crédit : Blake-Ezra Photography Ltd.)
- La Reine Elizabeth, en 2008, par Blake Ezra. (Crédit : Blake Ezra)
- Une des premières photos prises par le photographe Blake Ezra, lors d'un voyage en Israël. (Crédit : Blake Ezra)
- Kathryn Drysdale, de la série Netflix "Bridgerton", au Claridge's pour les SAG Awards virtuels en mars 2021, photographiée par Blake Ezra (Crédit : Blake Ezra).
Le célèbre photographe londonien Blake Ezra est réputé pour ses photos, et non pour ses articles d’opinion ou son compte Instagram. En tant que portraitiste de premier plan, il a saisi la reine Elizabeth II et le reste de la famille royale, des diplomates internationaux, de l’ancien Premier ministre Tony Blair au président américain Barack Obama, et des stars d’Hollywood.
Mais les événements récents ont amené Ezra à se concentrer sur le conflit israélo-palestinien et à dénoncer les fake news et les actes d’antisémitisme à l’échelle mondiale. Des milliers de personnes ont lu son billet viral de la mi-mai, « I’m Fed Up » [J’en ai marre – ici en français], publié sur la plateforme de blogs du Times of Israel, et son pseudonyme Instagram @blakeezraphoto a acquis une telle résonance que les nouveaux adeptes peuvent se demander pourquoi son pseudonyme contient le mot « photo ».
« Je n’avais absolument pas l’intention de m’exprimer, de la manière dont je l’ai fait », a déclaré Ezra au Times of Israel. « En fait, j’étais dehors un après-midi et j’ai juste vu ce tsunami de haine à l’égard des Juifs, d’Israël. Et c’est une chose, mais quand vous voyez autant de mensonges flagrants, partagés à une échelle industrielle – c’est probablement ce qui m’a le plus dérangé. »
Ezra a ressenti le besoin de se défouler en rentrant chez lui, et a rapidement écrit et posté « I’m Fed Up ». La réponse massive, à ce texte, l’a poussé à s’attaquer à la désinformation en ligne, pendant des semaines.

« De manière générale, [mon travail de photographe] a été mis en veilleuse et c’est devenu un travail à temps plein très épuisant et émotionnellement épuisant », a déclaré Ezra.
Tout en s’efforçant de mener à bien ses missions photographiques existantes, Ezra a passé des heures sur Instagram, à dénoncer les mensonges des mèmes et infographies des médias sociaux – comme une photographie postée par la mannequin américano-palestinien, Bella Hadid, de l’équipe de football palestinienne de 1939, qui était en réalité composée uniquement d’athlètes juifs.
Il a amplifié les images d’actes d’antisémitisme mondiaux qui, selon lui, n’étaient pas suffisamment couverts par les médias grand public, partageant, par exemple, une vidéo de pro-palestiniens, hurlant des menaces antisémites vulgaires et violentes à Londres.
Ezra a également plaidé pour que les actes d’antisémitisme aient des répercussions et a exhorté Google à licencier son ancien responsable de la diversité, Kamau Bobb, pour un billet de blog de 2007 dans lequel il déclarait que les Juifs devraient s’inquiéter de leur « appétit insatiable pour la guerre ». À la suite des nombreuses réactions suscitées par la résurgence de ce message, Google a réaffecté M. Bobb à un nouveau poste axé sur les STIM, mais ne l’a pas renvoyé.
Grâce à sa formation universitaire sur le sujet – il a obtenu un diplôme dans le cadre du programme de politique moyen-orientale de l’université de Manchester. Ezra a également replacé l’escalade actuelle, dans le contexte de l’histoire plus longue, du conflit israélo-palestinien.
Une relation à long-terme
D’une certaine manière, le conflit israélo-palestinien a toujours été étroitement lié au travail photographique d’Ezra. Son appareil-photo et son lien avec le Moyen-Orient, sont liés, depuis des décennies.
Ezra, élevé dans un foyer juif traditionnel ashkénaze avec quelques origines séfarades, a passé pour la première fois, beaucoup de temps en Israël lors d’une année sabbatique en 2001, entre le lycée et l’université, lorsqu’il s’est inscrit à l’Institut des jeunes leaders de l’étranger à Jérusalem. Il a également été bénévole, dans le cadre d’un projet dans le nord d’Israël, visant à présenter des enfants réfugiés libanais à des enfants israéliens, et a voyagé dans la région, notamment en Jordanie.

