Le discret Lapid pense-t-il que le clivant et cinglant Netanyahu peut se saborder ?
Le nouveau Premier ministre avait réussi à former une coalition qui a évincé Netanyahu du pouvoir. Sans Bennett, mais au poste de Premier ministre, réitérera-t-il l’exploit?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Un tremblement de terre a frappé le nord d’Israël mercredi soir, au moment-même où le Premier ministre sortant, Naftali Bennett, bouclait les ultimes questions de son gouvernement défait.
Il s’est engagé à soutenir son successeur par intérim, Yair Lapid, annonçant qu’il ne se présenterait pas aux prochaines élections et a remis ce qu’il reste de son parti Yamina à son alliée de longue date, Ayelet Shaked.
La mort de la coalition Bennett-Lapid, cimentée jeudi matin par un vote à la Knesset qui a fixé au 1er novembre la date du cinquième scrutin depuis avril 2019, a été tout sauf un tremblement de terre. C’est plutôt l’aboutissement inévitable d’un processus implacable au terme duquel une alliance ambitieuse de compagnons politiques bien intentionnés mais extrêmement différents a été progressivement écrasée.
Quelques-uns de ses membres, issus de plusieurs de ses partis constitutifs, n’ont pas apprécié ni soutenu solidement ce que leurs dirigeants de parti avaient si improbablement mis en place – une alliance disparate née d’une hostilité commune envers Benjamin Netanyahu, contrainte de mettre de côté les positions idéologiques les plus clivantes et de gouverner par consensus. D’autres membres, issus du parti Yamina de Bennett, se sont, pour leur part, aperçus qu’ils ne pouvaient pas vivre avec ces compromis idéologiques, surtout pas sous la constante pression diabolisante exercée par Netanyahu et ses affidés.
Comme lors des quatre précédents combats électoraux, Netanyahu, aujourd’hui âgé de 72 ans, toujours fougueux et indomptable, attend dans un coin, cinglant et méprisant envers ceux qui osent le défier. Contrairement aux quatre compétitions passées, cette fois, il y a un concurrent en titre en face. Le Premier ministre par intérim, Yair Lapid, ex-boxeur amateur, dispose précisément de quatre mois pour persuader l’électorat de lui laisser le titre.
Comme si la surenchère de Netanyahu, hyper-expérimenté, agile et féroce ne suffisait pas, Lapid devra surmonter un autre défi : la démographie israélienne.
Les communautés ultra-orthodoxes et nationalistes orthodoxes d’Israël, principaux soutiens de Netanyahu, ont longtemps connu une croissance plus rapide que la communauté laïque d’Israël. Cette modification inexorable du centre de gravité électoral a été accentuée, ces vingt dernières années, par le déplacement progressif vers la droite du jeu politique– dans un pays traumatisé par la violence de la deuxième Intifada et violemment persuadé par le Hamas et le Hezbollah que l’abandon de territoire n’était pas une garantie de paix.
Les changements démographiques pourraient être compensés par la montée en puissance progressive de l’électorat arabe d’Israël. En dénigrant le parti Raam de Mansour Abbas, qu’il présente comme un soutien du terrorisme, comme il l’a encore fait à la Knesset jeudi et continuera très probablement à le faire dans les mois à venir, Netanyahu cherche à la fois à mobiliser ses électeurs et s’aliéner les électeurs arabes.
Une faible participation arabe le jour du scrutin renforcerait considérablement les chances d’un retour de Netanyahu.
Jusqu’au bout, les dirigeants des partis qui ont uni leurs forces pour défaire Netanyahu l’an dernier ont refusé de s’associer à lui et de lui donner une majorité à la Knesset aujourd’hui dissoute.
Avigdor Liberman, Benny Gantz et surtout Gideon Saar auraient préféré éviter ce nouveau scrutin. Bennett a choisi, lui, de prendre ses distances avec la vie politique. Tous auraient pu s’assurer quelques années de plus au pouvoir en rejoignant Netanyahu. Tous ont résisté, ce qui fait d’eux des ex-partenaires apparemment irrévocablement aliénés.
Le discours caustique et excessivement confiant de Netanyahu à la Knesset, jeudi, sorte de rugissement électoral d’ouverture, n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il mènera une campagne volontairement clivante, tenant d’un camp dur, fier et patriote contre les prétendues faiblesses de la gauche et de ses supposés alliés terroristes arabes.
Maintenant que sonne l’heure des élections, il n’y a plus lieu de courtiser des alliés devenus adversaires.
En s’adjoignant brièvement les forces de Bennett, Lapid a réussi à rassembler suffisamment de voix pour évincer Netanyahu en mars 2021, coiffant l’imposante majorité de droite à la Knesset d’une courte majorité anti-Netanyahu. Mais les partenariats ne pouvaient pas tenir. Préférant manifestement se positionner sur le terrain politique, confortablement discret, aimable, calme et manifestement habile à construire des alliances, Lapid doit de nouveau prendre Netanyahu à revers.
Lapid a choisi de ne pas prendre la parole lors de la session de dissolution de la Knesset jeudi, tout comme il avait à peine parlé lorsque la coalition avait prêté serment, en juin 2021. Il a à peine parlé lorsque Bennett a annoncé la chute de la coalition, il y a 10 jours. La séance de passation de pouvoir, jeudi après-midi, avec Bennett a également été brève, et tout sauf grandiloquente.
Évoquant les défis qu’emporte le poste de Premier ministre, Lapid a confié avec modestie : « Nous ferons de notre mieux pour un État juif démocratique, bon, fort et prospère, parce que c’est notre travail et que c’est plus important que nous. »
Peut-être croit-il que le style de campagne de son rival – la terre brûlée -, mis en regard de ses quatre mois de travail compétent, dans la constance, sera suffisant et qu’une partie suffisante, là encore, de l’électorat se détournera de Netanyahu, comme Bennett, Saar, Gantz et Liberman avant elle. Peut-être croit-il tout simplement que Netanyahu pourrait se saborder sans le vouloir.
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