L’Autorité palestinienne suspend la diffusion d’Al Jazeera
Le Hamas, grand rival du Fatah, a qualifié cette suspension de "violation flagrante de la liberté de la presse" et "d'acte répressif destiné à faire taire les voix dissonantes"

La chaîne qatarie Al Jazeera a dénoncé jeudi la décision de l’Autorité palestinienne (AP) de suspendre sa diffusion et ses activités dans les Territoires palestiniens, affirmant qu’il s’agissait d’une « tentative de masquer la réalité » en Cisjordanie.
L’AP avait annoncé mercredi soir cette décision, en accusant la chaîne « d’incitation à la sédition » et « d’ingérence » dans ses affaires.
« Le comité ministériel compétent, composé des ministères de la Culture, de l’Intérieur et des Communications, a décidé de suspendre la diffusion et de geler toutes les activités de la chaîne Al Jazeera et de son bureau en Palestine » et de « suspendre le travail de tous les journalistes, employés, équipes et chaînes affiliées jusqu’à ce que son statut juridique soit rectifié », selon l’agence de presse officielle Wafa.
« Cette décision intervient en réponse à l’insistance d’Al Jazeera à diffuser des contenus et reportages caractérisés par de la désinformation, de l’incitation à la sédition et de l’ingérence dans les affaires internes palestiniennes », avait ajouté l’agence.
Un employé d’Al Jazeera en Cisjordanie a confirmé à l’AFP que le bureau de la chaîne à Ramallah avait été informé mercredi de sa suspension.
Al Jazeera diffusait mercredi soir des images montrant des policiers de l’AP apportant à ses journalistes à Ramallah un document judiciaire officiel, daté du 1er janvier 2025.

La chaîne qatarie a dénoncé jeudi cette suspension, affirmant qu’elle intervenait à un moment « où l’Autorité palestinienne tente de dissuader Al Jazeera de couvrir l’aggravation des événements dans les Territoires palestiniens occupés » et après « une campagne d’intimidation » menée à l’encontre de ses journalistes.
Déjà bannie en Israël
L’AP, dirigée par Mahmoud Abbas, détient une autorité administrative partielle en Cisjordanie, territoire sous autorité israélienne depuis 1967.
Ses forces de sécurité sont impliquées depuis plusieurs semaines dans des affrontements à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, avec des factions terroristes, qui ont déjà fait une dizaine de morts.
Ces groupes, dont la plupart des membres appartiennent aux groupes terroristes du Hamas et du Jihad islamique palestinien, se considèrent plus efficaces pour lutter contre Israël que l’AP.
Al Jazeera, qui défend la neutralité de son travail, a affirmé jeudi que la suspension de ses activités constituait « une tentative de masquer la réalité sur le terrain dans les territoires occupés, en particulier dans des villes comme Jénine et son camp de réfugiés ».
Le Hamas, grand rival du Fatah d’Abbas, a qualifié la suspension d’Al Jazeera de « violation flagrante de la liberté de la presse » et « d’acte répressif destiné à faire taire les voix dissonantes ».
« Cette décision s’inscrit dans la lignée d’une récente série de mesures arbitraires prises par l’Autorité pour entraver les droits et libertés publics, et renforcer son emprise sécuritaire sur le peuple palestinien », a ajouté le groupe terroriste palestinien du Hamas, appelant l’AP à « revenir immédiatement sur sa décision ».

Le Jihad islamique palestinien, un autre groupe terroriste, a aussi protesté contre l’interdiction d’Al Jazeera.
« Nous condamnons la décision des autorités de fermer le bureau d’Al Jazeera en Palestine, alors que notre peuple et notre cause ont un besoin urgent de faire connaître leurs souffrances au monde entier », a déclaré groupe terroriste palestinien ayant participé au pogrom du 7 octobre 2023 en Israël.
Israël avait déjà décidé en mai dernier d’interdire la diffusion d’Al Jazeera dans le pays et d’y fermer ses bureaux, résultat d’un conflit de longue date entre la chaîne et le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui s’est aggravé pendant la guerre en cours dans la bande de Gaza depuis près de quinze mois.
L’armée israélienne a accusé à maintes reprises les journalistes d’Al Jazeera d’être des « agents terroristes » à Gaza affiliés au Hamas, auteur d’une attaque sans précédent le 7 octobre 2023 en Israël qui a déclenché la guerre.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a demandé jeudi l’annulation de la décision de l’AP. « Nous sommes profondément préoccupés » et « nous demandons instamment à l’Autorité palestinienne de faire marche arrière et de respecter ses obligations en matière de droit international », a indiqué le Haut-Commissariat sur X.
Le ministère des Affaires étrangères allemand a lui aussi dénoncé jeudi la suspension de la diffusion de la chaîne de télévision Al Jazeera par l’AP.
« L’interdiction par l’Autorité palestinienne du travail d’Al Jazeera en Cisjordanie est profondément inquiétante », a déclaré le ministère dans une publication sur X.
« La liberté de la presse est un bien précieux. La liberté d’information doit être garantie, même dans les situations de conflit. »