« Il y a probablement eu un moment clé, celui où j’étais à Jérusalem et où j’ai été tout près d’un attentat-suicide », a déclaré Ezra à propos de 2001, lorsqu’il a manqué de peu d’être victime d’une attaque terroriste. « Cela m’a fait prendre conscience, que si je devais passer mon temps à faire quelque chose, il fallait que ce soit quelque chose que j’aime et qui, je l’espère, aide les autres. »
À son retour au Royaume-Uni, Ezra a rapidement abandonné le cours de comptabilité auquel il était inscrit et s’est inscrit au programme de politique du Moyen-Orient de l’université de Manchester. C’est en étudiant l’histoire complexe de cette région qu’Ezra a décidé qu’il voulait être un conteur. Il a momentanément envisagé de devenir journaliste, mais a finalement opté pour la photographie d’actualité, qu’il a fini par apprendre en cours d’emploi.
Après avoir obtenu son diplôme de premier cycle en 2005, Ezra savait qu’il voulait retourner en Israël et devenir photographe. Il a contacté le Jerusalem Post et a passé, une année en tant que stagiaire en photographie, à capturer des nouvelles, des manifestations et des matchs de football pour le journal.

Ezra est ensuite retourné au Royaume-Uni et a rapidement obtenu un poste salarié dans une agence de presse. Dès sa deuxième semaine, il a été envoyé pour réaliser la première, de ce qui allait devenir de nombreuses séances de photos de la reine Elizabeth II. Ezra pense que l’une des raisons pour lesquelles, il a réussi dans cette voie professionnelle, est sa capacité à établir des liens avec un large éventail de personnes tout en respectant leur besoin d’espace.
« Étrangement, c’était presque une réintroduction à l’humanité, car les personnes que je rencontrais quotidiennement étaient des gens que je n’aurais jamais nécessairement croisés dans ma vie de tous les jours », a déclaré Ezra à propos de son travail de photographe d’actualités.
« Je voyais des gens de toutes les couches de la société – des personnes complètement démunies qui ne peuvent pas mettre de la nourriture sur la table, jusqu’aux personnes les plus riches du pays – et des gens de toutes les opinions politiques ; des gens normaux à qui des choses remarquables étaient arrivées », a-t-il ajouté.
Ezra a photographié l’actualité pendant cinq ans, avant de passer à la photographie d’événements privés, après qu’un ami lui a demandé de photographier son mariage en 2010. Finalement, les événements privés ont pris le dessus, et c’est ce qu’il fait depuis dix ans.

Parmi ses photos récentes préférées, il y a celle d’une réunion, entre un couple de personnes âgées, qui n’avaient pas été dans la même pièce, depuis plus d’un an en raison du COVID, car l’un d’eux vit dans un établissement de soins infirmiers avec une politique de visite stricte.
« Être la seule autre personne dans la pièce à ce moment-là, oui, c’est émouvant, mais c’est un immense privilège », a déclaré Ezra.
Du COVID au conflit
D’habitude, Ezra a une liste de projets bien remplie – certains sont réservés des années à l’avance – mais son agenda s’est vidé en mars dernier après la pandémie. Le travail a été lent jusqu’à ce qu’il y a quatre mois environ, il ouvre un studio de portrait, qui a depuis photographié des célébrités, telles que l’actrice Kathryn Drysdale de « Bridgerton »(une série télévisée américaine pendant la Régence anglaise) – une photographie reproduite dans Vogue, Vanity Fair et Harper’s Bazaar, entre autres.

Lorsque le conflit, qui a donné lieu à l’opération Gardien des murs, s’est intensifié à la fois en Israël et sur les médias sociaux, Ezra a choisi d’accepter moins de nouvelles réservations. Il a passé des heures sur Instagram à exposer des récits et des histoires, qui n’avaient pas atteint les médias grand public, à sensibiliser aux incidents d’antisémitisme et, comme il le dit, à « dénoncer les mensonges. »
Ezra dit qu’il ne serait pas surpris, si le fait de s’exprimer ainsi lui avait coûté de futurs emplois, mais ajoute qu’il n’est pas inquiet à ce sujet.
« Si le fait de s’opposer à la haine me coûte des commissions de photographie, alors ce n’était pas celles qu’il me fallait », a déclaré Ezra. « Il y a des choses bien plus importantes dont il faut s’inquiéter ».
En conséquence, Ezra a passé beaucoup moins de temps, derrière son objectif, ces derniers temps. Aujourd’hui, quelques semaines après le cessez-le-feu, il reprend lentement son travail de photographe à plein temps.
« Pour moi, en fait, le moteur n’a jamais été l’appareil-photo », a déclaré Ezra. « Le moteur était toujours de communiquer un message aux gens – que ce soit en mots ou en photos ».
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